En ce mois de décembre où les journées sont courtes et de plus en plus froides, rien de mieux que de rester sous la couette devant… un film ? Pour ce thème « Minuscule », l’occasion est parfaite pour mettre en avant nos personnages miniatures préférés, car être petit n’empêche pas d’accomplir de grandes choses ou bien de figurer parmi nos héros favoris. Si on se tourne vers l’Antiquité, la victoire de David sur Goliath l’illustre parfaitement ou même encore bon nombre de fables de La Fontaine telle que le Lion et le Rat. C’est notamment la fantasy qui a permis aux êtres de petite taille, qu’on intègre bien souvent sous la mention de « petit peuple », d’imprégner nos références littéraires et cinématographiques. Parmi les très nombreux films avec des héros minuscules, j’ai choisi aujourd’hui de vous parler d’un long métrage d’animation qui m’a particulièrement plu étant enfant et que je souhaite vous faire découvrir dans ce numéro : Arrietty : Le Petit Monde des Chapardeurs. Ce film n’est autre qu’une des nombreuses adaptations de la série de romans de l’autrice britannique Mary Norton, The Borrowers.
Sorti en juillet 2010 au Japon et en janvier 2011 en France, Arrietty : Le Petit Monde des Chapardeurs se base sur un scénario écrit par l’iconique Hayao Miyazaki bien qu’une toute autre figure se soit occupée de sa réalisation : Hiromasa Yonebayashi. Né en 1973, Yonebayashi rejoint le Studio Ghibli en tant qu’intervalliste puis animateur sur de nombreux films emblématiques comme Le voyage de Chihiro, avant de devenir réalisateur en vue de lancer la nouvelle génération de réalisateurs du studio. Arrietty est donc son premier film. Malgré les difficultés de production et le retard conséquent dans la réalisation des plans, le film reste un succès récoltant un bon nombre de critiques positives et 145 millions de dollars au box-office.
Bien que je ne puisse que vous conseiller de regarder ce film, un petit résumé s’impose afin de vous remémorer quelques souvenirs ou bien de susciter suffisamment votre curiosité pour que vous ne puissiez plus attendre ! Arrietty est une jeune chapardeuse de 14 ans vivant avec ses parents, Poddo et Homily, dans une vieille maison de campagne à Koganei, dans la banlieue de Tokyo. Qu’est-ce qu’un chapardeur ? Rien d’autre qu’un petit être humanoïde d’une dizaine de centimètres qui habite dans les maisons des humains en « empruntant » le strict nécessaire pour survivre, tout en veillant à ne jamais entrer en contact avec les humains ou se faire repérer. Cela n’est pas sans compter sur l’arrivée de Shô, un jeune adolescent qui doit se reposer à la campagne chez sa grand-mère suite à des soucis de santé, qui découvre l’existence d’Arrietty, mettant en péril l’équilibre fragile de la vie des Chapardeurs. De là va naître une magnifique histoire d’amitié et d’amour entre ces deux individus, mais je ne vous en dirai pas plus afin de ne pas tout vous dévoiler !
Dans ce film d’animation, vous allez retrouver toutes les caractéristiques des films Ghibli : de la poésie, une nature verdoyante et une musique enivrante. D’ailleurs sur ce dernier point : cocorico ! La musique est composée par la chanteuse et musicienne bretonne Cécile Corbel, spécialiste de harpe celtique. Voilà une transition parfaite pour évoquer quelques références culturelles, d’abord occidentales mais aussi japonaises que l’on retrouve dans ce film.
Tout d’abord la figure même du chapardeur peut se rapprocher de l’univers du « petit peuple » déjà mentionné plus haut, composé de farfadets, de gnomes, de fées, de lutins… Ils forment d’ailleurs le fondement même de la fantasy et ne cesseront d’évoluer. Cependant, le chapardeur semble être un petit être à part entière et totalement inventé par Mary Norton : il a une allure humaine mais sans pouvoir magique particulier. Le lutin étant lié au foyer, il est certainement la créature la plus proche du chapardeur. Associé à la musique de Cécile Corbel, le monde développé dans Arrietty s’inscrit totalement dans les influences celtiques, d’ailleurs Yonebayashi a dit : « La fantasy est basée sur la culture celtique ».
Les « esprits du foyer » ont aussi une place prépondérante dans la culture japonaise avec les yokai ou encore les koropokkuru, des êtres de la mythologie aïnou, un peuple autochtone du nord du Japon, de croyance animiste où chaque élément de la nature a un kamuy, une sorte d’esprit. Ainsi on peut voir Arrietty comme une sorte de zashiki-warashi, un esprit du foyer symbolisant la pureté et la bonne fortune ou encore Spiller, un autre chapardeur du film, comme un kodama, un yokai vivant dans la forêt. Ces utilisations du folklore japonais ne sont pas évidentes ici mais tout de même possible car récurrentes dans l’œuvre de Miyazaki.
Pour conclure, ce film s’inscrit dans la ligne éditoriale des films Ghibli qui nous invitent à nous questionner sur la société dans laquelle on vit et sur ses diverses problématiques. Ici, l’univers anglais des livres est transposé dans une ville japonaise dans les années 2000, soit une époque contemporaine aux spectateurs au moment de sa sortie, dans le contexte de la crise de 2008. Miyazaki et Yonebayashi nous invitent à réfléchir ainsi : « L’ère de la consommation de masse approche de sa fin. Nous sommes dans une très mauvaise situation économique et l’idée d’emprunter plutôt que d’acheter illustre parfaitement la direction générale que prennent les choses. » Je vous laisse sur cette réflexion !
Raphaëlle Billerot–Mauduit
Sources :
TARDY, Jean-Mickaël, TURCOT, Laurent : L’Histoire nous le dira n° 233 : Arrietty : le monde secret, novembre 2022. URL : https://www.youtube.com/watch?v=5BcFAWYQYcI
France culture, Hayao Miyazaki, génie de l’animation, 2020. URL : https://www.radiofrance.fr/franceculture/hayao-miyazaki-genie-de-l-animation-8044058
Hommage au Studio Ghibli, les artisans du rêve. Editions Ynnis. 2022, 154p.
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