Présentation d’un artiste contemporain : Robinson Haas

Le club Marché de l’Art vous propose un compte-rendu de sa récente entrevue avec l’artiste contemporain Robinson Haas. Voici une retranscription des propos de l’artiste.

Parcours :

Robinson Haas est né en 1995 à Lille. Très tôt, il souhaite s’orienter vers une carrière artistique et a une volonté de « créer des choses ». Il suit bac en Arts Appliqués puis un BTS en design graphique. Il est ensuite diplômé des Arts Décoratifs de Paris en Design d’objet. Il travaille un temps comme designer freelance, ce qui lui permet surtout de se consacrer en parallèle à sa pratique du dessin et lui laisse du temps pour développer ses recherches plastiques.

Robinson Haas travaille sur la question de répétition. Il commence ce projet pendant ses études en design graphique, avant même de rentrer aux Arts Décoratifs. Ce qui l’intéresse le plus à cette époque dans le graphisme, c’est le rapport au langage. Ses professeurs l’incitent à avoir une démarche expérimentale, il en retient un notamment, qui aimait déconstruire les typographies dans une logique de simplification à l’extrême pour atteindre des formes d’abstraction. Lui commence à dessiner à partir de la ligne, dans ce lien au langage, à la typographie et aux signes, ligne comme un signe primaire du langage. Cette ligne est mise en action par des protocoles. La notion de protocole l’intéresse particulièrement dans le processus de création, ce qu’il met en lien avec la musique pour laquelle la partition définit le jeu et cause une forme d’intellectualisation du processus. Continuer la lecture

Réflexion sur l’affaire Miriam Cahn : a-t-on encore besoin d’un art qui choque ?

Cela fait maintenant deux semaines que la polémique autour de Fuck Abstraction ! s’est tue.  Le tribunal administratif de Paris a conclu le débat judiciaire en déboutant les associations de protection de l’enfance, et en reconnaissant à Miriam Cahn un contexte de production et d’exposition qui garantit une juste compréhension de son œuvre, éloignée de toute lecture pédopornographique. Sans prendre ici position sur un débat déjà passé, tranché et enterré, il peut être intéressant de déplacer toute cette affaire sur un autre plan.

 

Si le sens de l’œuvre – et ce faisant, sa légalité – ont fait débat, tous les camps se sont accordés sur son caractère choquant. Tant les adversaires du tableau, qui y voyaient un contenu attentant aux droits de l’enfant, que Miriam Cahn elle-même, qui désirait dénoncer l’utilisation de la sexualité comme arme de domination en temps de guerre. Mais une œuvre d’art a-t-elle encore besoin aujourd’hui de choquer le spectateur ? Continuer la lecture

De l’esthétisation des maladies mentales dans les arts

J’ai suivi, de plus ou moins loin, les débats qui ont agité les spectateurs de la série Euphoria. Deux camps se sont peu à peu dessinés. D’un côté, les défenseurs fervents du divertissement – avec parmi eux des psychiatres – qui arguent de son utilité pour briser les tabous entourant la santé mentale. De l’autre, les critiques qui mettent en garde contre l’esthétisation à outrance et les dérives parfois mortelles qu’elle peut entraîner. L’ambiguïté va jusqu’aux propos mêmes de Zendaya, qui affirme que la série, figurant des adolescents joués par des acteurs trentenaires, est destinée uniquement à un public adulte. Parallèlement, une hotline a bien été mise en place par la série… à destination des adolescents. De la fiction pédagogique et briseuse de tabous, au récit trash et esthétisant destiné à nourrir les fantasmes et pulsions des adultes, il n’y a décidément qu’un pas.

Un an après la sortie de la saison 2, je ne vais pas chercher d’une quelconque manière à trancher le débat. Pour être tout à fait sincère, je n’ai pas vu Euphoria. Mais cette situation m’a conféré une position d’observatrice, qui m’a poussée à m’interroger. Y a-t-il, dans les arts, une esthétisation des maladies mentales ?

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Exposition Evaristo Baschenis – Galerie Canesso

Evaristo Baschenis ? Ce nom ne vous dit peut-être encore rien. Voici donc l’occasion parfaite de le découvrir ainsi que quelques-unes de ses œuvres les plus remarquables grâce à l’exposition de la Galerie Canesso.

L’exposition Evaristo Baschenis s’inscrit dans la volonté de la galerie d’organiser tous les trois à quatre ans environ des expositions faites en collaboration avec des institutions italiennes et tout particulièrement cette année en éclairant un artiste encore très méconnu en France et jamais exposé sur notre territoire. Ainsi elle se démarque du cadre commercial de la galerie tout en gardant cette appétence pour l’Italie. En effet, la Galerie Canesso expose principalement des tableaux italiens de la Renaissance au baroque, le directeur étant lui-même italien. Vous avez jusqu’au 17 décembre pour saisir cette formidable occasion et vous laisser transporter dans l’œuvre et le style si caractéristiques de Baschenis, mais avant toute chose, laissez-nous vous en dire davantage sur cet artiste et susciter votre curiosité ! Continuer la lecture

Critique : Dinh. Q. Lê – Histoires morcelées

Crédit : Dinh. Q. Lê

Le fil de la mémoire et autres photographies – une exposition au musée du quai Branly du 8 février au 20 novembre 2022

 

Dinh. Q. Lê est un photographe né au Vietnam qui a étudié aux États-Unis où il vit et travaille aujourd’hui. Son œuvre se situe dans une zone poreuse entre l’histoire complexe de son pays natal et son parcours personnel au-delà les frontières. Le musée du quai Branly lui rend hommage lors de cette rétrospective qui met en scène ses recherches transdisciplinaires où l’image photographique est sans cesse « interrogée, découpée, transformée ». Ce parcours chronologique, concentré sur les quinze dernières années de la production de l’artiste, découvre la technique exceptionnelle du tissage de photographies.

 

« Trop souvent nous avons vu notre histoire racontée par d’autres que nous, ou mise de côté. » déclare Dinh. Q. Lê. Tel est le constat amer de l’artiste ayant choisi de replonger dans ce lourd passé pour le réécrire. En effet, ce plasticien hors norme instaure un dialogue entre le regardeur contemporain et sa mémoire la plus intime. Cette exposition nous raconte comment le vécu du déchirement d’un pays remonte le fil des générations à travers les corps et les mentalités.

 

Les images créées par Dinh. Q. Lê laissent une trace qui brouille les repères entre la vision, le souvenir et l’immédiateté. Le spectateur est ainsi projeté dans une zone hybride entre l’immatériel, le lointain et la présence physique vibrante et sombre de ces œuvres multiformes.

 

Au détour d’un couloir de l’exposition, nous rencontrons des nuées de confettis d’images photographiques qui flottent dans l’air. Il s’agit d’une « dérive dans les ténèbres » comme nous l’indique le titre A drift in darkness (2017). Ces tirages numériques sur papier Awagami bambou tissés sur une structure en rotin reprennent la technique du tissage d’images pour former un ensemble de trois nuages et rondes-bosses évoquant l’instabilité des réfugiés politiques ayant fui le Vietnam.

 

Les pérégrinations de l’artiste induisent ainsi une sorte de transcription dans le domaine tangible et concret des arts plastiques d’une identité en déshérence. Les réalisations de Dinh. Q. Lê sont des chimères, des personnages amphibies pris au piège dans un couloir sur les parois duquel se reflètent les échos lointains de la trame historique décousue du Vietnam.

 

Cambodia Reamker (2021), un tissage photographique monumental, entremêle le portrait d’une jeune victime du génocide cambodgien Tuol Song et des fresques du Palais royal de Phnom Penh, illustrant un poème épique traditionnel écrit entre 1500 et 600 avant notre ère. L’Ensemble est un tableau nébuleux et solennel où des temps distincts s’interpénètrent avec magie.

 

Les images sont déconstruites et reconstruites, traduisant la perpétuelle métamorphose des mémoires. Ces représentations d’une perception vagabonde nous transportent dans le cœur palpitant et douloureux d’une nation morcelée.

Elio Cuilleron

Saint Maximilien prêche aux edliens

(Cette interview date de 2009, publiée dans le deuxième numéro du Louvr’boîte et remise à l’honneur en ce mois de septembre après la nomination de Maximilien Durand au poste de conservateur du nouveau département des arts de Byzance et des Chrétientés d’Orient du musée du Louvre.)

 

Trois années dans le même amphithéâtre obscur, à discerner vaguement des silhouettes professorales se découpant sur d’immenses clichés. A écouter des voix surtout, qui défilent et enrobent un discours plus ou moins palpitant. Il y en a que l’on attrape au vol et que l’on retient. Ce timbre velouté par exemple qui, de Baouit à Byzance, nous entraina à travers les méandres d’une légende chrétienne peuplés de vierges folles, de païens concupiscents, et de saints débonnaires. Derrière la voix, l’homme : Maximilien Durand. Plutôt jeune. Plutôt charmant aussi. Et doté d’un charisme et d’une éloquence naturelle qui nous font oublier sa pauvreté capillaire.

Rencontre avec celui qui danse sur les ponts dans son bureau du musée des arts décoratifs. Un ange passe…

 

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

En fait, j’ai fait l’Ecole du Louvre, juste après le bac, premier et deuxième cycle, et en même temps j’ai fait une fac de lettres classiques à la Sorbonne. Ensuite j’ai fait un DEA à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. J’ai travaillé au Louvre pendant la muséo. J’avais été engagé au département égyptien à la section copte pour traduire des manuscrits coptes, dans la perspective de faire un catalogage exhaustif du fond de manuscrits, donc identification des textes, traduction, reconnaissance des manuscrits d’origine et des autres fragments dispersés dans les autres collections. Cela a duré pendant presque quatre ans.

Après, pendant un an, j’ai été commissaire d’une exposition qui a eu lieu à Rouen d’abord, puis à Roanne et enfin à l’Institut du Monde Arabe à Paris. Il y a eu un an de préparation intensive pour cette exposition qui s’appelait Egypte, la trame de l’histoire et qui présentait des textiles pharaoniques, coptes et islamiques.

Ensuite, j’ai travaillé quatre ans à l’Institut National du Patrimoine au département des restaurateurs. J’étais chargé de l’accompagnement pédagogique des étudiants de dernière année pendant leur mémoire, de suivre notamment tout le travail d’élaboration du mémoire depuis la mise en place du plan jusqu’au suivi bibliographique, relecture…J’étais chargé aussi de tout ce qui était production écrite des étudiants, donc tous les rapports de restauration qu’ils réalisaient au cours de leur scolarité.

Ensuite, j’ai travaillé deux ans comme directeur scientifique de Patrimoine Sans Frontière, qui est une ONG qui intervient dans les pays en sortie de crise, pour la restauration du patrimoine puisque le but de cette association est de considérer que le patrimoine est un moyen pour les nations qui ont subi des régimes politiques très douloureux, des catastrophes naturelles ou des guerres, de se reconstruire. Quand on a tout perdu, il reste le patrimoine, l’identité culturelle et si on laisse ça se perdre, les nations se retrouvent vraiment anéanties. Donc on intervient dans des régions comme l’Albanie, La Biélorussie, Madagascar, le Liban, le Cameroun…

Et depuis le mois de juin (2009), je suis responsable de tout ce qui est conservation préventive et restauration pour les quatre musées des Arts Décoratifs : le musée des Arts Décoratifs, le musée de la Mode et du Textile, le musée de la Pub et le musée Nissim de Camondo qui est le seul à ne pas être à Rivoli mais vers le Parc Monceau et qui est un hôtel particulier du début du XXe avec une énorme collection du XVIIIe.

Sinon, j’enseigne à l’Ecole depuis que j’ai 19 ans, d’abord comme chargé de TDO…

 

C’était une rumeur qui circulait, donc vous la confirmez ! Chargé de TDO à 19 ans c’est possible ?

En tout cas, c’était possible à l’époque ! J’ai fait des TDO pendant quelques années, j’ai fait aussi des TP pour le cours d’iconographie pendant deux ou trois ans et l’HGA depuis 8 ans.

 

Vous faisiez des TDO pour l’archéologie chrétienne et l’iconographie ?

Non, je ne faisais que les TDO d’archéologie chrétienne. Et j’ai suivi les deux cours organiques en tant qu’élève à l’Ecole et en plus, de l’épigraphie copte qui a fait que j’ai été engagé au Louvre.

 

Vous étiez donc en muséo à 19 ans…

Oui mais c’est logique, j’ai passé mon bac à 17 ans, je suis donc entré en première année à 17 ans, en deuxième année à 18 ans et en troisième année 19 ans. Et je n’avais pas encore 20 ans en entrant en quatrième année…

 

Logique peut-être mais ça sonne précoce quand même… (NdlR qui sont en 2e et 3e années à 20 ans…). Une question qui intéressera sans doute les élèves de l’Ecole : quel edlien étiez-vous ?

Alors, je n’étais pas le même edlien pendant les différentes années de ma scolarité. En première année j’étais un edlien un peu largué, très content d’être au Louvre, émerveillé par tout ce qu’on voyait, content d’aller dans les musées ; un peu intrigué par les collections d’antiquités nationales, un peu effrayé par les collections d’archéologie orientale, passionné par les collections antiques… Je me suis plutôt réveillé en fin d’année en me disant que c’était bien beau de profiter de toutes ces belles choses mais qu’il fallait peut-être aussi les assimiler. Et à partir du moment où j’ai compris qu’il fallait quand même bosser, je me suis mis à travailler beaucoup, et ce qui était vraiment un réel plaisir parce que ça me passionnait.

Après, en deuxième année, j’étais très investi mais pas forcément physiquement car je commençais un double cursus à la fac. J’essayais donc de jongler entre les deux, un peu rassuré par les résultats de première année qui n’avaient, finalement, pas trop mal marché. Puis en troisième année, j’étais plus du côté de la fac et donc moins physiquement à l’Ecole. Et en quatrième année, en muséologie, j’étais très content de découvrir les questions sur la conservation et la restauration que finalement je trouvais plus pertinentes que les questions de style… Et ça m’ouvrait des portes insoupçonnées ; portes que je commençais aussi à découvrir au Louvre puisque j’ai commencé à y travailler à ce moment là. Je travaillais dans les réserves, avec les restauratrices, de textiles notamment, et comme elles parlaient beaucoup en travaillant, je les faisais parler de leur travail. J’étais assez fasciné par tout ça. Je pense que c’est de là qu’est venue ma passion pour la restauration.

 

Et justement, pendant ce deuxième cycle, quel a été votre sujet de mémoire ?

J’ai choisi un sujet de mémoire qui essayait d’allier plusieurs de mes obsessions. J’étais inscrit en conservation préventive, restauration. Je voulais travailler sur de l’orfèvrerie, que ce soit religieux et si possible, qu’il y ait des reliques impliquées dans l’affaire. J’avais déjà une petite idée en tête, puisque j’avais très envie d’aller à la cathédrale de Troyes où j’étais sûr qu’il serait possible de retrouver un textile byzantin dont on parlait dans les textes et qui enveloppait les reliques de sainte Hélène d’Athyra rapportées de la IVe croisade. Un fragment avait échappé à la Révolution mais personne ne l’avait vu depuis. J’ai donc choisi un sujet qui était : « La conservation de l’orfèvrerie dans les trésors d’églises, les exemples des reliquaires en argent dans les cathédrales de Troyes et de Sens ». Cela m’a donc permis de faire ce que je voulais et d’obtenir l’autorisation d’ouvrir le reliquaire dans lequel était censé être ce tissu, et effectivement j’y ai trouvé un fragment de tissu de quelques centimètres avec un décor en fils d’or très exceptionnel d’époque Comnène.

Mais mon sujet traitait plus de la conservation préventive de l’argent et le problème que cela pose pour des objets qui sont à la fois des objets d’usage et des objets d’art puisque les reliquaires, notamment quand ils contiennent des reliques, sont toujours vénérés. Ils doivent donc être présentés non seulement au public mais aussi au fidèle qui le souhaiterait. Toute la problématique des trésors d’églises et leur mise en exposition m’a beaucoup intéressé, et celle du métal qui, par nature, se dégrade surtout dans une atmosphère changeante, peu contrôlée, comme c’est le cas dans les trésors églises qui sont généralement des espaces qui ont de grandes variations climatiques et d’hydrométrie…

 

Vous avez toujours été intéressé par l’enseignement ? Comment êtes vous devenu professeur d’HGA ?

Oui, l’enseignement m’intéressait et il se trouve que l’on m’a proposé d’enseigner à l’Ecole. J’ai pensé que c’était une grande chance d’autant que j’étais très jeune, donc je n’en menais pas très large au début ! D’ailleurs le premier groupe d’élève que j’ai eu en TDO ne m’a pas identifié comme étant le professeur quand je suis arrivé. J’ai dû leur montrer mon badge. J’étais très stressé ! Et à la fin quelqu’un est venu me voir en me disant que ce n’était pas la peine de stresser comme ça et que c’était très bien.  Je leur ai dit que c’était mon premier TDO et ils m’ont répondu « oui, on avait bien vu ! ».

En tout cas, je trouvais qu’enseigner à l’Ecole du Louvre, malgré des contraintes très grandes, c’est-à-dire étudier des périodes importantes sur des heures de cours restreintes, était un challenge très intéressant. Par ailleurs, essayer d’intéresser un amphi entier à une matière qui n’est pas forcément très connue est assez rock’n’roll au départ ! Mais j’aime bien les challenges en général !

 

Est-ce que vous trouvez que l’enseignement à l’Ecole a évolué entre le moment où vous étiez élève et aujourd’hui ?

L’enseignement, je ne sais pas. En tout cas, l’Ecole a beaucoup évolué, et en bien je trouve. Je suis représentant des professeurs au Conseil des Etudes et de la Recherche et j’essaye de dire à chaque fois à vos collègues délégués de vous dire que vous avez beaucoup de chance aujourd’hui ! Je trouve que l’Ecole a vraiment bien évolué, vous recevez un enseignement qui est peut-être plus complet que celui que nous recevions.

D’abord des cours ont été créés, et là je prêche un peu pour ma paroisse mais le cours d’iconographie n’existait pas par exemple, mais aussi les cours de techniques ou d’histoire des collections. Le fond a été donc très fortement remanié. Des enseignements se sont développés, je prêche encore une fois pour ma paroisse, mais ma matière, quand j’étais étudiant, c’était trois séances en première année pour faire tout l’art paléochrétien et tout l’art byzantin. Il y a plus de place accordée à cette matière, et à d’autres aussi ! Les liens avec l’étranger se sont vraiment développés. Les publications de l’Ecole s’ouvrent aussi de plus en plus aux étudiants, le travail des élèves est beaucoup plus valorisé.

Je crois que ce qui n’a pas changé c’est l’implication des professeurs. Quand on enseigne à l’Ecole, c’est qu’on aime la maison et qu’on travaille dans l’intérêt des élèves puisqu’on voit toujours des élèves motivés même si c’est une voie difficile avec peu de débouchés…

 

Merci de nous le rappeler…

Non mais je n’ai pas dit qu’il n’y avait pas de débouchés, seulement « peu » … Mais ça s’arrangera dans les années qui viennent ! Il faut espérer !

 

Il y a des professeurs que vous avez eu élève qui sont toujours présents à l’Ecole ?

Agnès Benoit, Danielle Elisseeff, Jean-Luc Bovot et j’en oublie probablement…

 

Comment votre regard sur eux a-t-il évolué en passant d’élève à professeur ?

Il a forcément évolué puisqu’ils sont devenus des collègues. Par exemple aux Arts Décoratifs, l’une des conservatrices qui a un bureau juste à côté de moi est Anne Forray-Carlier qui donnait les cours de XVIIIe quand j’étais élève. Evidemment je n’ai pas du tout les mêmes rapports avec elle aujourd’hui que quand j’étais étudiant. J’appréciais beaucoup ses cours et je l’apprécie beaucoup en tant que collègue. C’est la même chose pour Agnès Benoit, dont je reconnaissais la méthode et la rigueur et en tant que collègue elle est pareil, c’est quelqu’un avec qui il est agréable de travailler.

C’est le regard que l’on porte sur soi qui évolue plutôt que le regard qu’on porte sur l’autre. L’idée qu’on a de son professeur, même si elle est très lointaine et très fantasmée, est une idée qui va devenir plus objective avec le temps, mais qui reste la même dans les grandes lignes. C’est l’image qu’on a de soi au fur et à mesure qu’on se professionnalise qui évolue. Donc les rapports ne sont pas les mêmes.

 

Justement en parlant d’image, comment pensez-vous que les élèves vous perçoivent en cours ?

Je n’en sais rien du tout ! C’est plutôt à vous de me répondre !

 

Vous avez bien une petite idée ?

Non je ne sais pas… En fait je remarque une ou deux choses : il n’y a pas trop de chahut dans l’amphi, ce qui est plutôt bon signe. Après je ne fais que des apparitions éclaires à l’Ecole et puis, à vrai dire, ce n’est pas tout à fait la question qui me préoccupe. Ce qui m’intéresse, c’est de faire un cours que j’imagine être utile et pédagogique, dire l’essentiel dans le moins de temps possible, et essayer d’ouvrir des perspectives. Pour le cours d’icono, c’est d’essayer de montrer qu’une œuvre d’art se regarde de plusieurs façons différentes.

Après, ce qui m’intéresse est de savoir si ce discours à une portée. Cela, je le mesure avec les copies, et j’ai l’impression que les élèves jouent le jeu. Alors, ceux qui ne jouent pas le jeu, tant pis, c’est leur choix. Mais avec ceux qui jouent le jeu, le jouent vraiment, il y a vraiment un échange. Après vous dire comment ils me perçoivent, je n’en sais rien… Ce qui est sûr, c’est que quand je croise des anciens élèves, je ne me fais pas cracher dessus !

Mais j’entends quand même des choses, je sais que j’ai la réputation d’être sévère, je l’entends souvent. Sévère mais juste… j’espère !

 

Et votre point de vue là-dessus ? Vous pensez que vous êtes vraiment sévère ?

Non, je pense que je suis exigeant, ça c’est sûr ! Mais je me rends compte en jury qu’on est trois professeurs à avoir des notations qui sont toujours à peu près calées. On a quasiment toujours les mêmes avis sur les étudiants, sauf cas exceptionnel. Et effectivement, c’est une question d’exigence. Après, je pense que je pourrais être beaucoup plus laxiste, d’abord ça me prendrait moins de temps pour corriger les copies et j’en ai un certain nombre, puisque j’ai trois amphis entiers à corriger à chaque session, c’est donc beaucoup de temps. Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse.

J’envisage l’enseignement comme un échange, même s’il est bref. C’est donnant-donnant. J’essaye de faire un cours qui se tient, dans lequel il n’y pas trop d’erreur, qui donne une ligne et une structure. J’attends en face que les étudiants ne viennent pas les mains dans les poches, en imaginant qu’ils vont me la faire en racontant n’importe quoi. Moi aussi je peux faire ça, ne pas préparer mes cours, arriver et essayer de vous bluffer mais vous ne serez pas contents. C’est la même chose de mon côté. Et je pense que l’exigence est nécessaire surtout à un moment où, effectivement, les places sont un peu chères à l’issue.

L’Ecole prépare à différents cursus, mais quelque soit le métier qu’on choisit à l’issue de l’Ecole, c’est un métier où l’exigence va exister. Je pense que si on n’a pas envie de travailler, ce n’est pas la peine de persister, et autant le savoir dès la première année. Je suis donc généralement un peu plus sévère en première qu’en deuxième année. Puis parfois c’est simplement un coup de fouet, avoir une très mauvaise note en mai permet parfois de se réveiller en septembre et de repartir sur de bons rails. Par ailleurs j’essaye d’utiliser toute la gamme des notations, c’est-à-dire que, certes, je mets des 0,25 mais je mets aussi des 19,75 et je crois être un des seuls professeurs à le faire. En jury en tout cas, c’est toujours moi qui mets les notes les plus hautes. Quand je suis content, je vais au maximum de la notation possible, et quand je ne suis pas satisfait, je vais au minimum…

Je me fiche que vous reteniez une chronologie, sauf dans les grandes lignes, si vous faites des petites erreurs, ce n’est pas grave. Ce qui me déplaît fortement c’est de sentir qu’il n’y a pas de travail, qu’il n’y a pas eu l’effort de compréhension de la période. Je n’aime pas non plus le laxisme, quand l’expression française et l’orthographe sont vacillantes. Je ne parle pas des mots spécifiques où, là, je suis plus indulgent. Mais quand on confond des termes qui, pour moi, sont des termes, non pas propres à la discipline, mais du vocabulaire courant, ça m’énerve. Je pense qu’il y a des bases à acquérir quand on veut faire de l’histoire de l’art. Il faut savoir s’exprimer, avoir des bases de mythologie grecque et romaine, de culture religieuse… Quand on me dit que la Vierge est la femme du Christ, oui ça m’énerve ! Pas parce que c’est ma matière, mais parce que, dans l’absolu, c’est quelque chose que l’on devrait savoir.

 

Est-ce que vous pensez, vu que vous étiez élève il n’y a pas si longtemps, que le niveau s’est dégradé ou rehaussé, que les attentes sont différentes aujourd’hui ?

Je pense que les attentes sont différentes. Je ne dirais pas que le niveau s’est dégradé. Au contraire, je dirais qu’il y a une évolution vers le mieux en ce qui concerne l’expression et l’orthographe. En tout cas les dernières promos l’ont bien montrée.

Je pense aussi que la manière de travailler est différente. Il y a peut-être une recherche d’immédiateté plus grande aujourd’hui. Il y a moins d’analyse en profondeur, un peu plus de surface mais ça ne veut rien dire sur le plus ou moins bien de la démarche, simplement c’est une manière de travailler différente. Un certain nombre de facteurs sont en cause : à mon époque, on n’avait pas internet, on travaillait dans les livres… Donc forcément les choses changent et on le sent. Mais je ne dirais pas que ça se dégrade, loin de là !

 

On rentre plus dans les petits détails : tout le monde (ou presque) connaît la vertu de Théodora, d’autres anecdotes croustillantes sur ces personnages ?

Il y en a beaucoup ! Les saints notamment, sont des personnages assez drôles en général. C’est ce qui me plaît dans cette littérature là. C’est une littérature qui est généralement assez amusante, j’essaye d’en donner quelques exemples.

Il y avait un saint qui avait beaucoup d’humour : saint Philippe Neri, qui vivait au XVIe siècle au moment de la contre Réforme. Il est l’un des fondateurs de l’Oratoire qui est une forme de vie consacrée très différente de celle qu’on connaissait avant. Il vivait à Rome et assez vite sa réputation de sainteté est venue lui causer des soucis, puisqu’il était très humble bien sûr. Il ne voulait pas qu’on dise de lui qu’il était un saint, d’autant que quand il passait dans la rue, on disait « voilà le saint, voilà le saint », et les gens venaient le toucher. Cela le gênait beaucoup. Il a donc décidé de mettre un terme à cette réputation, en prenant une amphore de vin et il est allé se saouler sur la place du Panthéon, en public. Il est rentré chez lui à quatre pattes, ivre mort en chantant des chansons paillardes. Tout Rome l’a vu évidemment et pendant quelques semaines, on a arrêté de penser que c’était un saint et il a donc été tranquille. Mais c’est par humilité, bien sûr, qu’il s’est saoulé…

 

Justement, vous avez écrit un livre : Parfum de Sainteté (édition les Allusifs) avec une phrase au début du livre : « A Dieu plutôt qu’à ses saints ». Quel genre de relation avez-vous avec Dieu et avec la religion en général ?

Avec Dieu, j’ai la relation que doivent avoir les couples divorcés. On a du mal à vivre l’un avec l’autre mais l’un sans l’autre c’est difficile aussi. C’est à peu près comme ça que je résumerais ma relation à Dieu. En ce qui concerne la religion, je dirais que je trouve le phénomène religieux intéressant quel qu’il soit. Je trouve admirable que l’homme ait imaginé une transcendance, et voir quelles formes elle prend m’intéresse beaucoup. Mes recherches me poussent plus vers le phénomène chrétien parce que je trouve son système philosophique très bien conçu et intellectuellement très satisfaisant. Et je trouve que c’est l’un des systèmes qui permet une illustration qui a vraiment du sens. L’image chrétienne n’est jamais anodine et c’est ce qui m’intéresse, de voir ce que révèle l’image. L’idée que l’image est un autre langage me plaît beaucoup. C’est un langage qui est d’autant plus codifiée qu’on est dans un domaine qui n’est pas anodin, celui de la religion. Voilà ce qui explique que je me sois plus particulièrement intéressé à ça.

Par ailleurs, l’image chrétienne est très variée, parce que les saints sont très nombreux. Les scènes représentées le sont aussi donc il y a beaucoup de domaines de recherche. Je trouve également que les saints sont des personnages assez fascinants parce qu’on les présente, généralement, de manière lénifiante, un peu comme la statue de plâtre de sainte Thérèse avec des roses dans les bras et les yeux tournés vers le ciel alors qu’en réalité, ce sont des gens souvent assez durs et volontaires. Ce sont souvent des héros en fait, et ce côté héroïque me plaît assez. Ils font le choix d’avoir une vie hors du commun, parce qu’ils s’en sentent la force. C’est un orgueil démesuré, mais un orgueil qui est, finalement, contrôlé et qui se transforme en véritable humilité. Je trouve que c’est un parcours intéressant. Du coup ce sont des gens qui ont un regard sur le monde assez drôle et avec beaucoup d’humour….

Vous savez pourquoi sainte Rita est la patronne des causes désespérées ?

 

Euh…. Non.

 Parce qu’elle s’est mariée, elle a eu des enfants et quand elle a été veuve et que ses enfants furent élevés, elle a voulu entrer au couvent. Mais le couvent de sa ville natale n’acceptait que des vierges. Elle a donc été refusée. Quelques temps plus tard, dans le même couvent, elle a refait sa demande, on l’a refusée de nouveau, mais elle a dit être redevenue vierge. On lui a fait un examen et effectivement, elle était redevenue vierge. Voilà pourquoi elle est la patronne des causes désespérées…

L’Eglise a de l’humour en général

 

Après avoir sorti un livre, il paraitrait que vous êtes en train d’en écrire un autre ?

 Oui, il parait…

 

Qu’en est-il ? Quelques exclusivités pour les élèves de l’Ecole ?

 Il faut avoir le temps de s’asseoir pour écrire. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas. Les idées ne sont pas très difficiles à avoir mais il faut du temps… Je suis en train de réfléchir à une histoire qui serait peut-être le mythe de Pygmalion et Galatée revisité. J’aime bien les détournements en général.

 

Vous parliez des saints capables de choisir d’avoir une vie hors du commun. Auriez-vous été capable de choisir ce type de vie ? De vivre en ermite par exemple ?

L’érémitisme peut être pas, mais le martyre probablement puisque j’enseigne à l’Ecole du Louvre. Je suis livré aux fauves très régulièrement !

Si vous aviez un supplice à choisir, ce serait les fauves ?!

Non quand même pas !

Je ne me sens pas appelé à la sainteté, c’est une vocation, et je ne l’ai pas. Il y a trop de choses dans le monde qui nous détournent de la sainteté ! Mais ça reste un phénomène intéressant.

 

Un lieu de retraite pour un anachorète ? Qu’on ne connaît peut-être pas ?

 La plateforme de l’Empire State Building. Il y a un côté sauvage, King Kong, tout ça… Puis on voit le monde et la Liberté n’est pas loin !

 

S’il n’y avait qu’une œuvre d’art en rapport à la foi chrétienne à sauver, laquelle choisiriez vous ?

 C’est une question terrible ! Je ne sais pas parce que les œuvres d’art sont intéressantes pour pleins d’aspect différents. Il y a des œuvres qui nous plaisent par goût, et je pense que ma sensibilité ne me conduirait pas vers l’art des catacombes ou vers l’art byzantin ; il y a les œuvres qui nous plaisent parce que le contexte est passionnant, et c’est plus dans ce cadre là que je m’inscris pour l’art paléochrétien et l’art byzantin ; il y a les œuvres dont les matériaux nous plaisent, là c’est la cas de l’orfèvrerie byzantine, je vois mal comment on peut rester insensible à cela ; il y a les œuvres qui nous intéressent pour leur iconographie et là je pourrais vous en citer des milliards ; celles qui nous intéresse parce qu’on a un rapport intime avec elle, parce que c’est celles qui nous ont conduits vers l’histoire de l’art ou qui nous ont forcées à nous poser des questions. Donc s’il fallait n’en garder qu’une ça serait une catastrophe ! Et jeter toutes les autres ce serait horrible ! Je ne peux pas réponde à ça !

 

Et au Louvre, une œuvre à sauver ? Et ne répondez pas celle la plus proche de la sortie !

Cela serait dans les grands chefs-d’œuvre j’imagine. Je vous ferais une réponse un peu idiote en vous disant que ça serait peut-être la galerie des Rubens parce que c’est une œuvre en plusieurs, donc ça permettrait d’en sauver plus d’un coup… Mais ça c’est pour la blague. S’il y en avait vraiment une à sauver au Louvre, je dirais sûrement La Mort de la Vierge du Caravage parce que c’est une œuvre polémique et qu’elle n’a pas fini de faire couler de l’encre

 

Sur les Ponts, On y danse, l’aventure continue ?

En fait, l’aventure n’est plus entre mes mains, le but n’était pas de faire ça pendant des années. Au départ, ce n’était pas du tout réfléchi. Ça l’est devenu un peu plus tard et le cycle a abouti avec Thriller qui était un peu à part puisqu’il y a vraiment du montage… Donc ce n’est plus le principe de base où c’était un one-shot avec un appareil photo numérique. Mon idée est allée jusqu’au bout, ma volonté maintenant c’est que ça continue mais sans moi. Le mouvement a commencé, on a vu des ponts du Vietnam, de Londres, d’Australie postés sur le groupe. C’est bien, c’est ça qu’on voulait, faire danser du monde, donc si ça continue c’est bien !

 

Pour terminer, un conseil que vous pourriez donner aux élèves pour les examens et leur vie professionnelle ?

Ne vous dispersez pas. Pour les examens, n’imaginez pas que l’on cherche à vous piéger, ni moi, ni mes collègues n’avons cette idée en tête. Dites-vous bien que c’est beaucoup plus agréable pour nous de lire une copie satisfaisante que l’inverse. On vous pose généralement des questions qui sont assez faciles à anticiper si on est attentif au cours. J’annonce généralement les sujets d’examens pendant le cours. Quand je dis « si cette œuvre tombait en cliché, voilà ce qu’il conviendrait de dire… », en général c’est cette œuvre qui va tomber en cliché. Par ailleurs, j’ai quelques automatismes dans les sujets d’examens qui sont assez faciles à repérer en regardant les annales. Je ne prends vraiment pas les gens au piège, et mes collègues font pareil. Soyez donc concentrés sur le discours que vous avez entendu en cours.

Essayez aussi de l’étoffer un peu avec des lectures, histoire de vous forger une opinion. Allez à l’essentiel, on ne vous demandera jamais de retenir des dimensions, ce qu’on vous demande surtout c’est de ne pas dire d’aberrations. Quand vous ne savez pas, ne dites pas, parce que c’est l’horreur et qu’on le repère assez vite.

Enfin le plus important est de fréquenter les œuvres. Profitez de votre scolarité parce que vous avez beaucoup de chance d’être dans un lieu aussi merveilleux et dans une école pareille. Profitez de la gratuité dans les musées et faites vous plaisir ! Puis, si les révisions sont un véritable calvaire, demandez-vous si c’est vraiment votre voie… Je n’ai pas dit, si les révisions sont un effort, il y a toujours un effort même dans les choses qui font plaisir mais si c’est un vrai calvaire, alors ce n’est peut-être pas la bonne voie. En tout cas, ça ne doit pas être vécu comme tel, ce serait dommage.

Pour la vie professionnelle, ne vous laissez pas déprimer par les sirènes qui vous disent que vous n’y arriverez pas, qu’il n’y a pas de place, pas de métiers, que c’est la crise, que c’est l’horreur… Ce n’est pas tout à fait vrai. Il y a de la place pour ceux qui sont malins et qui le veulent. A partir du moment où vous savez où vous allez, tout est possible ! Ayez du courage, car ce sont des métiers passionnants mais qui ont aussi leurs revers. On parlait de vocation tout à l’heure, je pense que s’en est une de devenir historien de l’art, sous quelque forme que ce soit.

 

Une question que vous auriez aimé que l’on vous pose ?

« Votre pauvreté capillaire, choix ascétique ou contrainte naturelle ? ». Ce à quoi j’aurais pu vous répondre, c’est un choix bien sûr, pour que l’auréole s’y pose plus facilement.

 

 

Merci à Maximilien Durand pour avoir pris le temps de répondre à nos questions.

 

Propos recueillis par Margot Boutges et Anabelle Pegeon

Crédit images : Aurélie Deladeuille

Sofiya Pauliac : Ukrainian vanity

Lundi 28 mars. 14 : 44.

J’ai du mal à me l’avouer mais la guerre fait désormais partie du quotidien. Je ne passe plus autant de temps à scruter l’écran de mon téléphone ou à allumer la télévision chaque soir pour écouter le journal. Mais où est-ce que l’on en est ? il se passe tant, sans que l’on ait l’impression qu’il se passe quoi que ce soit. 

Tout se détruit sous nos yeux, les hôpitaux, les écoles, les aéroports, les habitations. Je préfère me réfugier dans mes souvenirs, qui eux, demeurent intacts et lumineux. J’ai grandi avec mes grand-parents jusqu’à mes cinq ans et nous avions des routines qui m’amusent encore aujourd’hui. Je me rappelle qu’en rentrant de la maternelle avec ma grand-mère, mon grand-père nous attendait déjà attablé, tenant, dans une main un couteau et dans l’autre, une gousse d’ail entamée. La scène était complétée par les écailles d’ail parsem ées sur le bord du meuble. C’était son rituel. Tous. Les. Soirs. Il me faisait toujours rire quand, toujours à table, au moment des repas, il était le premier servi, et le temps que mon assiette soit préparée, il avait déjà englouti la moitié de son assiette. Alors, comme a chaque fois, je lui demandais « Pourquoi manges-tu aussi vite ? », ma grand-mère, lassée de cette même question qui revenait à chaque fois, répondait à sa place « C’est parce qu’il était à l’armée, ils n’avaient jamais le temps là-bas ».

 Ah, cette grand-mère, une vraie marraine fée ; elle cherchait constamment à me faire plaisir, me cuisinait des crêpes, des tartines grillées avec du fromage et un chocolat chaud ; voilà ce qui m’attendait après le lever chaque matin. La nourriture à la maternelle faisait légèrement moins rêver…entre les pâtes au lait et le pain desséché, le choix était dur à faire. 

Je lui en veux de m’avoir arraché cette belle image que j’ai de mon pays, je lui en veux d’avoir réduit ces souvenirs vivants à des ruines, je ne retrouverai plus ces endroits tels qu’ils étaient. 

La guerre nous paraissait lointaine, que ce soit géographiquement ou historiquement. C’est considéré comme appartenant au passé, comme des erreurs faites par nos ancêtres que nous ne pourrions plus refaire ; car nous avons la chance de regarder l’histoire avec du recul et de réfléchir avant de prendre des décisions qui toucheraient le monde entier. On se disait que personne ne voulait revenir aux temps de l’Union soviétique. On se trompait. 

Mes parents ont vécu pendant cette période, ils m’en parlent peu, sauf quand je leur pose des questions concrètes. Ils me disent de me méfier de ce que j’ai pu lire dans mes manuels de collège, car la période des années 70-80 correspond à un certain relâchement au niveau des interdictions. Mais ils se rappellent que même enfants, on leur disait de ne faire confiance à personne. Chaque mouvement et chaque parole était pesé et contrôlé. On ne pouvait pas envisager l’acte de prier, ni d’entrer dans une église. A la place, ma mère priait avec sa famille en secret. Chaque dimanche matin, ils se coiffaient, s’habillaient en chemises brodées, cueillaient des fleurs du jardin, et, une fois assis en cercle, on allumait la radio pour écouter la liturgie.

Quand ils me racontent ces bribes de leurs vies qui me paraissent si lointaines et inconnues, je me rends compte que je ne les connais pas aussi bien que je le pensais. 

Cette méfiance des informations subsiste pourtant. Lorsque j’ai débuté mes recherches concernant l’histoire de mon pays, j’ai été rapidement confrontée à des problèmes. Le seul livre en français sur l’histoire complète de l’Ukraine que j’aie pu trouver en librairie s’est avéré truffé de fautes. Dès la première page, il y eut une erreur. Elle concernait l’origine linguistique du mot « Ukraine ». le livre disait que l’appellation venait des mots ou – qui signifie « à, près de » – et de kraina – qui signifie « territoire » – le tout voulant dire « territoire au bord », le territoire au bord d’un autre. Cela aurait été donné par les Russes, par dédain envers leur voisin ukrainien. Mais cela est complètement faux. C’est l’explication qui avait été donnée par les Soviétiques pendant l’URSS. 

Le mot « Ukraine » vient tout simplement de kraina qui veut dire « territoire » certes, mais aussi « vaste plaine » ; et c’est bien un nom que se sont donné les Ukrainiens eux-mêmes. Je n’en veux pas aux écrivains de ce livre, il est malheureusement très difficile de trouver les bonnes informations concernant l’histoire de l’Ukraine et j’en ai moi-même fait les frais au cours de mes recherches. 

Il faut rester vigilant à la désinformation et aux intox, qui sont nombreux, à travers l’histoire, et aujourd’hui plus encore. 

Si vous êtes intéressé par l’histoire de l’Ukraine, je vous conseille vivement de jeter un œil aux ouvrages de Iaroslav Lebedynsky (archéologie et histoire), Iryna Dmytrychyn (qui a traduit de nombreux romans ukrainiens) et au livre De la « Petite-Russie » à l’Ukraine de Mykola Riabtchouk (qui explique l’origine du conflit russo-ukrainien).

Sofiya Pauliac

Sofiya Pauliac

Mardi 15 mars 2022. 10 :05. La journée débute de la même manière que depuis ces dernières semaines : dès le réveil, je scrute les dernières informations pour savoir ce qui a pu se passer pendant la nuit.
L’Ukraine est mon pays d’origine, ma patrie, la terre que mes ancêtres ont foulé, la terre où les générations se sont succédées, où ma famille vit encore.
Je ne vais pas parler de politique, ni expliquer ce qui peut se passer en ce moment-même à deux mille kilomètres de là d’où j’écris, je ne peux que parler de ma propre expérience et de mon ressenti en tant qu’immigrée ukrainienne en France.
Je suis née en Ukraine et j’ai eu la chance d’y passer mon enfance, j’en garde des souvenirs précieux et très nostalgiques. Je me rappelle des promenades en automne où l’on rassemblait les feuilles mortes pour en faire des bouquets, des balades en luge avec mon grand-père et même de certaines journées de maternelle. Nous avions des goûters assez atypiques : des pâtes au lait ou de la kacha de différentes sortes – bouillie de sarrasin, de millet ou d’avoine ; que l’on appelait « kacha Heraclès » quand on y ajoutait des fruits secs et des noix – que l’on mangeait après la sieste quotidienne. A l’époque, l’heure de la sieste parassait plus de l’ordre de la punition. Une salle pleine de petits lits d’enfants était consacrée à ce temps calme. Mes animatrices étaient très strictes et nous obligeaient a nous endormir dans la position « adéquate » : les deux mains rassemblées – la même position que pour faire une prière – étaient placées sous la joue droite et la position du corps devait suivre. Je m’endormais rarement et je passais surtout l’heure à observer mes camarades qui soient avaient peur d’ouvrir les yeux, soit faisaient les clowns ; une fois, un garçon, Pavlo, avait décidé de se rebeller. Il s’était levé de son lit en sursaut pour essayer de se faufiler par une des petites fenêtres. Inutile de préciser qu’il a finit sa sieste au coin.
Mais je me souviens aussi de la Révolution Orange, des rassemblements dans ma ville les soirs d’hiver où tout le monde portait des écharpes et des drapeaux oranges, levait sa bougie et chantait à tue-tête « Yushchenko tak », une chanson consacrée au futur président, censé remettre le pays dans le droit chemin.
J’ai quitté mon pays peu de temps après avec mes parents, en mars 2005, direction Paris, ils souhaitaient m’offrir plus d’opportunités et un avenir, que je n’aurais pas pu avoir en Ukraine.
Moi je voyais les choses d’une façon plus innocente, je ne voyais pas les difficultés ni les problèmes, je voyais ça comme un long voyage de Kyiv, en passant par l’Autriche et la Pologne pour arriver a Paris. Mon enfance a été remplie de mes souvenirs de l’Ukraine et j’ai rapidement été propulsée sur le devant de la scène au sein du Centre ukrainien de Paris où je chantais des chansons ukrainiennes tous les mercredis. Mon pays ne m’est jamais sorti de l’esprit ni du cœur, dès que j’avais l’occasion d’en parler, je le faisais. Durant ma scolarité, lorsqu’on était amené à faire un exposé je choisissais toujours l’Ukraine et sa culture. En fin de primaire, j’étais même venue en costume traditionnel en proposant des petits gâteaux typiques que ma mère avait passé la veille à préparer.
J’étais en 3e lorsque la guerre a éclaté dans le Donbass, je ne comprenais pas encore très bien les choses et je ne savais pas trop quoi penser, ma famille a toujours été dans les Carpates ce qui fait que je ne minquiétais pas vraiment pour eux. Cependant lorsque je suis revenue pour la première fois – comme tous les étés – depuis le début de la guerre chez moi, les gens étaient différents, quelque chose avait changé dans leur attitude et dans leur perception de l’avenir qui les attendait.
J’ai commencé à poser des questions sensibles à ma famille bien plus tard, et je me suis rapidement rendue compte que j’ignorais beaucoup de choses sur l’histoire de mon pays mais aussi sur l’histoire de ma propre famille. Il y avait beaucoup de non-dits – et pour des raisons bien compréhensibles – comme sur le destin de certains de mes ancêtres, des résistants au régime stalinien qui ont été exécutés pour trahison et en guise de punition, la maison familiale a été rasée et les parents de ceux- ci furent envoyés en Sibérie. Combien d’histoires me reste-t-il encore à découvrir ?
J’ai su assez vite au sujet du Holodomor, le génocide des ukrainiens de 1933 orchestrée par Staline ayant fait plus de 5 millions de morts, mais aussi de la chasse et torture des intellectuels et artistes ukrainiens des années 1960 dans le but d’effacer la culture et la mémoire ukrainienne.

Mais aujourd’hui la situation est différente. Les événements récents m’ont frappé plus forts que les dernières fois. Les émotions diverses que je ressens se contredisent : un mélange de frustration et d’impuissance – de ne rien pouvoir faire d’ici pour l’Ukraine – ,de culpabilité – d’avoir quitté mon pays – ,mais aussi de fierté d’être ukrainienne et de pouvoir compter sur toutes les personnes qui défendent courageusement le territoire chaque jour et qui ne comptent pas s’arrêter de si tôt. Pourtant, j’ai peur, peur de ne pas pouvoir y retourner, ou pire encore; d’y revenir mais de ne plus retrouver la maison de mon enfance dans le même état que j’ai pu la laisser. Serais-je capable de reconnaitre ces lieux ? Ces gens ? Est-ce que l’air sera le même ? et les montagnes ? les rivières ?
Malgré tous ces sentiments, j’entends ces derniers jours mon pays qui m’appelle de plus en plus fort, qui ne m’abandonnnera pas et que je n’abandonnerais pas non plus : « Chante mes chansons, apprends mes histoires, lis mes poèmes, danse quand tu entends ma mélodie mais ne me pleure pas ».
Une Table-ronde sera organisée à l’Ecole le mardi 29 mars et consistera en une présentation de l’histoire, archéologie et traditions ukrainiennes, suivie d’un débat et se finira par une approche musicale ainsi qu’une petite exposition. Venez nombreux, votre présence est déjà une lutte contre l’oubli.

Sofiya Pauliac

Interview Junior entreprise

École du Louvre Junior Conseil a cette année encore réalisé une mission en collaboration avec le Club international pour participer à l’accueil des élèves internationaux de l’École ! La mission comprenait trois médiations : une visite des chefs-d’œuvre méconnus du Louvre, une visite des quartiers du Louvre et du Marais et une visite « jeu de piste » du quartier Latin à destination des élèves internationaux de l’École du Louvre. Les objectifs de cette mission étaient de faire découvrir la culture française aux élèves internationaux, de faciliter leur intégration et de les guider dans leur nouveau cadre de vie.

            Nous avons rencontré Lucie, qui a activement participé à la mise en place de cette mission. Chef de projet au pôle Commercial de la Junior Entreprise et élève en troisième année de premier cycle en spécialité arts du XIXe siècle, elle est entrée cette année à l’école du Louvre par équivalence, après deux années de prépa. Nous lui avons demandé de présenter la Junior Entreprise pour ceux et celles qui ne la connaîtraient pas, puis de nous expliquer plus en détails cette mission.

Flora : Est-ce tu pourrais nous présenter la Junior-Entreprise pour ceux et celles qui ne la connaîtraient pas ? Nous expliquer de quoi il s’agit et quelles sont ses missions ?

Lucie : La Junior-Entreprise est, globalement, une entreprise gérée par des étudiants et pour des étudiants et à vocation non lucrative. Notre but est de nous professionnaliser, que ce soit de la part des membres actifs, comme moi par exemple, en gérant la structure à un poste précis sur une année entière de novembre à novembre de l’année suivante ou de la part des intervenants ou adhérents. Il s’agit de n’importe quel élève de l’école qui peut postuler à nos missions (médiation, rédaction etc.). Ils sont rétribués pour leur mission. Nous travaillons avec beaucoup de types de structures différentes, comme le musée du Louvre ou du Jeu de Paume, Chanel… mais aussi avec des plus petites structures ou musées…

Flora : Quel est ton rôle au sein de la Junior-Entreprise ?

Lucie : Au sein de la Junior-Entreprise, il y a plusieurs pôles comme le pôle prospection qui va à la rencontre des potentiels clients. Moi, je suis dans le pôle commercial, cheffe de projet. Dans le pôle commercial, il y a 8 membres en tout. Il y a 2 co-responsables et 6 cheffes de projet. Le rôle de la cheffe de projet est de vérifier le bon déroulement d’une mission, de sa conception à sa clôture. On se charge de recruter, de former les intervenants à la mission. On va faire le suivi client, vérifier que tout est bon de son côté, mais également du côté de l’intervenant, pour lui transmettre les informations.

Flora : Tu as fait partie de ce projet entre la Junior-Entreprise et le Club International. Est-ce que tu pourrais nous en dire un peu plus ?

Lucie : J’ai récupéré la mission en cours de route, en fait une première mission similaire avait été faite en juin l’année dernière et elle a été reconduite cette année entre décembre et janvier. Je gérais le bon fonctionnement de la mission. Il s’agissait de faire des visites : il y en a eu une sur la visite du quartier du Louvre et du Marais, une autre sur les chefs d’œuvres inconnus du Louvre ou encore un jeu de piste dans le Marais. On a eu pas mal de soucis avec cette mission car très peu d’étudiants du Club International y ont répondu. Finalement on a décidé d’étendre le public non plus seulement au Club International mais à toute les élèves de l’école qui voulaient y participer. Les intervenants qui sont des élèves de l’école ont du coup dû réadapter le propos parce qu’à l’origine, leurs médiations étaient faites pour des étudiants qui ne connaissent pas Paris, mais finalement, on apprend toujours des choses sur Paris et donc ça a quand même été très intéressant même avec un public différent.

Flora : Est-ce que tu penses que ce projet a quand même pu aider, même s’il y a eu peu de participants ?

Lucie : Je pense que oui, on a eu quelques retours d’élèves internationaux qui ont beaucoup aimé et même pour les élèves ne faisant pas partie du Club International et qui ont trouvé la visite très sympa, cela leur a permis de décompresser un peu du travail, qui peut nous submerger parfois. La mission d‘origine n’a pas été complètement réalisée mais finalement on a pu faire quelque chose de bien et le mener à terme.

Flora : Est-ce que tu sais si ce projet sera reconduit ?

Lucie : Je pense qu’il sera reconduit parce que la personne de l’administration du Club International avec qui j’étais en relation avait l’air aussi attristée que moi que ça ne fonctionne pas aussi bien. Mais on s’est dit que le fait que ça se tienne en décembre-janvier en plein covid n’était pas idéal ; il y a beaucoup de personnes qui n’osaient pas venir et aussi à cause du froid. On va donc essayer de reconduire ça sur une période plus estivale, comme en juin l’année dernière, où ça avait mieux fonctionné.

Flora : Est-ce qu’il y a des nouveaux projets qui sont en train d’être préparé par la Junior-Entreprise et tes projets à toi au sein de la Junior-Entreprise?

Lucie : C’est vrai qu’on est constamment en train de faire des missions, notamment avec des musées. En ce moment, l’une des cheffes de projets réalise une mission avec l’École du Louvre qui consiste en une série de podcasts avec Claire Barbillon, l’architecte de la nouvelle bibliothèque et d’autres, qui seront diffusés pour l’inauguration de la bibliothèque.

Flora : Est-ce que tu aurais quelque chose d’autre à ajouter ?

Lucie : Pour la Junior, n’hésitez pas à vous renseignez sur nous et à candidater à nos missions. On ne peut pas toujours accepter tout le monde, mais si on n’a pas pu retenir un profil qui nous intéressait quand même, on peut parfois le recontacter pour d’autres missions similaires. On propose beaucoup de missions et vous trouverez peut-être celle qui vous correspond ! On accepte tous les profils, de la première à la dernière année d’études à l’école. Cela dépend des missions, on le mentionne dans l’annonce. En ce moment, on a une offre de mission en rapport avec les fleurs, il suffit de bien aimer les fleurs, d’être sérieux et motivé. La motivation des candidats compte beaucoup dans notre choix, il ne faut pas hésiter à nous envoyer des messages ! Merci beaucoup !

Ensuite, nous avons interviewé Mara, 27 ans, c’est une élève originaire du Brésil en première année de premier cycle en spécialité Art contemporain. Elle est à Paris depuis l’année 2020-2021 et a participé à la médiation proposée par la Junior-Entreprise en partenariat avec le Club International de l’École. Nous lui avons demandé de partager son expérience.

            « Il s’agissait d’intégrer les élèves étrangers, l’objectif principal était de connaître la ville et le musée du Louvre et d’avoir la perspective des personnes qui les connaissent bien.

La première activité consistait en une visite des quartiers du Louvre. L’intervenante donnait des informations amusantes sur la rue où l’on se trouvait, cela permettait de nous situer dans un contexte, d’en savoir plus sur l’histoire de Paris, et de regarder les choses autour de nous avec autre regard. En tant qu’étudiante internationale, connaître plus amplement les lieux de notre quotidien, avoir les références des personnes qui vivent ici depuis longtemps me fait me se sentir plus intégrée et facilite les interactions avec les autres élèves.

J’ai adoré cette partie, si c’était à refaire, je le referai sans hésiter, l’intervenante était parfaite ! J’ai pu visiter des choses que je ne connaissais pas et ça ressemblait à une promenade entre amis donc c’était très agréable. Les dates ont seulement été annoncées un peu trop tard, les élèves internationaux en master n’ont pas pu participer car c’était leur semaine d’examens.

La seconde partie était une visite guidée au Louvre axée sur ses «chefs-d’œuvre méconnus». On a ainsi pu découvrir des salles que je ne connaissais pas, et des objets tout petits auxquels on ne fait pas forcément attention. Cette visite avait aussi et surtout pour objectif de nous aider à nous repérer dans le Louvre car il y a énormément de salles. L’ intervenant a également introduit la question de la muséographie. Ça m’a beaucoup aidé à avoir des repères et ça nous introduisait aussi à ce que l’on étudie au coursde notre formation à l’École.

            Je n’ai malheureusement pas pu participer à la troisième activité, qui consistait en un jeu de piste dans le quartier latin. Ça avait l’air très ludique et très intéressant.

Leïla : « En tant qu’étudiante internationale, quel genre d’évènement aimerais tu voir à l’avenir dans la collaborations de la Junior-Entreprise avec le Club International ou avec des étudiants internationaux ? »

Mara : « Je pense qu’il serait aussi intéressant d’avoir une petite journée multiculturelle où les élèves peuvent apporter un échantillon de la production artistique ou culinaire de leur pays ! Un peu comme une galerie ou un petit marché avec des stands et des représentants pour chaque pays ou culture. Ça permettrait de découvrir le point de vue des élèves et les artistes de leur pays d’origine qui sont peu connus à l’international. On pourrait aussi intégrer les élèves en Erasmus. »

Leïla Somaï, chargée évènementiel d’École du Louvre Junior Conseil
Flora, co-présidente du Louvr’Boite

Interview Anaïs Ripoll

Voici un article exclusif de notre site, une sorte de hors-série. Le Louvr’Boite avait déjà interviewer Anaïs Ripoll il y a deux ans à l’occasion de son premier roman, le Secret de l’École du Louvre. À l’occasion de cet entretien nous organisons en parallèle un concours sur Instagram afin de gagner un exemplaire de son nouveau romain Réparer l’affront.

Pour débuter cette interview, pourriez-vous vous nous décrire votre parcours à l’Ecole du Louvre et nous parler de votre premier livre, Le Secret de l’Ecole du Louvre ?
Je suis rentrée à l’Ecole du Louvre en 2006. J’avais 19 ans et j’ai suivi la spécialité «Art du XXe siècle ». J’ai commencé à écrire le manuscrit du Secret de l’Ecole du Louvre en 1ère année, en le voyant comme une parodie du Da Vinci Code car l’histoire met en scène quatre étudiantes de l’Ecole du Louvre menant une enquête à la suite du vol d’un tableau du musée. Je l’avais écrit pour faire rire mes copines, immortaliser nos « délires », les surnoms que l’on donnait à nos professeurs et aux garçons de l’amphithéâtre par exemple. Je n’avais jamais pensé à en faire un véritable ouvrage.

Dans votre dernier roman « Réparer l’affront », quel est l’origine du roman, l’idée qui vous a poussé à le commencer ?
J’ai repris et terminé Le Secret de l’Ecole du Louvre presque dix ans après avoir écrit le manuscrit à l’Ecole. Comme je l’avais écrit pour des raisons personnelles et que je ne le voyais pas comme un véritable roman, je l’avais un peu abandonné. Je ne me considérais pas écrivain et quand je l’ai terminé et autopublié en 2019, j’ai pensé que je ne réécrirais probablement plus jamais.
Pourtant pendant le confinement de l’année dernière, j’ai été inspirée par la situation et j’ai écrit un second roman intitulé Tant que le jour se lèvera, centré sur un couple de toulousain partant vivre dans les Pyrénées, en autonomie dans la nature. Avoir retrouvé de l’inspiration m’a étonnée moi-même. On me demandait souvent « À quand le deuxième ? » mais je ne pensais pas vraiment réécrire un jour. D’ailleurs même après ce deuxième roman, je me suis dit encore une fois que parcours d’écrivain allait s’arrêter là car je n’avais pas d’idée pour un autre livre. Je ne me mettais pas non plus de pression pour trouver de nouvelles idées, j’avais aussi ma vie professionnelle à côté.
Cependant, l’année dernière, mon travail m’a fourni une nouvelle source d’inspiration. Je suis commissaire-priseur dans une étude d’huissiers de justice. J’ai été assez fascinée par le pouvoir d’investigation des huissiers qui ont la charge de retrouver certaines personnes pour récupérer des dettes et faire exécuter des jugements. Ils peuvent donc enquêter pour les retrouver. De cette pensée, j’ai brodé un fil en imaginant ce qui se passerait si ce pouvoir se retrouvait entre les mains de quelqu’un d’un peu fragile ou obsessionnel. La personne pourrait alors utiliser cette capacité d’enquête pour retrouver la trace de quelqu’un qu’elle aurait perdu de vue.

Votre vie influence donc souvent vos histoires. Dans la dédicace de votre livre, vous mentionnez vos amies qui vous auraient aidées à créer le personnage d’Elodie, la meilleure amie. Y a-t-il d’autres détails comme celui-ci dans votre histoire ?
« Est-ce que c’est vrai ? » est souvent la première question que me posent les lecteurs. Ce livre peut être assez choquant car l’héroïne est ambivalente, très attachante mais à la limite de la folie, ce qui la rend donc un peu effrayante. Des personnes de mon entourage se sont donc demandées quelle était la part de vérité dans cette histoire un peu sombre.
Je me suis inspirée de ma seule histoire d’amour de vacances, il y a maintenant plus de dix ans. Le personnage de Robin existe donc bel et bien, même si le prénom a bien évidemment été modifié. Je n’ai plus aucun contact avec lui, je ne sais pas ce qu’il est devenu et il ne sait sûrement pas que ce livre a été écrit. Cependant, contrairement à cette histoire, je ne l’ai pas retrouvé dix ans après notre rencontre.
J’ai aussi voulu rendre hommage à une amie en particulier, Lisa, qui m’a inspirée le rôle d’Elodie, la meilleure amie rigolote et parfois un peu pathétique. J’ai porté un regard tendre sur toutes nos années de galères lorsque nous avions la vingtaine, avec nos histoires compliquées avec les garçons ou les aventures sans lendemain. J’ai même ressorti des journaux intimes de cette époque, donc d’il y a dix ans. Cela a été un vrai travail d’introspection et certaines anecdotes et textes du livre sont réels. Je sais que Lisa a été touchée de relire et redécouvrir ces moments-là.

En tant que lecteur, on peut avoir l’impression que la seule personne réellement décrite et introspecté est Jeanne, l’héroïne et que les personnages qui gravitent autour d’elle sont assez flous et indiscernables dans leur personnalité. Est-ce un choix fait pour accentuer sa personnalité égocentrique ?
Le choix a été fait non pas d’un narrateur omniscient mais d’un narrateur avec un point de vue unique, celui de l’héroïne ce qui limite les points de vue. On voit les autres personnages à travers ses yeux. Jeanne est très torturée et son évolution psychologique est particulière, il est donc difficile de se faire une idée précise du caractère de ces autres personnages, surtout que je voulais également que les personnages gravitant autour d’elle soient ambivalents, que l’on ne sache pas véritablement quoi penser d’eux. Dans la première partie par exemple, on s’attache à Robin, puis finalement on se demande pourquoi l’héroïne n’arrive pas à l’oublier alors que c’est un homme ordinaire, ou au contraire on le trouve très attachant. Je voulais que rien ne soit tranché, que chacun ait son opinion sur qui est le bon et le méchant de l’histoire, ou même qui est le plus décevant.
C’est également le cas pour la meilleure amie, on la voit vraiment à travers le regard de Jeanne. Parfois elle est très attachante, on la trouve loyale, on voit en elle une très bonne amie, et à d’autres moments elle est très pathétique, comme lorsqu’elle est prête à mettre le grappin sur n’importe quel homme. Elle est désespérée, donc on la trouve décevante, on trouve qu’elle rate un peu sa vie. C’est à chacun d’aimer ou non les personnages.

Comme vous l’avez dit précédemment, cette histoire est inspirée d’un amour de vacances, pouvez-vous nous en dire plus ? Pourquoi avoir choisi ce thème de l’amour à distance et de l’idéalisation ? Et enfin pourquoi l’avoir tourné dans une forme aussi torturée alors que le début nous laisse plus présager un roman « à l’eau de rose » ?
A mon avis, si cela n’avait été qu’une simple histoire d’amour, ce livre aurait été comme tous les autres et n’aurait eu aucun intérêt particulier, plus comme un roman de vacances à l’eau de rose effectivement. Il fallait qu’il se passe quelque chose, qu’il se noue un drame. Je me suis inspirée du livre Mort sur le Nil d’Agatha Christie, un auteur que j’affectionne beaucoup. Ce roman raconte l’histoire d’un triangle amoureux lors d’une lune de miel qui va tourner au drame. C’est mon roman préféré d’Agatha Christie.
C’est donc autour de ce thème récurrent et presque immortel du triangle amoureux que j’ai voulu travailler sur pourquoi et comment un amour de vacances aussi furtif avait pu prendre tant d’importance. De plus, cela m’est arrivée l’année dernière de rêver de ce garçon que j’avais rencontré plus jeune et que je n’avais plus vu depuis dix ans. Au réveil, cela m’a choquée de voir à quel point notre inconscient est capable de nous jouer des tours. Je me suis demandée pourquoi j’avais tout d’un coup rêvé de lui. C’est en relisant mes journaux intimes que je me suis rendue compte que ce garçon avait été important pour moi pendant très longtemps alors que notre histoire avait été très courte. C’est à partir de là que j’ai réalisé qu’il y avait sûrement quelque chose à travailler autour de ces amourettes de vacances qui peuvent nous marquer pendant longtemps.

L’héroïne passe parfois de la 3e personne du singulier à la deuxième personne du singulier lorsqu’elle pense à Robin. Est-ce pour montrer sa confusion ? Ses sentiments pour lui ? Le déni qu’elle met en place pour se protéger ?
A certains moments, Jeanne est tellement en colère qu’intérieurement elle s’adresse à lui. Et c’est une manière d’établir un dialogue qui n’a jamais eu lieu, d’évacuer une frustration, car ils ne sont jamais expliqués sur ce qui s’était passé.

Il y a peu de verbes de paroles et d’incises dans les dialogues. Est-ce un trait d’écriture récurrent dans vos romans ou est-ce particulier à celui-ci ?
Je crois que c’est plutôt personnel à celui-ci. J’en avais mis beaucoup dans mon premier roman quand j’étais très jeune et à la relecture j’ai trouvé ça un peu lourd. J’ai donc voulu alléger les dialogues.

L’héroïne a une évolution psychologique très forte. On la voit passer d’une jeune fille un peu naïve à une sorte d’obsession ou de folie. Pourquoi avoir poussé jusqu’à la limite cette évolution psychologique ?
Je pense que l’on a tous une Jeanne en nous et je voulais montrer qu’il y a une limite à ne pas franchir et elle l’a dépassée car elle est très orgueilleuse. Elle voulait réparer une blessure d’ego. On en vient même à se demander si elle a vraiment aimé Robin car finalement ils ne se connaissent pas. C’est un amour de vacances, un amour idéalisé. Et pourtant elle veut absolument le récupérer. On a l’impression qu’elle cherche plutôt à guérir quelque chose en elle. Je voulais que tout l’intérêt du roman, dans lequel il ne se passe finalement pas grand-chose, soit mis sur cette radicalisation de sa personnalité, de sa psychologie, de voir comment quelque chose qui n’a pas été traité ou évacué tout de suite peut laisser des séquelles et peut empirer. Cela pour cela que l’on passe d’une héroïne un peu naïve, amoureuse, à laquelle on peut facilement s’identifier, pour qu’à la fin on la déteste tellement elle est odieuse. Elle en vient à mépriser tous ces proches. Comme on est dans sa tête, on voit à quel point elle est méchante. C’est ce sur quoi j’ai voulu mettre l’accent dans ce roman.

Ca donne un tout autre ton au roman, il y a un moment, je ne saurais dire quand, on bascule vraiment, point de vue interne donne un sentiment de malaise car on est pas d’accord avec elle. Tout le long du roman, on est plutôt du côté de la copine, Élodie.
C’était inédit pour moi de me mettre dans la peau d’une méchante, même si le terme est assez réducteur, j’ai trouvé ça génial, un côté un peu machiavélique. Dans mon second roman, « tant que le jour se lèvera », c’est un roman très contemplatif, l’héroïne est une artiste, se poser des questions existentielles, c’est un couple qui survit dans la nature donc on est pas du tout sur des choses de ce niveau là. Et la d’avoir choisi volontairement d’être dans la peau d’un personnage que le lecteur va finalement détester, c’était vraiment une expérience super pour moi. Très intéressante. Mais je me rends bien compte que c’est un parti pris.

Mais c’est aussi ça qui fait l’originalité du livre. J’avais un autre question pour rebondir quand vous disiez qu’on à tous une Jeanne en nous, la toute fin du livre laisse présager que c‘ est pas vraiment la fin de l’histoire de Jeanne, est-ce que vous penser peut-être à une suite, juste dans votre tête, ce qui pourrait arriver avec ce nouveau contact.
C’est vrai que j’aime beaucoup les fins ouvertes, parce que à la fois il y a un goût d’inachevé qui fait « à zut ! ». À la fois énervant et excitant. Ça laisse la possibilité au lecteur d’imaginer ce qu’il veut. Et pk pas une suite, chacun est libre d’imaginer que mb l’arrosera serai arrosé et la méchante punie dans un futur proche ou lointain. Je voulais quand même aussi, sans spoiler mais une partie de la fin du roman est un procès. Et ca je voulais rendre à César ce qui est à César, c’est tiré d’un roman qui à reçu de nombreux prix, qui est sorti très récemment que j’ai adoré, Les Choses humaines de Karine Tuil. C’est un roman qui est tiré d’une histoire vraie, qui s’est déroulé aux États-Unis, d’un fait divers autour d’un viol et de la question autour du consentement. Une question très épineuse, repose sur la parole, contre la parole de l’autre. A quel point il n’y à pas de preuve, que c’est très compliqué. Cette affaire m’a intéressé et le livre que j’ai adoré, de se plonger dans un procès, un peu comme si on y était en direct. Avec des questions très directes posées et aussi le machiavélisme avec lequel parfois elles sont posées dans l’intention d’orienter la réponse. Et ça je voulais vraiment essayer de retranscrire quelque chose de similaire. Et montrer que Jeanne arrive tout le temps à rebondir, elle a réponse à tout, c’est insupportable. J’en dis pas plus. Le thème du procès m’intéressait beaucoup et celui de la victime qui est piégé, qui n’est pas forcément celle que l’on croit.

Cette fin personnellement, ça m’a donné l’impression que vous vouliez donner une idée de cercle sans fin. Comme vous dites c’est l’arroseur qui est arrosé mais surtout on à l’impression que tout le monde peut être dans le cas de Robin mais aussi celui de Jeanne, les deux à la fois sans s’en rendre compte.
Exactement. Quand à la fin, ce contact dont Jeanne n’a pas le moindre souvenir, qui ne l’a pas marqué revient en disant qu’il ne l’a jamais oublié. Elle est choquée, même effrayée en se disant « mais il est complètement cinglé, il m’a complètement idéalisé, on ne se connait pas ». Elle ne se rend pas compte qu’elle à eut exactement cette attitude envers Robin, qu’elle a nourrit elle-même un fantasme. On peut donc être chacun l’un de ces personnages, on a tous eu des fixettes, des idéalisations, des fantasmes sur des histoires qui n’ont jamais été faites. On est probablement aussi le fantasme de quelqu’un, on n’en sait rien. Pour l’anecdote, car c’est très drôle qui m’a inspiré cela, j’ai un ex, vous allez croire que j’ai beaucoup d’ex (rires), avec qui j’étais sortie à la fac avant de faire l’École du Louvre, j’étais très jeune, dix-huit ans, l’histoire d’une soirée. Il m’a recontacté l’été où j’écrivais ce roman, donc douze ans après, véridique, en me disant « tu as été odieuse, tu m’as bloqué de partout » À l’époque je l’avais bloqué de tout mes réseaux et il m’a retrouvé sur Instagram. Il m’a dit « je ne t’ai jamais oublié, tu représente tout ce que j’imagine de mieux ». J’ai eu très peur, j’ai failli le bloquer de nouveau mais je me suis dit « non, ne soit pas odieuse, il faut arrêter de bloquer les gens ». Je me suis dit que le mec était complètement fou, on ne se connait pas, on ne s’est pas vu depuis douze ans. Il me connaît à travers l’image que je donne via les réseaux sociaux. Et le fait que tout cela se confronte, mon roman et le fait que mon ex insignifiant me recontacte à ce moment-là, c’est là que je me suis dit, on peut nourrir une obsession mais en être l’objet.

Que diriez-vous aux écrivains en herbe qui sommeillent sur les bancs de l’école ? Des personnes qui comme vous on écrit quelque chose mais n’ont pas confiance ou l’idée même que cela puisse devenir sérieux ?
C’est assez magique d’avoir une espèce de secret qui dort dans son ordinateur, on à l’impression d’avoir une histoire qui n’existe que dans notre imaginaire, une relation fusionnelle et unique avec l’histoire que l’on crée, que l’on invente. On est les seuls à savoir qu’il existe donc il y a une sorte de beauté mais je crois qu’il ne faut jamais s’arrêter à la peur du regard de l’autre et trouver le bon moment. Moi cela a été dix ans après pour Le secret de l’école du Louvre, de mon point de vue, cela ne valait pas la peine d’être lui, ne tenait pas debout. Je me suis dis, on n’a qu’un vie et aujourd’hui avec l’autoédition, tout le monde peut publier son livre et l’avoir dans les mains. C’est quand même une chance. Il y a quelque chose de magique de tenir son rêve dans les mains et de se dire que tous peuvent potentiellement le lire. C’est presque publier son journal intime même si c’est une fiction. C’est vous qui inventez l’histoire et les personnages. Entre guillemet, vous vous mettez à poil, pardonnez-moi l’expression. rire. C’est comme sauter dans le vide si on aime les sensations fortes. Je pense qu’il faut oser, au bon moment même s’il faut plusieurs années de maturité, il faut y aller, s’auto-publier pour le plaisir.
Je voulais juste rebondir sur une dernière chose, il y avait un fil rouge dans ce roman, qui était les réseau sociaux

Voulez-vous faire une critique, un message de votre propre expérience ou peut-être juste de la société en générale ?
Au départ, ils s’ajoutent sur Facebook, ensuite Messenger. Puis chacun fait croire à l’autre pendant des années qu’il va très bien, que leur vie est géniale via Facebook. Ensuite, symboliquement, Jeanne décide de tourner la page définitivement en le supprimant de Facebook mais elle finit par le chercher sur les réseaux pour le retrouver. Dans la période du procès, les médias s’emparent de l’affaire, chacun donne son avis en polluant l’affaire. Et cela m’a été beaucoup inspiré des féminicide actuelle, Delphine Jubillar, toute ses affaires non élucidés de meurtres horrible, de viol. Chacun devient enquêteur, donne son avis pour une raison, voir même crée des pages dédiées à l’enquête. C’est une chose qui me choque, je me suis dit que d’aborder le sujet de A à Z, la manipulation par les réseaux pouvait être intéressant. J’en ai été victime à la fois, et tout le monde à mon avis dans notre société actuelle, c’est très dangereux de jouer avec son image parce que Jeanne se retrouve piégé car Robin va croire pendant des années qu’elle s’est parfaitement remise de leur histoire alors qu’elle est au fond du trou. Je l’ai vécu quand j’avais la vingtaine mais je pense qu’on est nombreux à l’avoir fait. Donner l’image qui n’est pas la bonne via les réseaux, surtout quand on va mal.

Est-ce que vous pensez que la relation entre Jeanne et Robin, s’il n’y avait pas eu ce prisme des réseaux sociaux, mentir à l’autre, que finalement la relation aurait pu fonctionner ou qu’en fin de compte, Jeanne aurait tout autant idéalisé Robin.
C’est difficile à dire car cela reviendrait à imaginer l’histoire sans ces réseaux, comme à l’époque de nos parents. Peut-être que la relation aurait été plus saine, qu’il se serait parler de manière plus honnête et transparente. Il est difficile de réécrire l’histoire, je ne saurais dire. Jeanne à ses névroses. À un certain moment du roman où elle dit « Sauve-moi », elle attend d’être sauvée. Robin aurait pu, mais lui-même avait ses propres problèmes, que c’est peu probable. J’avais une question à vous poser, en tant que lectrice, qu’est ce qu’on ressent pour un personnage aussi ambivalent que Robin ?

Je n’ai pas apprécié Robin au début, parce que j’avais l’impression qu’il avait un comportement assez mauvais envers Jeanne. Au fur et à mesure du roman, notamment vers la dernière partie, j’ai eu plus d’empathie envers lui par rapport à l’attitude de Jeanne envers lui. (Éloïse)
Je l’ai trouvé dragueur à leur première rencontre. J’ai toujours eu beaucoup d’empathie pour lui car il n’avait pas une situation facile. Il effaçait sa personnalité pour son père, ce que je trouve assez fort. Je comprenais son besoin de mettre de la distance, de faire la fête, donc cela ne m’a pas gêné. Je trouvais Jeanne trop dans la retenu de ses sentiments, il n’y avait pas assez de communication donc je ne blâmais pas non plus Robin pour cela. Finalement, de toute manière, on a de plus en plus d’empathie pour lui, à mesure que le temps passe pour Robin. Le pauvre se retrouve pris dans quelque chose qu’il n’a pas demandé. (Cassandre)

J’ai essayé que l’on aime Robin dès le début parce qu’il est charmeur, un peu fou fou etc, on sent qu’il est sincère et qu’il à un vrai coup de coeur pour elle.

C’est un homme bien.
Exact, ce n’est pas un baratineur, sauf qu’il est lâche. Il est jeune et immature, ne sait pas quoi faire de sa peau. C’est du vécu, quand on à la vingtaine, les mecs ils veulent pas s’attacher quand ils ont le coups de cœur. Ils veulent s’amuser, on a toutes vécu cela. Ce qui est hyper décevant car on sens qu’il y a un potentiel mais qui n’est pas assumé de l’autre côté. On le blâme donc pour sa lâcheté, mais quand elle le retrouve dix ans plus tard, on se dit que le type n’a toujours pas évolué, il a les mêmes démons alors pourquoi elle s’acharne sur le même mec qui pourrait être n’importe quel autre ? Jeanne veut plus régler une question d’orgueil que de véritablement le reconquérir à tout prix.

Oui parce qu’on voit que ce n’est pas un homme parfait, mais qu’il n’est pas mauvais non plus.
Mais il est tout de même très facilement manipulable. On sent qu’il est perdu car il suffit que Jeanne débarque dans sa vie et trois jours après il a foutu sa vie en l’air. Il est très faible et comme elle c’est un dragon, forcément cela explose.

Auriez-vous un mot pour achever cet entretien, une remarque ?
Je ne sais pas, peut-être qu’un jour le vrai Robin lira cette interview et se reconnaîtra. Rassurez-vous, je ne suis pas obsessionnelle et je suis très sympathique rire.

Merci beaucoup de vous avoir accordé votre temps et au revoir.

Cassandre et Éloïse