Les poils, quelle horreur ! Retour sur l’exposition “Des Cheveux & Des poils” du musée des Arts décoratifs

Les filles, on se souvient toutes de ces moments de tortures où dans la salle de bain notre mère s’activait à démêler nos cheveux rendus fous par nos excursions aux bacs à sable et nos épopées de la cour de récréation. Pour ma part, je me vois encore me plaindre de douleur à ma maman qui me répétait inlassablement “Eh oui, il faut souffrir pour être belle, si tu ne t‘étais pas jetée dans ces buissons aussi”. Ainsi, nous sommes éduquées, dès notre plus jeune âge, à ce rapport entre apparence et sacrifice. Au collège, ce sont nos poils qui dérangent puis à l’âge adulte, nos racines. S’ensuit alors un cycle infini de rendez-vous chez le coiffeur et l’esthéticienne auxquels s’ajoutent des dépenses pour les meilleurs shampoings et rasoirs…

 

Si on cherche à remonter à l’origine de ces stigmates, on remarque que le cheveu et les poils sont pour les cultures gréco-romaines et judéo-chrétiennes, symboles de notre animalité, notre sauvagerie ; d’où la volonté de les “dompter” pour éloigner la bête qui est en nous. Par expansion, lorsque l’on nous éduque à “souffrir pour être beau”, on nous invite à arrêter nos comportements primitifs d’enfants pour intégrer le moule social, symbole de notre supériorité et de triomphe sur notre nature et instinct animal. C’est un mode de fonctionnement qui remonte donc à très loin mais qui interroge. De quelle manière et à quel degré l’agencement et la coiffure des poils humains participent à la construction des apparences ? C’est la question à laquelle tend à répondre l’exposition “Des Cheveux & Des Poils”. 

 

Pour celles et ceux qui n’ont pas eu l’occasion de s’y rendre, elle a eu lieu au musée des Arts décoratifs de Paris entre le 5 avril et le 17 septembre. Son commissariat fut assuré par Denis Bruna, conservateur en chef au département mode & textile, qui choisit de présenter ce sujet sous cinq angles. Le premier traitait de l’évolution de la coiffure féminine en présentant les différentes modes, toutes plus extravagantes les unes que les autres, le deuxième abordait la symbolique des poils aussi bien pour le genre maculin que le genre féminin. Une troisième partie était dédiée aux artifices capillaires tels que les perruques (aussi bien pour des raisons esthétiques que pour des problèmes de santé) ainsi que l’histoire de la coloration et la symbolique des couleurs de cheveux. Enfin, l’exposition traitait de l’évolution des savoirs-faire et des métiers de la coiffure pour finir sur le sujet des cheveux à l’époque contemporaine aussi bien en tant que sujet d’art qu’en tant que sujet politique.

Quant à la scénographie, on notait le passage d’un thème à un autre par le changement de couleur des murs. Sans faire une analyse exhaustive de l’exposition qui ennuierait ceux qui l’ont déjà faite et qui ne serait qu’une reprise des informations présentes sur le site du musée, voici quelques réflexions personnelles m’ayant particulièrement interpellée lors de cette exposition.

 

1- La peur du sexe féminin. Si la partie de l’exposition qui traitait de la pilosité génitale masculine attirait les foules curieuses et les rires, le pan de mur entièrement dédié à l’Origine du Monde de Courbet, attirait quant à lui la gêne. En effet, moins nombreux étaient ceux qui s’intéressaient au tableau que ceux qui détournaient le regard, changeaient de pièce ou encore pire passaient devant ce chef-d’œuvre, indifférents, sans même lui accorder un regard. Quant aux parents parfois déboussolés ou même choqués, ils ne savaient que dire à leurs enfants. Ainsi, presque deux siècles plus tard, on voit que cette œuvre est toujours aussi controversée alors qu’elle était exposée dans un contexte on ne peut plus adéquat, soit dans une salle dédiée à la pilosité génitale féminine.    

 

2- Les dérives de la mondialisation. Dans l’espace consacré aux artifices et particulièrement à la création des perruques, un documentaire intitulé “D’où viennent les faux cheveux” datant de 1909 présentait une femme qui se rendait chez son coiffeur pour lui vendre ses cheveux, cheveux qui étaient ensuite traités puis mis en perruques dans un village à quelques dizaines de kilomètres pour être revendues dans la région. Un deuxième documentaire, cette fois-ci contemporain, présentait la provenance des extensions de cheveux utilisées par les coiffeurs d’aujourd’hui. Il est choquant d’apprendre qu’ils sont vendus par les temples du Sud-Est de l’Inde où il est coutume d’offrir ses cheveux aux dieux. Ainsi, après avoir parcouru des milliers de kilomètres, leurs cheveux sont vendus une fortune alors que les Indiennes ne touchent pas un centime dans cette industrie de masse.  

 

3- Les métiers du cheveu. En effet pour introduire le thème sur les métiers de la coiffure un espace est consacré à la chronologie des événements marquants de l’histoire de la coiffure. On remarque que c’est une institution très ancienne puisque le premier règlement du barbier-chirurgien remonte à 1301. En effet, le métier de barbier était concordant à celui de chirurgien. C’est finalement sous Louis XV, en 1743, que le métier de barbier-chirurgien évolue vers celui de barbier. On remarque que les métiers du cheveu évoluent aussi énormément au XIXe siècle avec l’apparition de nouvelles techniques (comme la décoloration) ainsi que de nouvelles machines (de torture ?), telles que les sèche-cheveux et les machines à permanente.    

 

Enfin, le cheveu et le poil sont des facteurs déterminant de notre identité et permettent d’en dire long sur notre hygiène de vie, notre genre, nos croyances et plus généralement sur l’image que l’on souhaite renvoyer. De par la présentation d’un panel très hétéroclite d’oeuvres : allant du meuble de toilette, au support numérique, en passant par l’emballage du rasoir Gilette à des affiches publicitaires, présentant aussi esquisses, objets, perruques, musiques, peintures et photographies; l’exposition du MAD a fait une analyse très riche et complète de ce thème. On peut aussi mettre en avant l’initiative de présenter un sujet qui reste assez tabou et mystérieux. Nous avons là une exposition vraiment décoiffante qui nous donne les clés de déconstruction du sujet. 

 

PS : Si vous ressentez une douleur de tête après avoir lu cet article, ne cherchez pas : VOTRE QUEUE DE CHEVAL EST TROP SERRÉE.  

 

GK

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