Coeur de pierre: la rubrique des statues grecques. La Vénus d’Arles

Découverte et réception


Ce nom de « Vénus d’Arles » vient du fait qu’elle a été retrouvée à Arles en juin 1651, lors du commencement des fouilles des vestiges romains, et de manière assez fortuite, elle a en effet été retrouvée près de la citerne d’une maison moderne. L’hypothèse la plus vraisemblable affirme que cette statue fait partie d’un programme iconographique destiné à décorer le théâtre antique d’Arles. La Vénus serait issue de la décoration du postscaenium, un grand mur, comportant trois étages de colonnes, servant de mur entre l’estrade de la scène et les coulisses afin de cacher ces dernières. Ce mur est sublimé par une importante statuaire inspirée de modèles grecs, notamment des danseuses et des déesses, dirigeant le regard du spectateur vers la statue d’Auguste représenté en Apollon, d’une certaine manière, cette statue pouvait donc avoir une importance, plus ou moins grande selon les hypothèses, pour le culte impérial.


Aussitôt découverte, cette statue connut un immense succès – la France étant le centre mondial de la culture et de toutes les attentions à l’époque de Louis XIV – et fut directement acquise par les Consuls d’Arles. Sa renommée peut s’expliquer du fait de sa nudité, en effet, à l’époque, la présence de sculptures féminines à demi-nues était gage de rareté. L’assemblage des quatre fragments fut entrepris en 1652 par Jean Sautereau. Pendant longtemps, cette statue occupa plusieurs places successives dans la ville provençale, la plus connue étant sans doute la tour de l’Horloge, près de l’escalier d’honneur de l’hôtel de ville. C’est de cette exposition dans la ville que naît chez certains poètes l’idée d’une noblesse romaine arlésienne de laquelle descendraient les habitants, cette thèse sera par ailleurs reprise par des écrivains, comme Frédéric Mistral. Jaloux de son succès auprès de la cour européenne, Louis XIV décida par un décret de la faire venir à Versailles afin que cette dernière puisse décorer la galerie des Glaces au même titre que la Diane de Versailles. C’est donc ensemble que ces statues entrent au Louvre en 1798.

Raphaël Papion

Description et analyse


La statue en pied, plus grande que nature, représente une jeune femme à demi-vêtue d’un manteau ceinturé aux hanches. Par bien des aspects elle rappelle le travail de Praxitèle, à qui l’on prête l’original associé. Son attitude souple et l’impression de balancement créée par le contrapposto ne sont pas sans évoquer les recherches du sculpteur du second classicisme (370-323 av. J.-C.) visibles sur l’Apollon Sauroctone. La composition est savamment animée par les bras, visiblement relevés, et par la tête tournée vers la gauche. Les plis variés de l’himation qui se répondent à un rythme mathématique y contribuent également et sont des traces évidentes du classicisme, et plus particulièrement du IVe siècle comme nous l’indique la retombée en cascade du drapé le long de la jambe portante. Le manteau épais, profondément recreusé au niveau de ses hanches, contraste avec la peau lisse et les courbes douces de la déesse. Sa poitrine menue est également un trait fréquent chez Praxitèle. L’écart entre les pieds et le léger déséquilibre quant à eux provoquent une oblique dans les plis du manteau en mouvement qui s’oppose à celle décrite par les bras, mettant ainsi en avant l’objet tenu dans sa main gauche.

L’étude de son visage semble confirmer la parenté avec une oeuvre de Praxitèle; androgyne, le front triangulaire, la paupière inférieure estompée, les lèvres charnues. Notre Vénus d’Arles présente une grande similarité avec la tête féminine du type Aphrodite de Cnide du Louvre exposée à côté. Ses mèches ondulées sont ramenées en un chignon à l’arrière du crâne, tandis qu’au niveau de ses tempes certaines ont été repiquées autour du bandeau, créant un léger bourrelet. Ses oreilles ne sont pas percées, contrairement à certaines statues de marbre, en revanche un trou au centre de son bandeau laisse supposer qu’un bijou était rapporté. De même, elle est parée d’un bracelet au bras gauche, dont le chaton vide était peut-être autrefois orné d’une pierre.

La remise en question de l’attribution à Praxitèle par Ridgway, qui la pense faite «à la manière de» Praxitèle à l’époque augustéenne, est réfutée par nombre de chercheurs, dont Alain Pasquier.

Enfin nous pouvons observer diverses traces de mutilations et de restaurations (cou, épaule droite, omoplate gauche, avant-bras, fragment de ruban) et de systèmes de maintien (tenons à la hanche droite et trou de crampon au niveau des reins, sous le bourrelet du manteau). Ceux-ci nous indiquent que la statue était destinée à être vue de face. D’ailleurs en observant la statue de dos nous notons que le bas du manteau n’est que grossièrement sculpté, à peine dégagé du bloc de marbre, liée au lieu où elle était disposée.

Lilou Feuilloley

La restauration

Arrivée à Paris en 1684, la Vénus d’Arles fut confiée à François Girardon (1628-1715), le bien connu sculpteur du Roi-Soleil. L’œuvre, notamment amputée de son bras droit ainsi que de son avant-bras gauche devait, comme c’était alors l’usage, être restaurée afin d’être exposée dans la Grande Galerie de Versailles. Cette statue de femme faisait alors débat : qui représente-t-elle donc ? Selon certains, il s’agissait de Diane, pour d’autres, elle représentait Vénus bien sûr. Louis XIV acquiesce lorsque F. Girardon lui présente un modèle en cire de son projet de restauration en Aphrodite. Celui-ci l’a donc dotée d’attributs, ne laissant plus de doute quant à la divinité qu’elle était censée représenter : une pomme, allusion au jugement de Pâris, et un miroir pour la belle déesse. Cependant, le travail accompli par le sculpteur du roi n’a pas nécessairement été très bien reçu. En effet, dès 1759, il est affirmé qu’il aurait été bien incongru pour les Anciens de doter leur œuvre de deux attributs, d’autant plus s’il s’agit d’Aphrodite dont l’attribut principal est finalement son corps même. Mais ce qui provoqua la véritable controverse fut la découverte, en 1911, par Jules Formigé, architecte et archéologue originaire d’Arles, d’un moulage de la sculpture avant sa restauration par Girardon. Les différences entre le plâtre et le marbre ont rendu ce dernier coupable d’avoir « dénaturé » la statue. Car si le moulage a été réalisé avant restauration, il semble bien naturel qu’il soit fidèle à l’œuvre en marbre. Pourtant, l’affaire est plus complexe. Effectivement, fiers de cette découverte, les Arlésiens ont exposé le moulage à l’hôtel de ville, mais celui-ci aurait été endommagé à diverses reprises. Plusieurs problématiques se posent alors : par exemple, Girardon a procédé à quelques retouches de telle sorte que le genou de l’oeuvre en marbre est moins saillant à travers le drapé qu’il ne l’était au moment de la mise au jour, à tel point que le moulage retrouvé par Furmigé paraît pour le coup plus fidèle à l’original.

Mais, comme pour une autre Vénus bien célèbre, c’est la position des bras et les attributs (certains ont proposé une Vénus en armes) qui ont probablement causé le plus de discussions. S’il s’avère que la position de l’avant-bras gauche est assez juste, en revanche, le bras droit – dont beaucoup l’auraient placé plus haut, la main droite ramenée vers la chevelure ou bien en direction de l’épaule versant un petit vase d’eau – était en fait à l’origine plus bas, comme l’indique un tenon qui était logé sur la hanche droite. C’est d’ailleurs ce tenon qui a poussé le restaurateur à diminuer la largeur des hanches de la déesse afin qu’il ne soit plus visible. Cela lui valu quelques critiques, comme pour le tenon antique de l’épaule droite qu’il a transformé en petit ruban. Par ailleurs, la position de la tête diffère entre le moulage et l’œuvre. Elle aurait été mise de telle sorte que la déesse se contemplait dans le miroir dont elle a été pourvue au XVIIe siècle.

En somme, si la restauration effectuée par François Girardon a été contestée, il n’en reste pas moins que la Vénus d’Arles, sans doute moins fidèle à l’original qu’elle ne l’a été, demeure tout à fait harmonieuse. Le sculpteur a bien accompli sa mission : restaurer un antique afin de le rendre digne de figurer parmi les chefs-d’oeuvre d’un roi qui se souciait davantage de la renaissance d’un âge d’or que de recherches archéologiques, et ce notamment en faisant revivre des sculptures qui étaient restées ensevelies pendant des années.

Le cas de la Vénus d’Arles est ainsi singulièrement intéressant puisqu’il pousse à comprendre l’histoire et les enjeux de restauration spécifiques aux différentes époques. Dans ce contexte, il est donc bien compréhensible qu’à son arrivée au musée du Louvre la Vénus de Milo, laissée presque telle quelle, ait eu du mal à trouver sa place parmi toutes ces œuvres restaurées !

Lyse Debard

Sources :
– PASQUIER Alain, MARTINEZ Jean-Luc, 100 chefs-d’oeuvre de la sculpture grecque au Louvre, Musée du Louvre, Département des antiquités grecques, étrusques et romaines, Paris, Somogy éditions d’art : Musée du Louvre éditions, 2007
– MICHON Étienne, « La Vénus d’Arles et sa restauration par Girardon », Monuments et mémoires publiés par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Fondation Eugène Piot, 21, 1913
– MILOVANOVIC Nicolas, MARAL Alexandre, Versailles et l’Antique, catalogue d’exposition (Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, du 13 novembre 2012 au 17 mars 2013), Paris, Artlys, 2012

Les raisons pour lesquelles notre cœur fond :

« Lorsque je regarde la Vénus d’Arles, je ne peux m’empêcher de penser à toute la douceur qu’elle dégage, les bras et les épaules sont particulièrement doux. La volupté du buste s’additionne avec la délicatesse sculpturale du ventre. Finalement le mouvement s’effectue avec le drapé. Pris dans son avant-bras gauche, celui-ci dessine de grandes obliques traversant le jeu de jambes de la copie romaine attribuée à Praxitèle. Les plis forment une longue succession de cannelures descendant vers les pieds que le drapé laisse le soin de légèrement découvrir. Je suis particulièrement émerveillé par les drapés de sa jambe gauche, le rabat du vêtement vient se traduire par une chute de plis travaillés au foret. Enfin, la longue plage de calme au-dessus du relief du genou droit vient achever ce délicieux mélange de volupté et de sérénité. Pour ce qui est du visage, celui-ci respecte les codes très appréciés par les Grecs à cette époque puis par les Romains. Finalement comment ne pas les comprendre, la rectitude du nez, les yeux en amande, les lèvres fines et délicates, tous ces éléments sont de véritables bonbons pour les yeux. »

Raphaël Papion

« Ma vue favorite de la Vénus d’Arles est celle de son dos. Paradoxalement, c’est en observant ce que les Romains et Gaulois n’étaient pas destinés à voir que nous pouvons saisir l’histoire et la force de cette Aphrodite: le bloc de marbre initial qui se devine à ses pieds, le drapé glissant le long de ses hanches, la posture sinueuse et l’extrême douceur praxitéliennes, les marques de restauration et de mutilations qui laissent entrevoir le marbre brillant, ou encore la coiffure élégante. Même la question des attributs divins se trouve ajustée car nous ne sommes plus influencés par les attributs restitués: de dos elle permet à toutes les hypothèses (miroir, peigne, casque, pomme) de coexister. »

Lilou Feuilloley

Opéra

Entends ça, l’amour est un oiseau rebelle.
Toi, le fou, qui l’en age et le recèle
Te sens-tu prêt, ce torero, à l’affronter ?
Devant les cornes, point peur il n’a, Don José.
Tous bercent son visage dans leur mémoire,
Elle rit de se voir si belle dans son miroir.
Toi, Papageno, l’oiseleur, vas-tu mentir ?
D’un air de flûte lui fait naître des soupirs ?
La belle, enchantée : est-ce parole d’or ?
Que nenni ! Un cadenas ta bouche va clore.
Croit-tu, Radamès, l’enfermer dans la tombe
Telle qu’Aïda, à ton amour succombe ?
Crois-tu être Gérald, quand je serais Lakmé ?
Et par amour de toi, je meurs empoisonnée.
Hélas ! Le chant des fleurs ne peut point résonner !
Mon amour, lui, ne peut être apprivoisé.
Pensez-vous, officier, dans votre filet,
Par quelques ruse, mon coeur vous capturez ?
Gare ! Point je ne suis, Madame papillon
Et Seville m’abrite, Nagasaki, non !
Laisser-moi libre, ou comme la walkyrie,
Invincible, je charge, et je vous détruis.
Sais-tu, mon amour est enfant de bohème.
de par le monde mon nom résonne : Carmen !
Mezzo-soprano, oui, est la voix qu’il vous faut.
Pour toutes, jouer mon rôle, C’est un cadeau.
Enfin Ménélas ! Te voilà à la traîne :
« Je suis l’époux de Carmen, l’époux de Carmen… »

L. & R. Papion