De l’animation chinoise : La Bénédiction de l’officier céleste

La Bénédiction de l’Officier céleste ou pourquoi l’animation chinoise mériterait d’être plus connue et appréciée

 

Vous connaissez probablement l’animation japonaise par les films du studio Ghibli ou les séries de centaines d’épisodes maintenant disponible sur des plateformes de streaming comme Netflix, pour ne citer que Naruto, HunterxHunter, L’attaque des Titans et One Piece. En revanche je doute que vous soyez familiers avec ce que l’on appelle le donghua, l’animation chinoise produite en Chine. Beaucoup plus confidentielle et moins exportée, elle mérite pourtant toute votre attention et je souhaite vous en convaincre en prenant pour exemple La Bénédiction de l’officier céleste, désormais disponible sur Netflix. Ceci n’est pas un article pour dénigrer ou même comparer les deux types d’animation (chinoise et japonaise) mais simplement attirer votre regard d’intéressé de l’animation vers d’autres horizons. 

 

La découverte d’une culture… :

L’animation chinoise cherche à mettre en avant sa culture et l’histoire de son pays. Ainsi de nombreuses séries prennent place dans une Chine ancienne plus ou moins historique, comme pour les dessins animés Disney dans un univers de conte de fées pseudo médiéval. C’est souvent l’époque de la dynastie des Han qui est prise comme jalon chronologique, étant une des plus longues et importantes dynasties de l’histoire de la Chine ancienne. Des concepts comme la piété filiale, le respect des anciens, l’importance du contrôle de ses émotions ainsi que d’une attitude mesurée et digne sont mis en avant et régissent les relations entre les personnages, créant des échanges intéressants pour des personnes occidentales peu habituées à ce mode de pensée et de vie. 

Cependant c’est aussi toute une expérience esthétique qui s’offre au regard du spectateur, la découverte visuelle de la culture chinoise. Rien n’est laissé au hasard. Les architectures de bois des maisons, palais et temples, les costumes traditionnels, les armures sont des traductions directes de ce que l’on peut trouver dans les musées ou les livres d’histoire de l’art aujourd’hui. Pour les plus connaisseurs ou les élèves assidus des cours de Mme Journet en première et deuxième année à l’Ecole du Louvre, un masque taotie ou des formes de vaisselles rituelles antiques apparaîtront peut-être au détour d’une séquence d’animation… 

 

… Et d’un univers foisonnant et mystérieux : 

Pour nous pencher plus en détails sur la série d’animation La Bénédiction de l’Officier céleste, il s’agit d’une seule saison réalisée en 2020 de onze épisodes (le premier a été coupé en deux sur Netflix) et d’un épisode bonus d’environ une vingtaine de minutes chacun. Cette première saison devrait normalement être suivie de nombreuses autres car elle ne couvre que la première moitié du premier des cinq romans écrits par l’auteur Mo Xiang Tong Xiu. 

La série fait partie du genre « xianxia » en animation comme en littérature ou autres médias culturels. C’est un genre de fantasy chinoise où se mêlent des influences de la mythologie et de la religion taoïste, les arts martiaux ou même la médecine traditionnelle. Souvent les personnages sont des cultivateurs, c’est-à-dire qu’ils cultivent la voie du « tao » avec de la méditation et des exercices physiques et mentaux, pour obtenir des pouvoirs magiques, de la force et une plus grande longévité, pouvant les amener à devenir des immortels et des dieux. Ce monde de cultivation fait également intervenir des fantômes et des monstres tirés de la tradition populaire chinoise. Ce genre se développe pendant la période de la République de Chine entre 1912 et 1949 et le roman qui a donné sa popularité au genre se nomme La légende des épéistes des montagnes de Shu

Dans cette série, nous suivons le parcours de Xie Lian, un prince déchu d’un très ancien royaume. Grand cultivateur épéiste accompli dans sa jeunesse princière, il monta au ciel en tant que dieu après avoir tué un démon menaçant son peuple. Mais peu de temps après, une épidémie s’abattit sur son royaume et désespéré d’aider, il redescendit parmi les mortels mais échoua à les sauver. Il fut banni du ciel par l’empereur des cieux et erra pendant huit cents ans, devenant la risée des autres dieux et un dieu porte-malheur oublié pour les mortels, jusqu’à ce qu’il monte au ciel une nouvelle fois où la série débute. Xie Lian va résoudre certaines enquêtes pour les cieux et rencontrer une étrange personne qui semble lui accorder beaucoup d’attention… 

 

Xie Lian – Crédit : @retired_peach sur Instagram

Le monde de Xie Lian est divisé en trois parties. Le monde des cieux où résident les dieux (anciens cultivateurs qui sont montés) est dirigé par l’empereur martial Jun Wu. Il y a des dieux martiaux qui s’occupent des affaires « physiques » dirons-nous. Ils étaient d’anciens combattants dans leur vie de mortel, à l’instar de Xie Lian. Ensuite on trouve aussi des dieux appelés « maîtres élémentaires » (pluie, vent, eau, feu, terre, tonnerre). Un seul dieu occupe un élément tout comme les dieux martiaux s’occupent d’une région en particulier. Et enfin il existe aussi les dieux civils représentés principalement dans cette première saison par le personnage de Ling Wen qui gère l’administration des cieux. Les dieux les plus importants et puissants qui administrent un territoire ou un élément ont toute une horde de dieux adjoints pour les aider à traiter toutes les prières qui leur sont adressées. 

Les dieux sont priés par les mortels dans des temples qui leur sont dédiés pour qu’ils leur viennent en aide dans leurs problèmes quotidiens et aident à tuer les fantômes qui peuvent créer des problèmes. Les fantômes sont les opposés des dieux. Un mortel devient un fantôme s’il est tué d’une mort violente ou qu’il détient suffisamment de rancœur en lui pour une raison précise. Il devient lui aussi un être immortel, souvent maléfique car souhaitant se venger de quelque chose ou de quelqu’un. Les dieux les catégorisent selon leur niveau de puissance en quatre catégories : Malicieux, Menaçant, Sauvage, Dévastateur (les plus rares et puissants, il n’en existe que quatre). 

 

Une atmosphère calme : 

Contrairement à d’autres séries d’animation, qu’elles soient japonaises ou chinoises, La Bénédiction de l’Officier céleste dégage une atmosphère calme et méditative tout au long de ses douze épisodes. Il y a bien évidemment de très beaux passages de combats et de tensions entre les personnages, cependant la série prend le temps de respirer et de nous faire apprécier les paysages, l’atmosphère épurée et éthérée de la vie dans les cieux et la vie simple de Xie Lian lorsqu’il vit parmi les mortels. 

Les personnages s’expriment le plus souvent calmement, la maîtrise de soi étant une qualité indispensable pour un cultivateur et un dieu. Ce sont donc souvent les fantômes pleins de rancune qui crient et s’énervent. Le mandarin étant également une langue chantante et fluide dans ses consonances, l’écoute de la série est la plupart du temps très agréable.

La nature et la vie simple sont mises en avant dans cette série car Xie Lian, après avoir vécu dans la misère pendant huit cents ans, est une personne humble et minimaliste. C’est pour cela que c’est une série parfaite pour prendre le temps de respirer dans nos vies à cent à l’heure et prendre le temps d’apprécier la chute d’une feuille d’automne ou un papillon argenté voletant sous nos yeux. Ce donghua a vraiment des moments d’animation d’une grande poésie servis par une très belle animation.  

 

Une magnifique musique : 

Pour accompagner la qualité de l’animation et l’ambiance calme et méditative de cette série d’animation, la musique est incroyablement belle et s’adapte très bien aux scènes. Rien que la chanson du générique d’ouverture promet une belle découverte. Et pour tous ceux qui ne parlent pas mandarin vous pouvez chercher les paroles des quatre chansons de la série car leur signification est très poétique et ajoute du sens à la scène (mais ce n’est pas non plus décisif si vous décidez simplement de vous laisser porter par l’histoire). 

Ici est inséré un lien vers une playlist YouTube avec les musiques de fond de la série pour que vous puissiez aller les écouter et peut-être vous donner envie d’ouvrir Netflix et de dévorer ce donghua. C’est également une très bonne playlist pour travailler.  

https://www.youtube.com/playlist?list=PLtRu8HVvVheFcp82TbhWJ0qsti8WZUbwh

 

Des points faibles : 

Ils sont principalement liés à la différence culturelle qui crée des incompréhensions. Certaines choses sont induites pour les chinois qui regardent l’animation, que ce soit des éléments culturels comme certaines réactions des personnages ou bien des mots en mandarin qui, pour nous, ne veulent rien dire. 

J’ai, par exemple, mis du temps avant de comprendre qui sont tous les personnages car les dieux ont deux noms, leur nom de mortel et leur nom de divinité. Les anciens amis de Xie Lian lors de sa jeunesse et qui sont montés avec lui aux cieux s’appellent Feng Xin et Mu Qing mais en devenant des dieux, ils se sont faits renommer respectivement Nan Yang et Xuan Zhen. Le dieu Ming Guang est aussi originellement appelé Pei Ming. Je le mentionne car ce sont principalement les trois dieux dont les noms vont alterner d’un dialogue à l’autre. Il faut également savoir qu’en Chine c’est le nom de famille qui vient en premier. « Pei » est donc le nom de famille de Pei Ming (je ne dis pas ça au hasard, ça vous servira si vous regardez la série). 

Enfin de nombreux donghua sont des adaptations de romans chinois, ce qui leur apporte un solide scénario et des personnages à la personnalité travaillée et aux motivations approfondies et complexes. Cependant nous avons vu que pour cette histoire il y avait cinq romans et que cette première saison ne couvrait que la moitié du premier. Il y a donc des choses qui restent inexpliquées à la fin de la saison mais qui sont vouées à être approfondies plus tard. La saison deux devrait d’ailleurs sortir à la fin de l’année 2023. 

 

J’espère vous avoir convaincu d’essayer l’animation chinoise. L’auteur de cette histoire a également écrit deux autres séries de romans également adaptées en animation (dont l’une est de la 3D) mais qui ne sont pas disponibles sur Netflix. D’ailleurs, si vous n’avez pas d’abonnement à la plateforme, le premier épisode de La Bénédiction de l’Officier céleste est disponible gratuitement sur la plateforme de vidéos chinoise Bilibili, qui produit la série. 

Cassandre Bretaudeau 

cassandrebretaudeau

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