TOP 9 des meilleures expressions de patois – Nos régions ont décidément du talent !

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Dans la rédaction, nous avons été tellement fiers devant les statistiques de fous rires et de vues de notre Top 23 des mèmes régionaux, que nous vous avons concoté un petit bonus pour clôturer le numéro Paysan. Parce qu’on n’est jamais trop chauvins, chacun de nos rédacteurs les plus régionalistes dans l’âme a livré son expression favorite tout droit venue de sa terre natale. Petit exception pour la Bretagne d’où deux de nos rédactrices sont originaires ! Du coup, elles trichent un petit peu mais on les aime quand même !

C’est également la raison pour laquelle nous n’avons cette fois pas pu mettre des patois de toutes les régions de France mais si toi, lecteur assidu et fidèle du LB, tu en connais et que tu vois que ta patrie est non citée encore, mets nous un message sur les réseaux sociaux ou en commentaires en bas de cet article ! La rédaction se fera un plaisir de rajouter ton expression ! *Les gens du Sud-Ouest, du Massif central et de la Corse coucouuuu on vous cherche !*

 

1. NORMANDIE :

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Y’r’pleut  !

Quand il ne pleut pas, cherchez pas, il va de toute façon pleuvoir tantôt. Boujou bien en Normandie, ça vous dit une p‘tit’ bolée d’cidre pour vous réchauffer le gosier ?

 

 

 

2. POITOU :

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Kétokolé ?

Simple, précis, efficace. Ou comment montrer son incompréhension face à cette hérésie que les Parisiens appellent beurre doux (une sorte de matière grasse complètement impropre à la réalisation de tcho bounes grailées de mojhettes).

 

 

 

3. ALSACE :

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A Schnàps esch d’beschta Medizin !

Y a-t-il vraiment besoin de traduction ? Hopla Geiss, qui reveut sa tournée à la quetsche ? Meilleur remède à tout quel que soit le temps ! Rendez-vous à la fecht (“fête”) pour célébrer ça dignement avec plus d’un schlouk !

 

 

4. PACA :

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Escagassé

Adjectif (fatigué, agacé) : des plus flatteurs et distingués pour qualifier vos fratés. Et n’hésitez pas à exagérer, rien n’est jamais trop gros pour les marseillais. Exemple : « Té vé ce gabian il vole pas droit il est tout escagassé, il fout le oaï ! Eh Marcel, remets-moi un petit pastaga, qu’on soit niasqués ! » 

 

 

5. BRETAGNE :

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Breizhad on ha lorc’h ennon

« Je suis breton et j’en suis fier » = à utiliser seulement si vous êtes breton parce que sinon vous aurez l’air bête. Sinon la Manche en breton ça se dit « Mor-Breizh » et oui ça veut bien dire « mer de Bretagne » parce qu’on est partout.

Gallo: « dépoucher » = magnifique mot pour désigner tej, déposer, jeter. Au lieu de dire « jeter moi ici » dites « dépouche dont moi là ». Cela fera du meilleur goût auprès du monde. 

 

 

6. PICARDIE :

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N’in mingerot su ch’tiete din galeux ! 

On en mangerait sur la tête d’un galeux : piètre restitution (rien ne vaut l’oral) de l’une des plus jolies expressions qui puissent exister, sans l’ombre d’un doute. À utiliser sans hésiter (promis) quand vous voudrez juste signifier que quelque chose est délicieux! 

 

 

7. ARDENNES :

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ça gôye bien hein !

Magnifique expression pour déclarer combien on a bien mangé au point de s’en étouffer ! Parfait pour les amateurs de la cacasse à cul nu (plat à base de pommes de terre, bande de tordus !) Et si on vous sort « Y a ti co yauque ?« , cela signifie que s’il en reste dans le plat, la personne veut bien en reprendre !

 

 

8. TOURAINE :

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Remets ta gâpette à c’t’heure! 

N’oubliez pas que l’été, quand  on fait du cannotage sur la Loire à bord d’une gabare, le soleil ça tape !
Ce serait dommage de choper une insolation avant un bon coup de Vouvray ou de Chinon ! Allez,  suivez notre conseil ! Topette !

 

 

9. RHÔNES-ALPES :

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J’ai R fait cet après-midi, c’était cher bien !

Comprenez qu’à Lyon on ne travaille pas beaucoup ! Il aime beaucoup les swip de mots donc « R » correspond à « Rien » et « cher » est devenu un adverbe remplaçant « trop » ou « très ». Imaginez un peu la situation en sortant du meilleur bouchon : « C’était d’excellents quenelles, poulet Célestine et cervelle de canuts mais vraiment là c’était cher cher ! » Grand malaise à table…

Millet ou le classique engagé

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MILLET, L’Angélus, huile sur toile, 1857-1859, 66 cm X 55,5 cm, Paris, musée d’Orsay

L’auteure de cet article se doit de préciser que ce texte s’inscrit dans le cadre du clash des spés qui divise la rédaction depuis quelques temps. Entre les Grands Demeurés qui veulent prendre le pouvoir et les spé Anthropo qui s’accaparent les analyses *teasing du prochain numéro, le LB 54*, il était temps que la spé XIXe intervienne pour rétablir l’ordre dans les rangs !

 

Millet (Jean-François de son p’tit nom) naît en 1814 et connaît une carrière assez mouvementée, qui alterne entre les références classiques et les œuvres qui le sont moins. Arrivé à Paris, il est tour à tour élève de Gros et de Delaroche (classique). Il connaît la Bible, les textes mythologiques et antiques (classique), les auteurs anglais contemporains comme Shakespeare (pas classique depuis très longtemps), collectionne des œuvres du XVIIe siècle hollandais (classique), et bien d’autres encore. C’est un homme pétri de culture classique (sans blague) qui, après avoir principalement peint des scènes mythologiques et des portraits, décide d’aller peindre dans un coin de forêt pas loin de Fontainebleau : Barbizon. Il s’intéresse alors au genre du paysage. Mais c’est avant tout pour ses scènes de genre mettant en scène des paysans qu’il est le plus connu.

 

En effet, le nom de Millet ne vous est peut-être pas familier (sauf pour les personnes qui s’intéressent aux graines), mais les noms de ses peintures, comme L’Angélus (1857-1859, musée d’Orsay) ou encore Les Glaneuses (1857, musée d’Orsay), vous évoquent peut-être de doux souvenirs de lumière dorée qui se reflète sur les blés en fin de journée. Peut-être pensez-vous aussi à des paysans tout entier dévoués à leur travail agricole, n’ayant d’yeux que pour les récoltes.

 

Avec ces quelques éléments, on peut avoir l’impression que les œuvres sont harmonieuses et calmes. Pourtant, ça n’est pas du tout le sentiment qu’elles inspirent au public parisien lors du Salon. L’Angélus suscite la panique et les visiteurs se demandent ce que ces « épouvantails en haillons » font sur une toile. Le souvenir du peuple qui s’est révolté en 1848 hante encore les esprits des classes aisées. Le peuple représente une force dangereuse et qui est susceptible de renverser l’ordre établi.

 

Il ne faut pas non plus oublier que Les glaneuses représentées par Millet n’ont le droit d’exercer leur activité que depuis peu de temps. Elles sont autorisées à passer dans les champs en fin de journée afin de récupérer les épis négligés pendant les récoltes. C’est un travail de longue haleine, très physique puisqu’il faut se pencher pour ramasser les épis. De plus, elles ne peuvent le faire qu’après les récoltes, alors qu’elles ont déjà passé une journée entière à travailler. Le contraste entre leurs conditions de vie et celles des classes aisées du Second Empire qui se complaisent dans des fêtes et des spectacles plus fastueux les uns que les autres (j’exagère à peine), n’en est que plus fort.

 

Millet, c’est donc ce peintre qui donne aux paysans une visibilité dans un contexte social et politique plus que sensible. En les représentant de façon réaliste dans leurs véritables conditions de travail, généralement pendant l’effort que nécessite celui-ci, il leur confère une grandeur et une dignité qu’ils n’avaient pas auparavant. C’est un peintre qui s’engage pour les causes qui lui sont chères. Ses grands-parents étant paysans, il a côtoyé le travail de la terre dès son enfance et s’attache à en représenter la beauté dans ses toiles. Ses efforts sont récompensés à la fin de sa vie en 1875 et bien après : l’image de L’Angélus est devenue une icône du monde paysan et, lorsque le tableau revient en France en 1909 après avoir changé maintes et maintes fois de propriétaire, c’est un véritable triomphe qui est fait à la peinture.

 

Ivane

Héral’Hic – Un drôle d’oiseau de province

Blason

Blason de l’Aunis

 

Pour le numéro Paysan, on va parler de chez moi, détenteur en titre du fameux Trône de Bouse -c’est comme le Trône de Fer mais en moins coupant et en général on n’extermine pas des familles ou des villes entières pour se l’accaparer ! Et oui chers camarades, quoi de mieux que « l’évêché le plus crotté de France » – merci Monsieur le cardinal de Richelieu- pour illustrer cette thématique ? Bon en vérité nous n’allons pas parler du Sud-Vendée et du diocèse de Luçon mais plutôt de son voisin de La Rochelle, siège du gouvernement de la province royale la plus petite du Royaume de France, l’Aunis !

En effet, quel MAGNIFIQUE blason que celui de l’Aunis :  “De gueules (rouge) à une perdrix couronnée d’or.” Une perdrix … UNE P***** DE PERDRIX ! Mais pourquoi !? POURQUOI !?!?

Bon Billy calme toi -comment ça c’est moi qui ne suis pas calme ! ET MA MAIN DANS TA GUEULE ELLE EST CALME, ELLE !? En tout cas, une chose est sûre, elle marque rouge (#blaguedheraldiste).

Bon vraiment maintenant calmons-nous tous -oui toi aussi Billy ! Tu vas vraiment finir par me faire sortir de mes gonds là !- et cherchons ensemble une explication. En effet, il existe peu d’occurrences de l’usage dans la perdrix en héraldique (bien qu’elles existent chez les Guyonnet, les de Rambouillet, etc…) et pour ces occurrences, peu de sources sur une origine connue du choix de ce meuble -en bref, un truc sur un blason, sauf certaines figures géométriques dites pièces honorables, mais on reverra sans doute ça dans d’autres blasons. Ainsi, tout ce que l’on sait sur l’origine de ces armes c’est qu’elles ont été enregistrées pour la première fois en 1696 pour le gouvernement de La Rochelle, et donc la province de l’Aunis.

Voilà voilà ! On se retrouve la prochaine fois pour un autre blason et … Non je plaisante les enfants, bien sûr que l’on va chercher une explication capilotractée ensemble ! Mais oui ! Vous m’avez pris pour qui vous ?!

Anciennes provinces de France

Carte du Royaume de France avec les 36 gouvernements généraux en 1789.

Déjà, la couronne. Il existe bien une perdrix royale dans la nature (alectoris graeca -#taxonomicorgasm) et son vrai nom vernaculaire est perdrix bartavelle. Malheureusement, elle ne vit qu’à des altitudes dépassant 1 000 mètres, ce qui la rend difficile à rencontrer dans une province dont le point culminant est de 60 mètres -ne vous moquez pas. Peu probable donc. Une autre explication, plus logique, pourrait être trouvée dans la création de la province. Terre des ducs de Poitou depuis le IXe siècle, la région tombe dans le giron royal à la mort d’Alphonse de Poitiers en 1271 avant d’être élevée en province par séparation du Poitou (en 1373) et de la Saintonge (en 1374) par Charles V. De là donc, sans doute, la couronne chapeautant l’emblème d’une ville élevée en gouvernement par le roi. Et ce d’autant plus qu’elle sera le principal siège du parti huguenot éradiqué lors du siège de La Rochelle gagné par les troupes royales en 1628. Une manière pour la province de se racheter ? Pour le gouverneur en poste d’asseoir le pouvoir capétien sur la cité ?

Maintenant, pourquoi une perdrix ? Peut-être  que l’étymologie pourrait nous aider ici. En effet, l’Aunis est désignée au VIIIe siècle pagus Alnensis, appellation dérivée en pagus Alienensis ou même en Castrum Alionis (qui devient Châtelaillon), pour le reste l’étymologie plus précise de ce nom propre est encore controversée. Or souvenez-vous, le taxon de la famille des perdrix -je savais que ça me servirait un jour ! Il faut suivre les enfants !- est Alectoris -bon certes, pas pour TOUTES les perdrix mais pour les autres c’est Perdix, donc c’est moins intéressant. Ce qui pourrait nous amener à la perdrix rouge, qui vit, entre autres, dans l’Ouest de la France, appelée aussi Alectoris rufa. Donc ça passe ! Il y a peut-être une étymologie commune ! Car certes, le taxon Alectoris provient du grec alektor (“coq”) qui a donné en latin alectorius ou même alium (aussi orthographié allium qui signifie dans la plupart des cas “ail” (pour autant dans ce cas, allium vient du grec aglis, de même signification -oui je sais c’est compliqué) mais apparemment aussi parfois “perdrix”, ne me demandez pas pourquoi).

Et là OH MON DIEU ! TOUT EST LIÉ ! Car s’il est peu probable que le terme Aunis soit issu du latin alium, cela aurait pu donner des idées à Jean II d’Estrée, gouverneur de La Rochelle de 1692 à 1701 sous la direction duquel le blason qui nous intéresse depuis le début de cet article se retrouve pour la première fois. Ce fin lettré issu d’une des plus grandes familles de France, cherchant un blason pour sa province a peut-être cherché le terme latin (langue souvent maîtrisée par l’aristocratie) le plus proche du nom Aunis et peu emballé à l’idée de porter sur cet écu une gousse d’ail -ce qui, soit dit en passant, aurait été encore plus drôle et m’aurait permis tout autant de traiter de ces armoiries dans cette rubrique- aurait porté son choix sur la perdrix en prétextant une sombre histoire de synonymes.

Et bien en voilà une explication satisfaisante ! Ce n’est peut-être pas la vraie, mais au moins elle tient la route -mais si Billy, mais si … cesse d’être désobligeant s’il-te-plaît. Sur ce, et avec la sensation du devoir accompli, bise à dextre et à senestre !

Raphaël Vaubourdolle

Test – Quel champignon êtes-vous ?

Courrier du palpitant – 1 nouveau message !

« Bonjour le Louvr’Boîte !

J’ai entendu qu’il y avait une spécialiste des champignons parmi vous. Je comptais proposer à mon crush de partir à la cueillette, vu que c’est la saison et que la forêt d’Écouen me manque depuis mon TDO là-bas. Vous auriez des conseils de lieu sympa pour ma déclaration ? »

 

Réponse : On aurait plutôt eu tendance à te conseiller ces endroits clichés, tels que Notre Dame ou le Pont des Arts, mais puis

que le numéro de ce mois-ci est PAYSAN, allons-y pour des coins plus verts. Le château de Vincennes a son petit charme sous la neige de décembre (c’est du vécu), et le bois, qui est non loin, nous semble être plutôt propice. Toutefois, fais attention à bien préparer ton parcours, notre petit doigt nous a indiqué l’existence d’un centre naturiste dans ces environs. Par ailleurs, par cette saison, pensez à sortir couverts. Quitte à cueillir des champignons, on préférerait que ta cueillette se limite à quelques girolles… En attendant de proposer ce plan à ton crush ? Pourquoi ne pas faire un petit test pour réchauffer les coeurs ?

 

 

 

Qu’on les aime ou pas, on a tous un avis bien tranché sur les champignons.
Et bien il est enfin temps de savoir quel champignon vous êtes au fond de vous !
 

 

 

Histoi’Art – Un bretzel ou un sort ! Les sorcières en Alsace !

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Dessin par notre illustratrice Éloïse Briand

Ah l’Alsace, ses bretzels, sa cathédrale, ses bredala, ses cigognes… Qui n’est jamais tombé sous le charme sublime de cette région enchanteresse ? Si sa magie blanche entoure constamment les  touristes qui actuellement assiègent les marchés de Noël des villages de mon enfance, il y a des sortilèges et rites beaucoup plus sombres dans notre passé que vous ne connaissez sans doute pas ! Yésses Gott ne faites pas cette tête, elles ne sévissent plus chez nous aujourd’hui si tant est qu’elles aient réellement existé les pauvres. Oui, je parle des sorcières ! Si vous avez un peu peur avant de lire cet article, rien de mieux qu’un bon coup de schnaps avant de commencer. Hopla Geis ! Tous sur vos balais !

 

 

Gravure des Pendus de Hésingue, musée de Huningue

Gravure des Pendus de Hésingue pendant la Guerre de Trente Ans, musée de Huningue

On s’imagine souvent que l’âge d’or de la sorcellerie en France date du Moyen Âge mais les Historiens ayant recensé les procès sont d’accord pour affirmer qu’il s’agit en réalité des XVIème et XVIIème. L’Alsace est une des régions alors la plus touchée par la croyance et les jugements de sorcières… Cela s’explique avant tout par le fort contexte de famine, de maladies (peste et ergotisme) et de guerres lors de la Guerre de Trente Ans (1618-1648). Au début du XVIIème siècle, l’Alsace est un ensemble de mosaïques d’états et de villes libres. Mulhouse, ma ville de naissance, est quand même la plus vieille république de France si on y songe : 1347-1798  (bon d’accord à l’époque nous étions Allemands mais c’est un léger détail, de toute façon on se rattache à la France seulement quand la tout jeune première République est née, pas de roi chez nous pendant très longtemps donc !) Toutefois, cette guerre, qui prend place en plein petit âge glaciaire tombe très mal pour les populations paysannes qui sont les premières touchées par la recherche assidue de coupables à ces maux. La suspicion des voisins et des ennemis va bon train et amènent à de terribles accusations. Entre le XVème et le XVIème siècle, 80% des personnes visées par ses dénonciations sont des femmes. Cela ne vous étonne pas n’est-ce pas ? Qu’à cela ne tienne entre 1480 et 1520, la première vague de chasse à la sorcière alsacienne est organisée par l’Inquisition.

 

 

INSTITORIS et SPRANGER, Malleus Maleficarum, édition lyonnaise de 1669

INSTITORIS et SPRANGER, Malleus Maleficarum, édition lyonnaise de 1669

Comment retrouver ces perfides mégères qui sèment troubles et chaos dans la paisible plaine d’Alsace ? Cette histoire trouve ses origines bien avant la Guerre de Trente Ans… Qu’à cela ne tienne, le pape Innocent VIII rédige une bulle le 5 décembre 1484 intitulée Summis Desiderantes Affectibus. Celle-ci octroie à deux hommes de Sélestat, au centre de l’Alsace, le droit de mener les premiers féminicides au nom de l’éradication de la sorcellerie. Le nom de ces  deux crapules ? Heinrich Kramer et Jakob Spranger. Ceux-ci prennent très à cœur leur tâche au point que Spranger aidé d’Institoris, écrit entre 1484 et 1487 un ouvrage édifiant : le Malleus Maleficarum, mieux connu sous le nom de Marteau des Sorcières  qui explicite comment trouver les sorcières, comment les reconnaître, comment les capturer, comment leur faire avouer leurs crimes, comment instruire leur procès et comment s’en débarrasser. Véritable mode d’emploi, le livre va connaître un succès incroyable notamment dans tout le Saint-Empire-Romain-Germanique avec plus d’une trentaine de rééditions en latin et dans tous les formats ! Pour information ce livre est encore édité et publié de nos jours ! Bien évidemment la femme est naturellement accusée ouvertement d’être à l’origine de la sorcellerie puisqu’elle est une créature faible et non intelligente. Il faut bien garder à l’esprit qu’à cette époque la société était encore ultra machiste, patriarcale avec la figure féminine immédiatement rattachée à la faute du péché originel. La loquacité abrutissante de certaines épouses et les fausses-couches régulières font parfois douter de nombreux maris du bienfondé de leur mariage. Les guérisseurs sont ensuite les suivants le plus souvent incriminer. Célébrés en période de paix et prospérité, ils sont accusés en période de malheur d’avoir retourné leur pouvoir et avoir lancer des malédictions sur leur propre communauté.

 

 

 

WEIDITZ, Nonnes pactisant avec le diable, gravure

WEIDITZ, Nonnes pactisant avec le diable, gravure

Être une sorcière induit forcément une rencontre avec le Malin qu’on appelle souvent en Alsace Hemmerlin ou encore Peterlin. Toutes les classes de la société peuvent être accusées d’acoquinement avec le Diable, même si c’est quand même majoritairement le cas des paysans et surtout des personnes très marginales et fragiles. Dans tous les procès, certaines mentions sont récurrentes : Satan vient toujours visiter son futur serviteur à son domicilie ou directement sur son lieu de travail. Il donne alors lui-même un nouveau nom à ses recrues, ce qui donne lieu à des trouvailles très humoristiques pour les Historiens. Un procès incrime ainsi une jeune femme qui aurait reçu le prénom de Krauterdorschen par le Diable. Comprenez « Morue aux herbes » aujourd’hui en français. Tout le monde a toujours rêvé de se faire appeler Morue, surtout avec un tips cuisine aux aromatiques ! Le pacte signé entre la sorcière et Satan est ensuite effectif à partir du moment où les noces diaboliques ont été célébrées. Là aussi les registres de procès regorgent de détails. Elles sont célébrées la nuit dans un lieu sauvage isolée le soir du sabbat. Le scellement de l’union avec le Malin se concrétise une fois que l’appelée renie sa foi, ses parents et accepte sa damnation éternelle. Elle signe alors le serment de son propre sang. De grandes festivités sont ensuite organisées avec les autres sorcières, aux comportements lubriques et arrosés dignes des plus grandes bacchantes. Grand festin, danse magique toute la nuit sans être épuisé, tout est à l’heure de la fête. Enfin, alors la nuit se termine, le Diable clôt alors les noces en apposant sa fameuse marque sur sa nouvelle vassale. Ces faits nous sont parvenus via des témoignages avancés devant l’Inquisition. Un homme de Rouffach (ville considérée comme le plus haut lieu de sorcellerie dans le Haut-Rhin) assure qu’au retour d’une promenade à minuit, il aurait vu tout un cortège diabolique  dans un grand palais lumineux sur la colline du Bollenberg (haut lieu de rassemblement de sorcières qui revient dans de nombreux écrits, ancien lieu de rituels magiques celtes dédiés au dieu du feu Belen). D’autres procès n’hésitent pas à aggraver largement les faits reprochés en mentionnant même parfois des sacrifices d’enfant, des cadavres de bambins déterrés et démembrés, la cervelle de mort-nés récupérée pour faire des potions. Seuls les enfants non baptisés étaient visés. D’où l’empressement des parents, à chaque naissance, pour faire rentrer son nourrisson dans l’ordre de Dieu dès les premières heures de sa vie.

 

 

Mais qu’est-ce qui inquiète tant chez les sorcières ? Poudres magiques à base de cerveau, de peaux, d’écorces seraient utilisées pour détruire les récoltes. Des baguettes magiques seraient frottées avec des onguents. Parfois, on a même des accusations qui parlent de sorts jetés rien que par la parole, un geste bref ou même pire, uniquement un regard ! Certains témoins affirment même avoir vu des femmes se métamorphoser en créatures maléfiques planant la nuit au-dessus de leur village et voilant la lumière de la lune. Alors, pour se protéger, on a créé un autre mode d’emploi best-seller : le Geistlishe Schild (« le bouclier spirituel »). Ce livre de protection était même à force considéré comme un grimoire et certaines églises alsaciennes du Sundgau (partie extrême sud de l’Alsace avant les trois frontières) avaient des compartiments cachés en-dessous où le prêtre pouvait cacher son exemplaire des yeux des soricères pour ainsi protéger sa paroisse. Le format était de poche pour être discret.

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SCHONGAUER, Tentation de Saint-Antoine, 1470-1475, gravure, H: 31 cm, NYC, the MET

Comment se passait alors les procès une fois les confessions des sorcières obtenues, souvent par la torture d’ailleurs ? Au XVIIème siècle, les juges étaient tous des religieux. Par la suite, au siècle suivant, les juges sont des laïcs. Chaque village a alors son Malefizgerich (tribunal de vingt-quatre juges). Dans 90% des cas pourtant pas d’illusion ! Les accusés finissent quasiment tous brûlés vifs. Heureusement pour nous aujourd’hui, les seules choses qu’on aime faire flamber en Alsace désormais, ce sont nos tartes !

Laureen Gressé-Denois

 

 

 

 

 

Si le sujet vous intéresse, je vous recommande vivement de faire un tour dans cette brève documentation :

L’apARTé scientifique – Pour aller plus loin Travail et champs de blé : la pire « invention » de l’humanité et l’âge d’abondance, ou l’article qui va me mettre à dos l’entièreté de Mens Sana

Champ de blé derrière l'hospice Saint-Paul avec un faucheur

VAN GOGH, Champ de blé derrière l’hospice Saint-Paul avec un faucheur, septembre 1888, huile sur toile, L: 72,5 cm, Essen, Musée Folkwang

 

Bon bon bon ! Je voulais vous refaire un petit mot pour vous donner deux-trois sources ou bouquins en lien avec le sujet, que ce soit pour les curieux ou les incrédules. Premièrement, je vous conseille deux vidéos du Vortex réalisées par Léo Grasset de la chaîne Dirtybiology et Clothilde Chamussy de la chaîne Passé Sauvage qui en parlent très bien :

 

 

 

Pour les rats de bibliothèque, quelques livres ou articles scientifiques :

    • Âge de pierre, âge d’abondance, par Marshall Sahlins (1972) : une compilation de toutes les études précédentes donnant de nombreux chiffres. Profitez-en, il est à la Bibliothèque de l’École !
    • Du pécari au manioc ou du riz sans porc ?, par Philippe Erikson (1998)
    • Pourquoi les Indiens d’Amazonie n’ont-ils pas domestiqué le pécari ?, par Philippe Descola dans De la préhistoire aux missiles balistiques (1994) : lui aussi est à la BU !
    • Homo domesticus. Une histoire profonde des premiers États, par James C. Scott (2019) : un ouvrage récent et très exhaustif sur la question, allant même un peu plus loin en se demandant qui de l’Homme ou des animaux / plantes a domestiqué l’autre -et je vous jure que c’est beaucoup moins con que ce qu’il n’y paraît !

 

 

 

Enfin, si vous êtes revenus ici c’est peut-être aussi parce que je ne vous ai pas du tout convaincu avec mon article, et c’est bien normal ! En effet si aujourd’hui, tout cela nous paraît rétrograde, c’est que nous sommes atteints d’un biais de sélection nommé biais du survivant : appartenant  à un pays « développé », notre vision des avantages et des inconvénients de la « révolution agricole » est forcément biaisée.

De plus, j’avoue ne pas avoir tout dit -calmez vous ! J’avais mille mots maximum OK !- mais rassurez vous, tous les faits sont vérifiés. Seulement, certains points sont consciemment assez peu développés, comme quoi il faut toujours faire gaffe à l’angle que prend le rédacteur d’un article -#espritcritique !

En effet, revenons sur cette histoire des enfants tous les quatre ans des chasseurs-récolteurs, parce que c’est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup -et une chanson dans la tête ! Une ! Ainsi, ce fait est dû à plusieurs causes que je n’ai pu expliquer par faute de place. Premièrement, la combinaison d’une activité physique intense avec un régime maigre et riche en protéines provoque une puberté plus tardive, une ovulation moins régulière et une ménopause plus précoce. Ce qui va encore dans le sens d’une agriculture très désavantageuse. Mais il faut tout de même noter que cette apparente natalité moindre est aussi bien souvent « aidée » à grands coups de sevrages retardés, absorptions d’abortifs, traitements négligés des nouveau-nés ou même infanticides. C’est directement un peu moins reluisant. En revanche, dans les sociétés agricoles, la sédentarité rend les premières menstruations plus précoces, le régime céréalier permet de sevrer les nourrissons plus tôt en leur faisant consommer bouillies et gruaux et un régime riche en glucides stimule l’ovulation et prolonge la vie reproductive des femmes. Mais rappelons encore une fois qu’il s’agissait alors quand même de combler un taux de mortalité sans précédent.

Ensuite, la sédentarisation a provoqué une possibilité d’accumulation de biens, inutile ou même fatale aux chasseurs-récolteurs. Des biens comme de l’art par exemple …

Enfin, il s’agit d’un sacré jugement de valeur de dire que l’agriculture était une mauvaise idée étant donné que le nombre de morts a fortement augmenté au sein des populations humaines ayant choisi une économie agricole. En effet, cela a aussi provoqué un taux de natalité sans précédent, donc beaucoup plus d’hommes et de femmes -ou d’enfants pour les nombreux qui n’atteignaient pas l’âge adulte … bon d’accord j’arrête- qui ont pu connaître l’amour, la joie, … le bonheur en bref. Car en effet vaut-il mieux le néant, sans souffrance ni bonheur, ou la mort, avec de la souffrance mais aussi du bonheur ? Vous avez quatre heures -mais comme moi je ne les ai pas, je vous laisse y répondre tout seul !

 

Enfin, je tenais à m’excuser auprès de tous les membres de Mens Sana qui ont pu prendre pour eux cette attaque envers l’agriculture. En effet, il nous serait impossible aujourd’hui de revenir à une économie pré-agricole. Il ne reste que trop peu d’espaces « naturels » indépendants de tout apport humain dans sa subsistance pour pouvoir nous nourrir. Nous sommes trop nombreux, trop grégaires, trop habitués à la propriété, … Car qui, je le demande, serait prêt à quitter son petit confort pour partir courir dans la forêt à la poursuite de sangliers ?

Mais dans cette situation, il nous reste des alternatives, et l’agriculture biologique et locale en est une. Cela ne nous sauvera peut-être pas (de toute façon on ne sait même pas si l’espèce humaine passera les cent prochaines années), mais c’est déjà un pas dans la bonne direction. Donc pour cela, merci Mens Sana !

 

PS : c’est bon ? Je peux garder mes paniers de légumes ?

 

Raphaël Vaubourdolle

Interview de l’ArchéoClub, à vos pelles et truelles !

 

Photo des interviewés

De gauche à droite : Marie Degonse, Osanna Giboire, Xavier Gassiat, Éloïse Briand

Fan inconditionné de la vie des clubs de l’École, tu tombes souvent sur des os et tu te prends régulièrement des pelles (parce que les râteaux ça fait trop mal et qu’une pelle c’est bien plus pratique quand même), parce que tes parents te racontaient tous les soirs avant de te laisser dormir une pré-histoire ? Cette nouvelle interview exclusive du Louvr’Boîte est faite pour toi !

Nous sommes donc partis dans la jungle avec notre chapeau et notre lasso pour vous faire vivre une folle aventure aux côtés d’éminents membres de l’ArchéoClub qui a accepté de répondre à nos questions. Leur présidente Osanna Giboire, leur co-responsable du pôle event et dinosaure pérenne du club Xavier Gassiat et leur toute nouvelle co-responsable Instagram Marie Degonse vous proposent aujourd’hui leur interview dans son intégralité ! À vos truelles ! Prêts ? Lisez !

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LB : Bonjour à tous !
Osanna, Xavier, Marie : Bonjour !


LB : Première question, pouvez-vous nous raconter la genèse, la préhistoire de l’ArchéoClub ?
Osanna : Je pense que tu connais un peu plus que nous ça, non ?
Xavier : Grand Dieu ! L’Archéoclub, c’est un club qui est présent à l’École depuis relativement longtemps, quand même. Ceux qui l’ont fondé ont aujourd’hui un emploi. Je pense notamment à Pierre Fallou qui travaille dans un musée en Corse. Cela remonte à sept-huit ans, ou moins peut-être, mais c’est quand même un club relativement ancien car l’archéologie est présente dans le corpus d’études de tout le monde par la première année ou par les spécialités. C’étaient des élèves qui voulaient continuer à proposer d’autres activités en lien avec l’archéologie. Mais le club a eu des périodes compliquées ces dernières années avec de moins en moins d’inscrits. C’était de plus en plus compliqué pour les quelques personnes qui restaient de prendre sur leur temps pour gérer un club entier et du coup, il y a 3-4 ans, il y a eu quelques années à vide, avec à peine une conférence dans l’année !
Osanna : Hmmm c’est ça…
Xavier : Du coup on est dans une pleine renaissance du club depuis l’année dernière avec Mathilde Regnier en master (elle a aujourd’hui quitté l’École), qui l’a refondé complètement. Voilà, Osanna est devenue l’héritière de Mathilde directement.
Osanna : Du coup on est là ! C’est vrai qu’il y a deux ans il n’y avait que trois personnes dans le club et on avait fait qu’une seule conférence.
Xavier : C’était celle sur le yéti !
Osanna : Donc la cryptozoologie, c’est tout… On est là, on fait de notre mieux pour redynamiser le club depuis un an et maintenant on a plein de nouveaux, plein d’idées pour faire plein de partenariats et on va voir ce que ça va donner. 

 

LB: Osanna, tu es devenue présidente cette année : quel est le champ de fouille d’idées principales du club cette année ? Sur quels os avez-vous peur de tomber et au contraire, quels artéfacts voudriez-vous faire découvrir aux élèves de l’École à travers votre club ?
Osanna : Alors ! *grande inspiration* On veut continuer les conférences et ce qu’on aimerait vraiment faire c’est redynamiser totalement le pôle rédaction qui était à la masse l’année dernière, car ça demande une certaine constance dans l’écriture d’articles. En plus, vu qu’on devait les publier via des partenariats, c’était pas évident. Finalement, on a eu que deux, trois articles publiés l’an dernier. Mais cette année, on a vraiment des gens motivés pour le faire ! On veut donc créer un blog. Cela fait un petit mois qu’on travaille dessus avec Martin, un autre membre du club, mais c’est un peu compliqué pour savoir comment on va s’organiser, et si on fait plusieurs rubriques par exemple. Sinon, on veut vraiment faire beaucoup de partenariats avec d’autres clubs : Mens Sana du coup le mois dernier (Osanna lance un sourire complice, NDLR), et ce mois-ci avec le Défilé de l’Histoire, certainement avec le Club Jeu aussi à l’avenir.

 

LB: Xavier, toi qui est là depuis longtemps dans le club, comment perçois-tu votre évolution !
Xavier : Ouh là là ! Grand Dieu oui, ça va faire deux ans et demi. C’est une évolution hypra positive. Je suis arrivé, je pense, l’année de plus grand creux que le club n’ait jamais connue et effectivement j’ai été recruté en février car je connaissais la personne qui a fait la conférence sur le yéti. Je suis arrivé avec une conférence sur un petit plateau en faisant « Bonjour ! Acceptez-moi ! » (Xavier a pris à ce moment-là une petite voix toute intimidée et suppliante pour s’imiter à l’époque, ce qui a provoqué des rires, NDLR). Non, vraiment j’exagère mais du coup, la conférence sur le yéti a été organisée complètement au hasard car je passais par-là, je ne connaissais pas du tout le club avant, je suis venu avec un thème. On partait de rien et ça redevient un vrai club, ce qui est très intéressant. Lorsque je suis arrivé à l’École il y a quatre ans, l’ArchéoClub proposait de s’inscrire mais ce n’était pas très attrayant car on ne voyait que deux personnes très sympathiques, que je connais, d’ailleurs (par respect, aucun nom ne sera cité, NDLR) mais aussi très isolées, derrière une table, et les dernières conférences qui avaient été organisées dataient vraiment. Cela ne donnait vraiment pas envie de s’engager avec un club qui n’est pas vraiment là. On ne le voyait pas du tout faire des annonces en début d’amphi etc. Il était plutôt absent dans le paysage de l’École déjà qu’à l’époque l’activité étudiante n’était pas folle. En deux ans maintenant, c’est fou, on redevient présent et visible et le club reprend sa place. Comme je suis en spé Archéo, je suis content de voir que le club permet une offre qui va au-delà de la première année, ce qui est quand même l’enjeu [Françoise M. si tu nous lis, petite dédicace car c’est majeur, NDLR] de la licence où nous sommes. Cela remet sur la table tout ce qui est archéo et nous ça nous impose de trouver des moyens encore plus originaux de faire des conférences qui sortent un peu de l’ordinaire. On veut ouvrir une nouvelle voie.
LB : Mais du coup combien êtes-vous finalement ?
Osanna : Cette année ? Il y a environ une vingtaine de nouvelles personnes qui s’ajoutent à la dizaine d’anciens et qui sont restés. C’est beaucoup !
Xavier : Par contre, l’investissement de chacun est variable…
Osanna : C’est vrai. Mais ce n’est pas quelque chose que l’on reproche aux gens du club car on comprend qu’on ne peut pas toujours s’investir toute l’année avec les gros devoirs de spé. C’est pour ça qu’on essaie aussi de prendre de l’avance pour les conférences qu’on organise.
Xavier : En tout, on aura une trentaine de personnes sur l’année qui aura mis la main à la pâte. Après, il y a toujours des gens qui travaillent un peu plus en début, milieu ou fin d’année. Ça fait des roulements.
Osanna : Je suis surtout super contente de notre pôle comm’, dans lequel ils ne sont pas beaucoup et où franchement ils gèrent bien ! Non vraiment, c’est génial !
LB : Marie, tu es donc dans ce fameux pôle comm’ ?
Marie : C’est ça ! Je suis avec Audrey. Nous sommes responsables du compte Instagram et gérons les publications pour les conférences…

 

LB : D’accord. Pourquoi avoir choisi l’ArchéoClub plutôt qu’un autre club du BDE ? C’est lié à ta spé ? À ton passif à la fac d’Histoire ?

Marie : Alors, oui, j’aime beaucoup l’archéologie, j’ai fait quelques fouilles, comme ça, bénévolement, donc ça me parlait plutôt bien ! Non, par contre, je suis en spé Art de l’Extrême-Orient donc on fait de l’archéologie mais ce n’est pas l’objet principal. Je trouvais ça intéressant de participer à un club que je trouve très important dans la vie de l’École, même central en fait. C’est hyper important de quand même contribuer à donner une nouvelle actualité à l’archéologie, pas juste les cours de première année, même si ceux qui sont en spé Archéo ont déjà les points actualité dans leurs cours.

 

LB : Le but est donc de vraiment toucher tout le monde, en plus de ceux qui sont déjà en spé Archéo ?
Marie : Voilà, c’est tout à fait ça ! Les relier tous à l’archéologie, qui est centrale.
Osanna : On y revient beaucoup !
Marie : Et ça permet aussi de rencontrer des professionnels. Selon moi, l’École nous incite beaucoup à faire des stages mais finalement le lien avec le côté professionnel n’est pas toujours très évident. On demande souvent à nos propres professeurs de faire des conférences mais on réfléchit aussi à faire venir des intervenants extérieurs, des professionnels qui peuvent vraiment nous en apprendre plus sur la réalité de leur métier, plutôt que de se cantonner à une archéologie dite « basique ». Voilà, ça ouvre de nouvelles perspectives.

 

LB : Grosse question attention ! Vous avez le choix entre quatre archéologues/ethnologues, qui choisissez-vous et pourquoi ? 

  • Indiana Jones pour sa vision trop palpitante de la discipline
  • Carter Howard pour l’amour du risque des malédictions au coin du nez
  • Marcel Griaule pour mettre une sculpture Dogon sous son manteau entre Dakar et Djibouti
  • Paul-Émile Botta pour dompter des lamassu à Khorsabad

Marie : Bah Paul-Émile Botta !
Osanna : Quoi que j’aime beaucoup Griaule pour avoir pris la statue ! *rires*
Xavier : C’est le cours d’Afrique de troisième année ça, mais c’est cool, il y en a pour tous les goûts ! Pour le Louvre, je pense quand même Paul-Émile parce qu’on a la cour Khorsabad sous les yeux. *Osanna approuve en souriant et en hochant de la tête*.
Osanna : Bon, on va passer sous silence ce bateau qui a coulé un peu après mais….
Marie : Mais c’est pas de sa faute ! (elle prend ici un ton faussement innocent, NDLR)
Osanna : Je ne me rappelle plus de l’histoire exacte c’est vrai mais quand même les lamassu, quoi !
LB : Du coup Botta est un peu votre figure de proue unanime à tous les trois ?
Xavier : Bon après, tu as Indiana Jones, c’était notre ancien mot de passe en fait… donc bon ! *énorme rire*
Osanna : Ancien ! Ancien mot de passe, il faut que tu précises ! Sinon on va avoir des alertes connexion tout le temps ! Mais c’est vrai qu’il est toujours comme image de notre page Facebook.
Marie : Non mais, Indiana Jones, c’est quand même dans nos moments d’exaltation !
Xavier : Oui, quand tu veux rentrer à l’École. Et une fois que tu es dedans tu te dis « Mais non en fait ! Mon Dieu ! Que fait cet homme ! Aaaaaah ! » (ton paniqué)
Osanna : Quand on y pense, c’est vrai qu’il a imité les méthodes de Mariette ! Avec la dynamite et tout…

LB : On aurait pu vous proposer Mariette aussi, c’est vrai ! Nous avons hésité avec Howard…
Xavier : On aurait pu avoir Schliemann aussi dans son genre ! Le plus rigolo ! Le mec qui part avec son édition de l’Odyssée à la main et une fois sur place qui se dit « Mais oui mais c’est bien sûr ! C’est TROIE ! » (ton complètement exalté : il était encore sous l’ecstasy « Indiana Jones » semble-t-il au moment de l’interview, NDLR). Mais Monsieur, ce n’est pas comme ça qu’on travaille ici ! Y en a des marrants partout.

LB : Outre ces héros que vous avez dans vos passions, comment l’archéologie a débuté dans votre existence ? Est-ce-que vous êtes tombés dans la marmite quand vous étiez petits ? Racontez-nous un peu votre passif à chacun…        
Marie : Oh euh… je pense qu’on a tous regardé les Indiana Jones. Moi personnellement c’était une égyptologue du Louvre, qui allait en fouille en Égypte tous les ans et il y avait une émission la dessus : j’ai bien aimé. Du coup, j’ai regardé des films, j’ai lu des bouquins et voilà. J’ai vu qu’il y avait autre chose que l’Égypte et c’était intéressant.
Osanna : Alors moi personnellement, pas du tout pendant l’enfance la passion pour l’archéologie. C’est plutôt quand je suis arrivé à l’École. J’étais venue pour l’histoire de l’art à la base. Et maintenant je pense que quand je vais arriver en troisième année (pour avoir suivi quelques cours de troisième année), les tableaux en liste, je vais pas pouvoir supporter. En fait, je suis en spé Mode et Costume donc ça n’a rien à voir, c’est juste Christophe Moulhérat et Thierry Zéphir en première année qui m’ont passionnée. Surtout M. Moulhérat quand il a parlé du fait que certaines grottes pouvaient être orientées par rapport à l’astronomie, j’étais là en mode « Oh mon Dieu, c’est tellement beau ». C’est le côté mystérieux de l’archéo qui m’a totalement passionnée. Ça reste quelque chose qui me manque et vers lequel je retourne assez souvent, en parallèle de ma spécialité.
LB: M. Moulhérat a marqué pas mal de générations…
Osanna : Mais sinon M. Zéphir aussi, bon, il est… C’est M. Zéphir ! *rires*
Marie : Il a marqué d’une autre manière.
Osanna : Ses cours sont passionnants. Oui, enfin les cours d’archéologie de première année, c’est passionnant de manière générale et c’est extra-européen, ce qui est aussi génial. Je trouve ça super intéressant, voilà. Je vais arrêter de parler.
LB : Du coup toi Xavier ta révélation ?
Xavier : Ma révélation, Grand Dieu, heu. Moi aussi ça vient vraiment de l’enfance, je pense. Je veux dire, la première fois que je voulais faire un métier c’était « j’veux être historien » et mes parents me disaient « Mais c’est pas un vrai métier, ça ! » *rires*
Marie : Ils sont sévères tes parents…
Xavier : En même temps j’étais tout petit, c’est parce que j’avais lu trois livres sur la mythologie, je ne me sentais plus. Mais effectivement, avec une vision très très fantasmée du métier d’archéologue, donc d’historien et tout ça. Les musées étaient un lieu de mondes fascinants où en trois salles, (je suis un Parisien donc mon père m’amenait souvent au Louvre), tu passes d’une statue grecque en marbre blanc superbe, à un truc égyptien avec des dieux à tête d’oiseaux. Et là, tu te dis : « mais mon Dieu que ce monde est beau ». Je suis content d’être né à cette époque à laquelle tout ça est à portée de main. Donc ça date vraiment de l’enfance, puis après c’est revenu. Je veux dire, il y a certaines personnes qui viennent à l’École en étant très sûres, genre depuis le collège, qu’elles voudraient être ici. Moi j’ai appris que l’école existait lors de mon deuxième trimestre de terminale. Parce que j’ai une professeure qui m’a dit « mais Xavier, ça vous dirait bien ça ». Ce à quoi j’ai répondu « Ah,  si vous le pensez, je vais passer le concours ». Et finalement, j’ai eu de la chance. Mais une fois que je suis arrivé à l’École, c’est devenu une évidence : je ne pourrais pas être ailleurs. C’est vraiment… j’ignorais qu’un tel endroit existait. Si je l’avais su, je pense que j’aurais toujours rêvé de venir ici faire mes études. C’est beaucoup trop bien, le nombre de parallèles qu’on fait.
Osanna : Moi aussi.
LB : Oh, c’est beau !
Xavier : C’est superbe. Donc j’avais ma casquette double spé pendant longtemps : une archéo, l’autre peinture étrangère sur la Renaissance italienne et Léonard. C’est ce qui m’a encore plus plu. Mon grand délire, en ce moment, c’est justement de voir partout, tous les arts, européens, principalement européens du coup. Voilà, l’influence de l’antiquité qu’elle a encore durant des siècles et des siècles. On nous dit toujours « oui la vous voyez, Renaissance, redécouvert de l’antique etc.». Sauf que c’est un peu vague, quand même, comme version. Du coup, j’ai cette réaction, avec ma double casquette : « Mais si, bien sûr, ce sont les bains de Stabies à Pompéi et je reconnais très bien» *rires*. Voilà, c’est ce côté fascinant… ça revient tout le temps parce que c’est la base de tout. L’archéo et l’antiquité y a juste…
Osanna : Y a juste le côté mystérieux!
Xavier : Oui, c’est ça, ça nous fascine autant, ça a fasciné du monde avant nous. Je veux dire : on vient de là. Apprendre un tout petit peu mieux à savoir comment des êtres humains, qui ont marché au même endroit que nous mais 2 000 ans avant, pensaient, vivaient, ressentaient… c’est dingue, j’adore.

 

LB : On va finir par tous pleurer ! *rires* Notre dernier numéro, Royal, était cousu sur mesure pour les « grosses spés » de l’École… Quel message voulez-vous particulièrement adresser aux petites oubliées que l’on aime quand même, comme « archéologie de la Gaule », « archéologie orientale » ou encore « archéologie pré – et protohistorique » ?
Osanna : Et bien, qu’on vous aime.
Marie : On est avec vous.
Xavier : C’est vrai que les spés archéo n’ont pas toujours le vent en poupe. Je sais que pour l’Égypte, il y a toujours une espèce d’aura, de mystère parce qu’on a tous baigné avec ça, ce qui fait qu’il y a beaucoup de gens qui y viennent. En Gaule, en vrai, ils s’en sortent bien cette année avec le Haut Moyen Âge : les amphithéâtres sont pleins. Moi je voulais y aller en freelance, et je n’ai pas pu rentrer… donc bon.
Osanna: Puis souvent pour la spé Gaule, il y a beaucoup de personnes qui, justement avec Moulhérat, ne sont pas sûres de vouloir continuer leur spé et se disent : « ah je vais peut être partir en Gaule ».
Xavier : Effectivement, il y a les petits spés archéo qui ont besoin de soutien moral : les Étrusques. Moi, c’est depuis trois ans que je vois des gens qui sont perdus, et que je leur dis : « tu sais, l’étruscologie, c’est bien! ». Je les envoie là-bas même si je n’ai rien à voir avec l’étruscologie. Voilà, toutes les petites spé archéo ont leur mystère et leur fascination. Il faut continuer !
Osanna : Oui, c’est vrai que c’est vraiment super sympa comme spé, ces trois petites spés là. Je croyais que pour l’archéologie orientale, il y avait plus de monde.
Xavier : Oui, moi je ne l’aurais pas mise dans les petites.
Marie : C’est Ariane Thomas qui, elle, les a traumatisés. *rires*
Osanna : Alors que pourtant, pour d’autres spés, c’est le cas. Je pense à « art et archéologie de l’Inde » et « art de l’Extrême-Orient », avec leurs professeurs respectifs.
LB : En fait, on ne pouvait pas toutes les mettre dans la question, ce ne sont que des exemples.
Osanna : Quand on y pense, à part l’Égypte…
Xavier : La Grèce aussi.
Osanna : Oui, à part Grèce et Égypte, c’est vrai que les spés archéo passent un peu sous le radar, et c’est dommage. Alors qu’il y a des trucs super intéressants et quand on fait double spé archéo, on peut vraiment voir les influences dans différentes choses. C’est génial à ce niveau-là. Mais, on est avec vous. Et on a des contacts pour faire des conférences sur vos sujets, on vous le promet !
Xavier : D’ailleurs, très très souvent quand vous allez dans une petite spé archéo, comme Étrusques, vous vous rendez compte que la moitié de la salle, c’est des gens de Rome qui sont venus. Vous allez en Rome, il y a la spé Étrusque qui est là aussi. Les gens sont donc quand même beaucoup de transfuges, qu’ils soient inscrits ou pas, dans les deux. Les gens viennent suivre des cours dans toutes les spés archéo à droite à gauche. Parce qu’une fois qu’on est mordu, de toute façon, on en a jamais assez !
Osanna : Mais du coup : on vous aime.
LB : Donc l’afterwork des “spés oubliées”… c’est vous qui en êtes à l’origine où ce sont eux qui se sont rebellés ? *rires*
Osanna : C’est eux qui se sont rebellés. Mais c’est vrai que c’était assez marrant quand je l’ai vu passer. Avec les photos de Christophe Moulhérat et d’Ariane Thomas…
LB : Du coup, on imagine que vous y serez !
Osanna : Je sais plus quel jour c’est, mais je vais vérifier !

 

LB : Alors, quel avenir pour les métiers de l’archéologie aujourd’hui selon vous? L’arrivée des hautes technologies dans les prospections ne menace-t-elle pas les chantiers physiques ? Quel futur pour le métier ?
Xavier : Moi, j’aurais tendance à dire que justement, il est radieux avec ces nouvelles technologies.
Osanna : Moi aussi.
Xavier : Par exemple, j’ai beaucoup étudié Pompéi avec la spé Rome. Quand on voit qu’en 1800 et quelques on s’amuse à creuser des trous pour trouver un objet en argenterie, on le remonte et c’est un vrai massacre ! En fait aujourd’hui, dans un monde idéal où il y aurait assez de sous pour toutes les fouilles archéologiques, il pourrait donc y avoir tous ces corps d’archéologues spécialisés dans des sciences très pointues. Avoir à la fois un mec qui étudie les graines, un qui étudie les spores, un qui étudie les objets que tu déterres, un qui étudie le tout. Ça donne un panel tellement plus large !
Marie : Cela se fait, ça y est, ça se développe bien.
Xavier : Du coup, toutes ces nouvelles technologies, pour moi c’est plutôt un plus. Par exemple, on peut penser au Lidar ! On avait fait une conférence sur ça. De grands radars sont employés sur des grandes zones pour repérer où sont les vestiges ! Après, il faut quand même quelqu’un pour aller sur le terrain et creuser. Ça doit être en première année, en cours d’initiation à l’archéologie, où on nous montrait un graph’ comme ça. Le plus efficace c’est le bulldozer, le moins c’est la brosse à dent. Mais après, la précision va dans l’autre sens. Du coup, la truelle reste l’objet idéal entre les deux. C’est à la fois un rythme d’avancée pour creuser relativement rapidement, et la pioche est relativement précise. Finalement, il y aura forcément besoin de ça, parce que pour le moment, on y est encore.
Marie : Mais il y aura toujours une alliance entre la nouvelle technologie et l’archéologue.
Osanna : Et je pense qu’on aura encore plus de nouvelles spécialisations avec le temps. Ça pourra être encore mieux.
Marie : Oui il y a plein de choses.
Osanna : De la diversification des métiers.
Xavier : L’archéologie ne peut que se nourrir d’avoir plus de spécialisations et plus d’informations.
Osanna : C’est dommage, à niveau là, qu’on n’en parle pas assez à l’École justement, des différents métiers de l’archéologie… Mais nous, on est là pour ça ! On va peut être organiser quelque chose sur ce sujet… on vous tient au courant.
Marie : Tu fais un petit teasing, là !
Osanna : Oui, c’est ça… Mais c’était le bon moment !
Xavier : C’est tellement mignon, c’est tellement innocent !
Osanna : Oh… Xavier, voyons !

 

LB: Dernière question : vous clôturez, pour nous, l’année 2019… Quelles bonnes choses pouvons-nous souhaiter à l’ArchéoClub pour 2020 ?
Xavier : Du monde à nos conférences…
Osanna : Du monde à nos conférences.
Marie : TROP de monde à nos conférences !
Xavier : Genre, on veut des gens qui crient derrière la porte : « Comment ça, on ne peut pas rentrer ? ».
Marie : Voilà, des hordes de fans ! *rires*
Osanna : Un blog avec plein d’articles aussi, vraiment pleins de projets, super diversifiés…
Xavier : Et laisser une bonne impression dans le paysage de l’École pour qu’il y ait des recrutements l’année prochaine !
Marie : Oui voilà c’est ça, préparer le terrain pour l’année prochaine !
Xavier : Que les gens soient bien conscients que l’ArchéoClub existe, et que ça fait partie des associations sympas qui proposent des activités cool à pouvoir faire en parallèle de l’École.
Osanna : J’espère que l’on fait déjà bonne impression, quand même…
Xavier : Il faut toujours plus marquer les gens !
Osanna : Et oui, toujours. On va mettre des affiches partout !
Xavier : AIMEZ-NOUS ! *rires*

 

Interview menée de front sur le chantier de fouilles par Éloïse Briand et Laureen Gressé-Denois pour le compte du Louvr’Boîte !

 

 

Pour retrouver l’ArchéoClub de l’École du Louvre !