En ce mois de décembre où les journées sont courtes et de plus en plus froides, rien de mieux que de rester sous la couette devant… un film ? Pour ce thème « Minuscule », l’occasion est parfaite pour mettre en avant nos personnages miniatures préférés, car être petit n’empêche pas d’accomplir de grandes choses ou bien de figurer parmi nos héros favoris. Si on se tourne vers l’Antiquité, la victoire de David sur Goliath l’illustre parfaitement ou même encore bon nombre de fables de La Fontaine telle que le Lion et le Rat. C’est notamment la fantasy qui a permis aux êtres de petite taille, qu’on intègre bien souvent sous la mention de « petit peuple », d’imprégner nos références littéraires et cinématographiques. Parmi les très nombreux films avec des héros minuscules, j’ai choisi aujourd’hui de vous parler d’un long métrage d’animation qui m’a particulièrement plu étant enfant et que je souhaite vous faire découvrir dans ce numéro : Arrietty : Le Petit Monde des Chapardeurs. Ce film n’est autre qu’une des nombreuses adaptations de la série de romans de l’autrice britannique Mary Norton, The Borrowers.
Auteur : Anonyme
De l’esthétisation des maladies mentales dans les arts
J’ai suivi, de plus ou moins loin, les débats qui ont agité les spectateurs de la série Euphoria. Deux camps se sont peu à peu dessinés. D’un côté, les défenseurs fervents du divertissement – avec parmi eux des psychiatres – qui arguent de son utilité pour briser les tabous entourant la santé mentale. De l’autre, les critiques qui mettent en garde contre l’esthétisation à outrance et les dérives parfois mortelles qu’elle peut entraîner. L’ambiguïté va jusqu’aux propos mêmes de Zendaya, qui affirme que la série, figurant des adolescents joués par des acteurs trentenaires, est destinée uniquement à un public adulte. Parallèlement, une hotline a bien été mise en place par la série… à destination des adolescents. De la fiction pédagogique et briseuse de tabous, au récit trash et esthétisant destiné à nourrir les fantasmes et pulsions des adultes, il n’y a décidément qu’un pas.
Un an après la sortie de la saison 2, je ne vais pas chercher d’une quelconque manière à trancher le débat. Pour être tout à fait sincère, je n’ai pas vu Euphoria. Mais cette situation m’a conféré une position d’observatrice, qui m’a poussée à m’interroger. Y a-t-il, dans les arts, une esthétisation des maladies mentales ?
RECETTE : les bombes de chocolat chaud
Les expériences scientifiques ne sont pas votre tasse de thé ? Il n’y a aucun problème et vous pouvez même épater votre entourage sans avoir à vous casser la tête tout en vous faisant plaisir.
Les journées raccourcissent et le froid gagne petit à petit votre appartement. Pour cela, rien de tel qu’une bonne tasse de chocolat chaud pour se remonter le moral après une longue journée remplie de cours d’HGA.
Voici une petite recette toute sympathique et amusante : les bombes de chocolat chaud. Et rassurez-vous, il n’y a pas besoin d’être Einstein pour y arriver !
Drôles d’images scientifiques : croiser l’estampe et la science au XVIe siècle
Pour ce numéro Science, le Louvr’Boîte vous propose un petit partenariat avec le compte Instagram de la spé Estampe, l’Art sous Presse (@l_art_sous_presse). Laissez-vous guider dans les méandres des estampes scientifiques du XVIe siècle !
Les estampes dans les ouvrages scientifiques
Lorsqu’un problème scientifique nous paraît suffisamment abscons ou difficile pour n’y rien comprendre, on a souvent le réflexe de chercher sur Internet ou sur Youtube une explication plus détaillée pour tenter d’appréhender différemment les choses. Ces autres types de médiations scientifiques passent souvent par des représentations imagées pour faciliter la compréhension scientifique du problème posé. En posant ses idées sur une feuille blanche de façon efficace, on arrive à se mettre les idées au clair.

Planche Anatomie, encyclopédie de Diderot et d’Alembert, premier volume des planches d’illustration, 1762
Les Anciens étaient déjà au fait de cette nécessité, en témoigne l’omniprésence des images dans les ouvrages depuis la période antique. Tout le monde connaît probablement les grandes planches illustrées de l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert qu’on nous montre si régulièrement à l’École du Louvre pour nous parler des techniques de création (eh oui, mais ici c’est de l’anatomie !), mais il ne faut pas oublier que les premières illustrations scientifiques étaient d’abord faites à la main.
Le XVIe siècle va donc cependant apporter une nouveauté d’importance dans le domaine de l’édition scientifique : l’image gravée et imprimée, d’abord gravée sur bois puis très rapidement sur cuivre. Le basculement de ces dessins manuscrits vers cette technique d’impression qui permet de démultiplier les exemplaires facilite grandement la diffusion européenne de la connaissance. C’est un des facteurs qui participe véritablement au développement du courant humaniste de l’Italie à l’Allemagne.
Le premier problème des techniques du bois et de la gravure au burin sur cuivre, c’est qu’elles nécessitent une formation à l’art de graver que nos humanistes européens du XVIe siècle n’ont que rarement. Aussi il est encore assez rare avant la deuxième moitié du XVIe siècles de trouver des traités illustrés (par des gravures) et écrits par une même personne. Cette disjonction entre d’un côté le contenu textuel et scientifique et les images qui peuvent être insérées dans les ouvrages donne parfois d’étonnants (voire détonnants) décalage à nos yeux aujourd’hui.
Test : Quel domaine scientifique êtes-vous ?
Sciences formelles (la logique, les mathématiques, les statistiques), naturelles (biologie, zoologie, écologie, génétique ou neuroscience) ou sociales (l’individu et la société) qu’est-ce qui vous correspond le mieux ?
Que vous soyez littéraires, économistes, ou encore matheux en perdition… n’hésitez pas à voir quel domaine vous conviendrait le mieux ! (le mieux du pire)
Entomologie et art : les insectes, ces drôles de petites bêtes
J’adore les insectes. Ce petit peuple fascinant aux capacités physiques plus qu’extraordinaires (vous êtes capable, vous, de vous jeter d’une hauteur qui équivaut à 100 fois la vôtre et d’être encore parfaitement en vie ? Ou de porter 1000 fois votre poids ? Je ne crois pas, non). Je les trouve tellement mal aimés que je veux aujourd’hui leur donner leurs lettres de noblesse et tenter de vous faire aimer les insectes et leurs particularités géniales à travers leur symbolique et présence dans l’art (Je vais rester fidèle stricto-sensu au terme d’entomologie qui désigne « l’étude scientifique des insectes » donc rassurez-vous pour les plus arachnophobes d’entre vous, on ne parlera ni d’araignée, ni de scorpion aujourd’hui) !
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Ursule, la libellule
Notre amie la libellule, toute jolie qu’elle est, est pourtant symbole de péché, notamment dans les natures mortes nordiques baroques. Mais pourquoi est-elle emblème du mal, à l’instar de la mouche ? Il faut remonter le temps et aller chercher dans la mythologie germanique, l’association des libellules à la déesse de l’amour, Freyja. Puis, lors de la christianisation, elles sont réutilisées comme symbole du diable en lui attribuant faussement un dard et tout cela pour lutter contre la paganisation. Ainsi, les libellules sont craintes dans beaucoup de traditions populaires : elles sont surnommées « marteaux du diable » en wallon par exemple mais aussi « papillons d’amour » en savoyard. En effet, en Savoie, un dicton veut que si l’on rapporte une libellule à la maison et qu’elle meurt avant l’arrivée, c’est un mauvais présage d’amour. Ainsi, la libellule est tantôt associée à l’amour, tantôt au mal qui lutte contre les forces du bien.
Je sors ma science : Il est possible que les différentes croyances associant la libellule et l’amour viennent de l’observation du mode de reproduction de cet insecte. En effet, lors de l’accouplement les libellules créent une très jolie forme que l’on nomme « cœur copulatoire ». En fait, le mâle saisit la femelle au niveau du thorax avec ses pinces pour bien la maintenir pendant l’acte puis la femelle place son pore génital au niveau des organes reproducteurs mâles. Le tout forme un cœur (un peu dessiné par un enfant de maternelle mais bon c’est l’intention qui compte). Certaines espèces peuvent même s’envoler dans cette position si elles sont dérangées au cours de l’accouplement. Peut être que cette forme fascinante a intrigué nos ancêtres jusqu’à les laisser penser que la libellule était un envoyé de l’amour !

Ici, un exemple de cœur copulatoire entre deux libellules. Le mâle est en vert et la femelle en bleu. Joli mariage de couleurs !
Deux légendes fantastiques praguoises

L’Atlas de Mala Strana. Crédit : Djama ESPINOLA SERRANO (@toucan_nwar_neg)
De toutes les légendes praguoises, la plus fameuse est sans doute celle de Faust. Mais pour ce numéro Magie, laissez-moi vous faire découvrir deux autres histoires fantastiques sur des monuments de la capitale tchèque. L’une est plus malheureuse que l’autre mais toutes deux s’achèvent sur une belle touche d’humanité qui réchauffera peut-être votre cœur en ces premiers jours de froid.
L’enfant innocent du pont Charles
Au XIVe siècle, dans le contexte des luttes du grand schisme d’Occident, Wenceslas IV, roi des Romains et de Bohême, fit arrêter Jean Népomucène, vicaire général de l’archevêque de Prague, et le fit précipiter dans la rivière Vltava du pont Charles. L’événement fut suivi d’une crue soudaine et violente qui brisa le pont. Ce dernier demeura longtemps irréparable : chaque jour, à l’aube, les maçons constataient avec effroi que tous leurs efforts s’étaient comme évaporés dans la nuit. Jusqu’au jour où l’un d’entre eux décida qu’il en avait assez.
Curieux, le jeune homme veilla une nuit sur le pont et le Diable en personne lui apparut. Comprenant qu’il n’obtiendrait rien du Mal incarné par la simple raison, il accepta sa proposition : les maçons pourraient réparer le pont à condition que la première personne à le traverser soit livrée au Diable. Le lendemain soir, le pont était achevé. Mais entretemps, le jeune homme s’était rendu compte de la cruauté de son pacte. Il décida de se faire plus malin que le Diable et plaça des gardes aux entrées du pont. Le lendemain, à l’aube, il y lâcherait un coq.
Mais le Diable avait une longueur d’avance. Sous l’apparence d’un maçon, il se rendit chez le jeune homme pour hâter sa femme de rejoindre son mari sur le pont. Les gardes, la reconnaissant, la laissèrent passer. Quelle fut l’horreur du jeune homme lorsqu’il comprit le destin tragique qui attendait son épouse et l’enfant qu’elle portait encore en son sein. A nouveau, il crut échapper aux desseins du Diable et renvoya sa femme chez lui en espérant livrer sa propre vie à la place. Mais le Diable ne vint jamais et, à l’aube, le jeune homme regagna sa maison pour constater le décès de son épouse et de leur enfant. Peu après, le jeune homme mourut à son tour.
Il est dit que, des siècles durant, le fantôme du mort-né hantait le pont Charles et qu’on pouvait discerner ses éternuements dans le brouillard des froides matinées. Mais un jour, un homme l’entendit et répondit « A tes souhaits ». Ces simples mots, empreints d’humanité, suffirent à libérer l’âme de l’enfant qui put enfin reposer en paix.
L’Atlas de Malá Strana
Depuis les années 1820, une statue géante d’Atlas garde l’entrée du jardin Vrtbovska. Un jour, une petite fille du voisinage la remarqua en levant les yeux et fut prise de pitié pour le destin d’Atlas, chargé de porter le poids du monde sur ses épaules. Dès lors, elle vint tous les jours saluer la statue et parfois déposer des fleurs devant le portail.
Elle ne comprenait pas comment les fleurs qu’elle déposait chaque jour sur le sol pavé pouvaient se retrouver le lendemain au pied de la statue. Mais cela ne la préoccupait pas beaucoup. Du reste, elle rêvait de pouvoir atteindre le pauvre Atlas, de pouvoir le toucher, pour lui partager qu’il n’était pas seul.
Un jour, elle vint le saluer et lui déposer des fleurs, comme à l’accoutumée, et s’en retourna insouciamment en gambadant dans la rue. Au même moment, les chevaux effrayés d’un boucher du marché de Lesser Town surgirent, dévalant la rue Klimentska en direction du jardin. Craignant qu’ils ne la renversent, Atlas se réveilla, sauta du portail et jeta son globe à terre. D’un geste, il stoppa net les chevaux. La petite fille put enfin atteindre le géant qu’elle étreignit avant qu’il ne retourne sur son portail. Une fois rentrée, elle raconta ses aventures à sa mère et dès lors, reconnaissantes, elles déposèrent chaque jour ensemble des fleurs aux portes du jardin.
Sur le sol pavé de la cour où Atlas a jeté son globe, demeure un renfoncement qui s’emplit d’eau les jours de pluie. Il est dit que cette eau ouvre les portes à toutes les légendes du monde et que les oiseaux du jardin Vrtbovska qui s’en abreuvent peuvent entonner toutes les chansons du monde et chanter les légendes de Prague dans le monde entier.
D’après la chaîne YouTube Old Prague Legends.
Suzon GAUTHIER
« MAGGI®, MAGGI®, et vos idées ont du génie ! » : Comment Picasso et l’Afrique sont tombés amoureux du bouillon Kub

D’après le Paysage aux Affiches de Picasso, 1912, The National Museum of Art, Osaka. Crédit : Coralie Gay
Ceci est une déclaration d’amour au MAGGI.
Lecteur, ne ris pas. Que me jette la première pierre l’être qui n’a jamais utilisé ni bouillon Kub, ni arôme MAGGI. Celui qui n’a jamais relevé sa soupe ou son riz de quelques gouttes brunes, sorties de ce flacon tout de rouge et de jaune vêtu. Et, si tout le monde connaît le MAGGI, si nous sommes nombreux à en relever nos plats dans les moments d’intense flemme culinaire, qui ici en connaît réellement l’histoire ? Qui sait que, grâce au MAGGI, Picasso et les Africains partagent une autre passion que les masques traditionnels ? Parce que la magie c’est bien, mais que la nourriture aussi, partons ensemble nous interroger sur la naissance de ce célèbre petit arôme.
L’homme de la situation : Julius Maggi

Julius Maggi. Crédit : Wikimedia Commons
S’il y a un monsieur vers qui se tourner pour percer les secrets de l’arôme, c’est probablement Julius Maggi. La très sérieuse page web Histoire de l’entreprise MAGGI nous apprend que l’entrepreneur, né en 1846, est un homme « engagé et passionné ». Rien que ça. Et que le MAGGI était un véritable projet social à destination des travailleurs. Rien que ça là encore. Lecteur, ne ris toujours pas, l’arôme qui assaisonne tes pâtes possède un historique complexe.
Fils d’un propriétaire d’usines né en Italie, Julius base sa propre entreprise de farines de blé près de Zurich. Il conçoit très vite les mutations qui se font jour dans le monde du travail suite à l’industrialisation. La place de la femme est à la cuisine ? Le XIXe siècle la situe plutôt à l’usine, avec à la clé, moins de temps passé au foyer à préparer la nourriture. L’exode rural mène également à l’abandon des comportements alimentaires autosuffisants. Julius Maggi conçoit donc comme un impératif de produire industriellement de la nourriture peu chère et de qualité.
C’est la rencontre du chef d’entreprise avec le médecin Fridolin Schuler et la Société suisse d’utilité publique, en 1882, qui le décide à inventer de nouvelles farines de pois et des haricots en poudre, à haute valeur nutritionnelle. C’est également le début des soupes instantanées… en 1885 (eh oui, vos petits ramen du soir sont de vrais grands-pères) !

Faute de pouvoir vous montrer ce cher Serge, voilà une réclame un peu plus ancienne de MAGGI… Crédit : Wikimedia Commons
Et notre saint arôme MAGGI, exclusivement végétal, naît en 1886.
Il se décline en cubes dès l’année suivante. Très exigeant en termes de communication, Julius Maggi fait immédiatement protéger les noms et logo du produit. Il est également l’un des premiers à utiliser les plaques émaillées, et fait appel aux meilleurs publicitaires de l’époque, tel Leonetto Cappiello, auteur d’affiches pour le chocolat Poulain ou le vin Dubonnet. Campagnes publicitaires sur les bateaux-mouches, distribution gratuite d’échantillons et cartes de fidélité, tout le concept était extrêmement bien rodé. Bien plus tard, dans les années 1980, l’entreprise va pousser le vice de la communication jusqu’à faire réaliser ses publicités par Jean-Jacques Annaud ou Serge Gainsbourg. Quand on vous disait que le MAGGI, c’était très sérieux !
J’en vois un au fond de la salle qui se gausse et assène qu’il n’a jamais consommé de MAGGI, que cette sauce brune et fade inconnue au bataillon ne trouvera jamais grâce à ses yeux. Mais j’ai conscience de m’adresser à un public étudiant, friand de Tupperwares de pâtes et de purée en flocons… Car oui, Mousline, la douce compagne de vos soirs de révision, a elle aussi été inventée par la société MAGGI en 1963. Nous sommes alors aux prémices des protestations étudiantes qui vont éclater dans toute leur superbe en mai 68. Alors, l’arôme MAGGI ne serait-il pas un peu… magique ?
Et l’Afrique, me direz-vous ? Et Picasso ?

Le bouillon Kub s’invite au Mali !
Angelina A. van Achtenberg, Une enseigne pour les cubes MAGGI, 1993. Crédit : collection Van Achtenberg via Wikimedia Commons, licence Creative Commons 4.0
Si la marque a été rachetée en 1947 par Nestlé, notre charmante petite bouteille brune existe toujours, et MAGGI s’est même classée en 2019 comme la 3e marque alimentaire la plus choisie au niveau mondial. L’arôme connaît notamment un succès fulgurant en Afrique, où beaucoup de recettes le mentionnent, et où 100 millions des célèbres Kub s’écoulent chaque jour ! A tel point que la marque a dû s’adapter aux goûts locaux, et incorporer dans sa recette, selon les pays, un goût de crevette ou du manioc. Alors, vous êtes convaincus cette fois ?
Allez, la touche d’histoire de l’art qui vous a maintenus en haleine durant tout cet article. Le Picasso. Car vous apprendrez qu’en 1912, le maître du cubisme s’est entiché du bouillon Kub, qu’il a même fait figurer dans une petite huile sur toile, Paysage aux affiches, détenue par le musée d’Osaka. La réflexion sur le Kub/cubisme a même fait l’objet d’un article de Maria Elena Versari dans une revue de recherche, en 2003 (allez jeter un œil sur Persée). De quoi vous donner de belles idées pour vos sujets de masters.
C’est moche mais on le place quand même en tout petit tout en bas parce qu’on est des rédacteurs très très sérieux dans nos investigations : MAGGI® est un nom réservé donc voilà, petit ® pour être en toute légalité.
Ce qu’il en est des « witch marks » anglaises : réalité spirituelle
Comme la sorcellerie nous attire, et surtout en ce mois d’octobre (…qui nous pousse tout de même au pumpkin latte et aux photos de feuilles mortes) certains ne seront donc pas étonnés de voir le titre de ce billet !
Par ailleurs, vous avez sûrement déjà croisé un de ces motifs : effacé ou reproduit sur un bâtiment historique. [Si par hasard vous êtes déjà allés à Norfolk en Angleterre, où ont commencé les premières enquêtes/ études].
Et si ce n’est pas le cas, belle découverte à vous ! ouvrez l’œil (de la providence).

Oeil de la Providence, crédit Naïs Ollivier
En réalité, ce qui est regroupé sous le terme « witch marks » ne sont rien d’autre que des graffitis médiévaux et post médiévaux. Ces symboles intrigants, regroupés par familles, sont explicités par des hypothèses assez larges.
Le motif de rosette à 6 pétales par exemple est un des plus fréquemment rencontrés au cours des regroupements. Ce dessin exécuté au compas, avant d’être gravé la plupart du temps, a encore la côte parmi les plus jeunes qui s’ennuient en cours (hum). Il nous est familier, cependant on lui attribue plutôt à l’époque des vertus apotropaïques/de protection, un signe qui repousserait le démon, un peu comme une alternative païenne à la croix.

« Witch mark ». Crédit @Historic England
Certains sont sûrement sceptiques sur la tolérance de ces marques, à forte charge spirituelle, en contexte chrétien. En effet ce sont majoritairement – ironiquement- des murs d’églises qui accueillent ces motifs, présents par dizaines. Et pour cause, certains pensent qu’ils redoublent les protections chrétiennes. Une fois la peur de la sorcellerie estompée : ces graffitis sont considérés comme apportant chance et protection, et autonomes. Selon l’état des recherches, on les retrouve plus en contexte domestique à partir de la fin du Moyen Âge : sur des coffrets, occasionnellement, et près des ouvertures (fenêtres, cheminées), jugées plus vulnérables.
Anges et démons sont représentés dans l’église dans une forme de dichotomie moralisatrice : certains graffitis comme ici à Beachamwell dans le Norfolk, sont des contre-sorts, grotesques ou comiques, qui me rappellent l’esprit du sort « Riddikulus » de Rowling.

Crédit Naïs Ollivier
Cette autre forme de croyance est l’écho des voix populaires que ne relatent pas les textes, pour cause d’analphabétisme. Or le tracé de ces dessins informels n’implique pas la connaissance d’un alphabet. Ils pouvaient aussi bien être de la main d’un clerc que d’un marchand ou paysan. Bien évidemment on ne connaît pas tous les détails de la raison du placement et si quelqu’un était réellement missionné, mais on peut imaginer ce raisonnement-là ! Ils permettent historiquement de mieux comprendre l’ambiance et les mœurs de la société la plus populaire, dont les graffitis rituels sont nourris de ses peurs et convictions les plus fortes. Les motifs et leurs significations semblent par ailleurs évoluer en même temps que sa société.
Cela comble les limites archéologiques que l’on peut rencontrer, n’ayant pas tout cet aspect traditionnel du quotidien.
Pour aller plus loin, sachez que ces marques sont assez endémiques d’un territoire, de certaines églises, et qu’il en existe une variété immense : tout un bestiaire animal également, assez mythologique, ou bien lié à l’agriculture. On retrouve aussi beaucoup de bateaux, qui peuvent être très symbolique dans le passage d’un état à un autre, comme le souhait qu’un des leurs soit en sécurité sur les mers. Entre autres aspirations transcrites. Ces graffitis sont des prières rendues solides dans la pierre, qui permettent une intercession directe personnelle avec le monde supérieur, sans avoir à passer par des membres de la hiérarchie comme un évêque ou le pape.
Cet article est basé sur les recherches de Medieval Graffiti: The Lost Voices of England’s Churches (2015), De Matthew champion
Point historiographie : ces marques, à distinguer de celles plus explicites dites « marques de tâcherons », intéressent les chercheurs depuis des décennies, mais un des précurseurs reste Ralph Merrifield, dans les années 80.
Naïs
Critique : Dinh. Q. Lê – Histoires morcelées

Crédit : Dinh. Q. Lê
Le fil de la mémoire et autres photographies – une exposition au musée du quai Branly du 8 février au 20 novembre 2022
Dinh. Q. Lê est un photographe né au Vietnam qui a étudié aux États-Unis où il vit et travaille aujourd’hui. Son œuvre se situe dans une zone poreuse entre l’histoire complexe de son pays natal et son parcours personnel au-delà les frontières. Le musée du quai Branly lui rend hommage lors de cette rétrospective qui met en scène ses recherches transdisciplinaires où l’image photographique est sans cesse « interrogée, découpée, transformée ». Ce parcours chronologique, concentré sur les quinze dernières années de la production de l’artiste, découvre la technique exceptionnelle du tissage de photographies.
« Trop souvent nous avons vu notre histoire racontée par d’autres que nous, ou mise de côté. » déclare Dinh. Q. Lê. Tel est le constat amer de l’artiste ayant choisi de replonger dans ce lourd passé pour le réécrire. En effet, ce plasticien hors norme instaure un dialogue entre le regardeur contemporain et sa mémoire la plus intime. Cette exposition nous raconte comment le vécu du déchirement d’un pays remonte le fil des générations à travers les corps et les mentalités.
Les images créées par Dinh. Q. Lê laissent une trace qui brouille les repères entre la vision, le souvenir et l’immédiateté. Le spectateur est ainsi projeté dans une zone hybride entre l’immatériel, le lointain et la présence physique vibrante et sombre de ces œuvres multiformes.
Au détour d’un couloir de l’exposition, nous rencontrons des nuées de confettis d’images photographiques qui flottent dans l’air. Il s’agit d’une « dérive dans les ténèbres » comme nous l’indique le titre A drift in darkness (2017). Ces tirages numériques sur papier Awagami bambou tissés sur une structure en rotin reprennent la technique du tissage d’images pour former un ensemble de trois nuages et rondes-bosses évoquant l’instabilité des réfugiés politiques ayant fui le Vietnam.
Les pérégrinations de l’artiste induisent ainsi une sorte de transcription dans le domaine tangible et concret des arts plastiques d’une identité en déshérence. Les réalisations de Dinh. Q. Lê sont des chimères, des personnages amphibies pris au piège dans un couloir sur les parois duquel se reflètent les échos lointains de la trame historique décousue du Vietnam.
Cambodia Reamker (2021), un tissage photographique monumental, entremêle le portrait d’une jeune victime du génocide cambodgien Tuol Song et des fresques du Palais royal de Phnom Penh, illustrant un poème épique traditionnel écrit entre 1500 et 600 avant notre ère. L’Ensemble est un tableau nébuleux et solennel où des temps distincts s’interpénètrent avec magie.
Les images sont déconstruites et reconstruites, traduisant la perpétuelle métamorphose des mémoires. Ces représentations d’une perception vagabonde nous transportent dans le cœur palpitant et douloureux d’une nation morcelée.