TOP 10 des mèmes les plus royaux de l’année 2019 !

Petit bonus du numéro Royal car oui, nous arrivons à notre dernière publication hors-les-pages du numéro 52, le Dauphin de la presse édléienne ! On vous connaît les petits geeks surfant sur les réseaux le soir au lieu de réviser votre HGA ou de reprendre vos TDO ! Oui, oui c’est bien vous que l’on vise et que l’on veut chouchouter avec des cadeaux impériaux de rire, des traits d’humour toute en grâce et majesté ! Nous avons nommé : le Top 10 des mèmes les plus royaux de l’année 2019 !

 

1. Quand on vous dit que la France, c’est la meilleure !

 

Meme 1 de Histoires de France 2.0.jpg

 

2. Agenouille-toi l’Anglois, tout de suite !

 

Meme 11 de Jean-Michel via Histoires de France 2,0.jpg

 

3. *Laurent Haumesser approves*

 

Meme 10 de Johan Romand via NDMH - Memes Historiques.jpg

 

4. Grand classique. Marche aussi avec Marie.

 

Meme 2 dAlexis via Histoire de France 2.0.jpg

 

5. Marchait très bien au collège, un peu moins bien à Rohan (les 2A confirment)

 

Meme 3 d_Enzo via Histoires de France 2.0.jpg

 

6. *Ariane Thomas approves*

 

Meme 4 de Peul via NDMH - Memes Historiques.png

 

7. fera rire (ou pas) les anciens L promo 2015-2016 et 2016-2017. #Pasolini #Sophocle

Meme 5 de NDMH - Memes Historiques.jpg

 

8. Quand ta baignade après le combat contre les hérétiques tourne au drame

 

Meme 6 de Nicolas via NDMH - Memes Historiques.jpg

 

9. Who’s next ?

 

Meme 7 de Mathieu via NDMH - Memes Historiques.jpg

 

10. Lecture fortement conseillée dans la bibliographie de l’article d’@eloisebriand

 

Meme 8 de Paul via NDMH - Memes Historiques.jpg

BONUS – Fonctionne également quand, dans l’amphi, quelqu’un ose dire que « Le Palissy, c’est joli »

Meme 9 de Vincent via Histoires de France 2.0.jpg

 

Le Louvr’Boîte tient à souligner que ces différents mèmes ont été réalisés par les page Facebook Histoires de France 2.0, NDMH – Memes Historiques et avec l’aimable autorisation de Johan Romand.

Comment devenir noble ?

Oyez oyez chers lecteurs du Louvr’Boîte !

bg_monsieur_jourdain-01-720hSi le titre de cet article vous donne quelques impromptus frissons d’envie, qu’il a provoqué chez vous une attention particulière, c’est qu’il y a matière à prendre chez vous. Avouez : n’avez-vous jamais rêvé de devenir chevalier, princesse ou roi quand vous étiez petit? Hein ? Qui n’a jamais rêvé de posséder un château ou de tout simplement pouvoir se pavaner dans les Cours européennes ? Toutes ces fictions qui font illusionner les plus utopiques d’entre nous. Et bien cher lecteur, pour vivre tout cela, il fallait naître des siècles auparavant. Et encore, vous auriez eu plus de chance de voir le jour dans un village au fin fond de la Bretagne à manger de la terre et à mourir à vingt-cinq ans. Mais le monde moderne est merveilleux, à défaut d’avoir inventé la machine à remonter le temps, il a créé toutes sortes de manières pour accéder à la noblesse.

En effet, si autrefois il était compliqué, voire quasiment impossible d’accéder à cette branche si fermée de la société, il existe désormais des façons, somme toute, égales, d’entrer dans ce groupe. Mais rassurez-vous, vous n’avez désormais plus besoin de jouer la comédie et de vous couvrir de ridicule comme Monsieur Jourdain si vous désirez ardemment faire partie de ce cercle fascinant qu’est l’aristocratie.

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Un nouveau « laird » de Glencoe en Écosse

En premier lieu, si vous sentez que sommeille en vous une âme de highlander, je ne peux que vous conseiller d’acheter un petit lopin de terre en Écosse. Pour moins de cinquante euros vous pouvez devenir Lord ou lady de Glencoe. Si c’est pas génial pour pouvoir faire son intéressant(e) en dîners mondains (ou simples soirées cela marche aussi). Mais surtout, comme les quelques 200 000 personnes avant vous, vous pourrez œuvrer pour une louable cause. Effectivement, si vous pouvez pour une modique somme vous prétendre laird, c’est qu’il y a tout un projet derrière. En achetant votre terrain, vous contribuez à sauvegarder la faune et la flore des Highlands. Ainsi, vous irez planter votre tente en tant que noble et en ayant la conviction d’avoir fait une bonne action pour la planète. Vous serez un vaillant chevalier de la forêt millénaire écossaise tout en profitant du paysage splendide. Dame nature vous remerciera, pour sûr !

Néanmoins, si vous vous sentez d’humeur assez peu écologique ou que vous n’aimez simplement pas la météo des Highlands (absolument personne ne vous blâmera, il faut vraiment aimer la pluie et les nuits sans fin pour résider là-bas), vous pouvez toujours vous tourner vers l’Italie. Il y fait meilleur cela va de soi. Pays des pâtes, désormais aliment de prédilection de tout étudiant lambda. Mais revenons-en aux faits : cette fois, il vous faudra sans doute débourser un peu plus que pour les terres des Highlands (donc en tant qu’étudiant on est peut-être moins bien placé). Pour faire bref, vous pouvez acheter des titres comme ceux de comte, duc et autres marquis en toute légalité. Les transferts de ces titres de Noblesse et Féodaux sont faits par des avocats européens expérimentés (rassurant non ? Aucun risque de finir en prison, enfin normalement). Et évidemment ceux-ci sont héritables (c’est mieux n’est-il pas ?). Cela peut être un atout indéniable sur votre CV et, optionnellement, votre égo. Et puis, c’est joli l’Italie, il fait beau, il y a la mer et un énorme patrimoine (l’Écosse aussi me direz-vous et vous n’auriez pas tort).

Sinon… Il vous reste la méthode Megan Markle. Tout est possible, après je ne vous cache pas qu’il faut être un minimum célèbre pour avoir peut-être, probablement, sous certaines conditions, rencontré le prince charmant (ou la princesse cela dépend de vous). Bon… soyons honnête, on ne vit pas dans un film un peu cliché ou dans une chronique Wattpad, cela m’étonnerait que vous ayez une histoire avec un membre d’une quelconque famille royale. MAIS ! Il n’y a pas qu’eux, il existe énormément d’autres familles. C’est pas super éthique mais qui sait ! Vous tomberez peut-être follement amoureux.se d’un individu qui se trouve être noble depuis maintes générations. Il ne vous reste plus qu’à faire jouer votre réseau…

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Pour résumer et enfin conclure, on peut dire que la noblesse est toujours accessible. Que vous soyez fan d’Outlander, des Médicis ou des potins, il y a le choix. Cela n’est pas la mer à boire dans la majorité des cas. Perso j’ai un p’tit coup de cœur pour l’Écosse mais ça c’est parce que j’aime ce pays au-delà du raisonnable. Oui, en dépit du mauvais temps et de leur accent. Je vous laisse sur cette note, vous avez à réfléchir si vous désirez passer le cap.

 

Éloïse Briand

Ces rois et empereurs que vous ne connaissez (probablement) pas !

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Certifié 100% sans fake news. Le genre de roi qui va te donner envie de réaliser un film ou une minisérie de six épisodes sur sa vie 

François II, roi de France

F2.jpgUn peu oublié de tous, François II est pourtant le fils d’Henri II et de Catherine de Médicis, donc petit-fils de François Ier et frère de Charles IX. Il avait tout pour bien réussir : couronné roi à seulement 15 ans, marié à Marie Stuart (oui la Marie Stuart qui a tenu tête à Elisabeth Ière pour défendre son pays, l’Écosse), tout ça sur fond de guerre de religion, mais une santé fragile a eu raison de ce roi au bout d’un an et quatre mois de règne seulement. Au final, c’est comme pour les Disney, le premier est toujours meilleur.

 

Maurice Beniowski, roi de Madagascar

Count_Maurice_de_Benyovszky_2014-04-25_20-20.pngOu comment devenir roi de Madagascar tout en ayant été comte hongrois, colonel français, dirigeant militaire polonais et soldat autrichien. Maurice fait partie de cette noblesse qui au XVIIIe siècle se décide à l’aventure : les siennes vont rester centrées en Europe avant de se diriger vers Madagascar. Mais comment en est-il arrivé là me direz-vous ? Et bien, il faut justement avoir été comte hongrois, colonel français, dirigeant militaire polonais et soldat autrichien. En effet, après son arrivée en France, celle-ci décide de le récompenser pour ne pas qu’il livre des connaissances accumulées après une longue navigation. Il est donc décidé qu’il partira pour Madagascar afin d’y fonder un établissement de traite (normalement là vous devriez commencer à le voir venir). Il s’y rend et s’allie avec des troupes d’indigènes qui le reconnaissent comme roi. Toutefois, après deux ans pépouze, Maurice se fait avoir lorsqu’une commission d’enquête venue de France se rend compte qu’il n’a pas du tout exploré l’île et surtout qu’il s’est mis à dos tous les indigènes qui ne veulent plus échanger avec les étrangers. Bref, il a poussé le bouchon un peu trop loin Maurice.

 

Jean Ier le Posthume, prince de France et de Navarre

1200px-JeanIposthume.jpgBon déjà avec ce nom ça démarre pas super mais Jean a quand même pu régner : quatre (4) jours, de sa naissance à sa mort. Néanmoins, même en ayant vécu et gouverné sur une si courte période, le roi Jean Ier a inspiré des rumeurs vivaces. Première rumeur : son oncle, Philippe V, l’aurait assassiné pour  monter sur le trône. En même temps, Philou a cru toute sa vie pouvoir succéder à son frère puisque celui-ci n’avait pas de descendance mâle, bref il n’avait pas de fils. Ce très beau projet professionnel s’est retrouvé ruiné par la grossesse de la reine Clémence qui n’a accouché qu’après la mort du roi (d’où le surnom du petit Jean d’ailleurs). Deuxième rumeur : il ne serait en fait pas mort et aurait été envoyé en Italie et élevé sous le nom de Gianino Baglioni. Celui-ci (parce que oui il a vraiment existé) a parcouru les cours européenne en prétendant être Jean Ier le Posthume ; même si certains ont pu le croire, personne ne lui a rendu son trône donc l’histoire s’arrête là.

 

Augustín Ier, empereur constitutionnel du Mexique 

Iturbide,_Miranda,_1860.pngIssu de la famille des Iturbides, Augustín naît à Valladolid en 1783. Mais quel rapport avec le Mexique ? Lorsque celui-ci prend son indépendance, les Européens ont considéré qu’aucune famille mexicaine n’était assez noble pour diriger le pays. C’est donc la famille d’Augustín qui prend la place le temps de trouver une solution permanente vu que la couronne espagnole ne proposait rien (en vrai ils croyaient juste pouvoir reconquérir la colonie). Face à tout ça, les conseillers de Gusgus lui ont vaguement soufflé à l’oreille de faire une Napoléon (en gros, se faire empereur soi-même sans que personne n’ait rien demandé). Face aux tensions, il choisira finalement d’abdiquer plutôt que de se faire renverser. Toutefois, l’histoire ne s’arrête pas là car il tentera de revenir mais sera capturé et fusillé. Morale : who does the malin falls in the ravin.

 

Jovienempereur de Rome

33670_jovien-silique-nicomedie-ric-127-avers.jpgAyant vécu au IVe siècle de notre ère, Jovien est un empereur romain en apparence banal. Peu connu, il n’a en effet régné que sept mois et vingt-et-un jours. On imagine tout de suite l’assassinat politique, l’attaque terrible, la bataille épique. Rien de tout ça pour Jo qui trouve la mort dans sa tente. Celle-ci porte à débat (la mort pas la tente), il serait soit décédé asphyxié par un brasero dans sa tente (déjà c’est pas glorieux), soit d’une indigestion, soit d’une intoxication aux champignons vénéneux. Dans tous les cas, il n’était pas doué pour le camping. PS : en cette saison des champignons, n’oubliez pas d’aller voir votre pharmacien en cas de doute sur la comestibilité d’un champignon (normalement ils ont des dépliants pour vous aider à reconnaître ceux comestibles).

 

 

ffc2bcb91ff30bb05885248634943019.jpgTyfenn Le Roux, votre dénicheuse des oubliés couronnés anonymes

Ek°Phra°Sis – Murmures de gloire…

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Le roi David jouant de la harpe, Anton Kern, début du XVIIIème siècle, Musée des Beaux-Arts de Budapest

Tendez l’oreille… À pas de velours délicat ou à coups de sabots glorieux, les souverains aiment les odes visuelles autant que sonores les concernant. Preuve en est, si je vous donne n’importe quel nom de roi, prenons Louis XIV par exemple, je suis persuadée que les premières choses qui s’imposent alors à votre esprit sont le portrait de sacre par Hyacinthe Rigaud ou bien des musiques comme La Marche des Turcs de Lully ou encore le prélude du Te Deum de Charpentier (écoutez ces morceaux en vous rendant à votre prochaine remise de diplôme : vous vous sentirez pousser des ailes de magnificence). La propagande et l’art de cour est partout : elle est le fil commun qui relie tous les monarques à travers les âges et les continents. Tout doit être mis en œuvre pour glorifier la personnalité couronnée. Rien n’est jamais trop beau pour eux.

Pour cette première Ek°Phra°Sis de l’année, je ne peux m’empêcher de vous emmener écouter la musique, poétique cette fois-ci, qui a accompagné certains de mes souverains favoris. Pour les lecteurs ne connaissant pas encore ce principe, le but est de créer une synesthésie de la vue et de l’ouïe en les confondant toutes deux. Ut pictura poesis. « La peinture est une poésie muette et la poésie une peinture qui parle » : Horace est le maître spirituel de cette rubrique. Dorure, apostrophe, exclamation et grâce pour les rois !

Avec un numéro Royal, comment ne pas parler du « Prince des Poètes », surnom donné à Pierre de Ronsard ? Entre 1550 et 1552, il écrit un très beau recueil de poèmes à la gloire de la dynastie des Valois, intitulé Odes. Pour chaque événement marquant de la cour d’Henri II, le fils de François Ier, il ne manque pas de rédiger un poème en l’honneur de ses protecteurs. Il faut dire qu’entre les Valois et Ronsard, c’est une histoire très intime, presque fraternelle, puisque le jeune Pierre devient page du Dauphin alors qu’il n’a que douze ans. En 1542, alors frappé de surdité, il décide de s’épanouir en écrivant de la poésie pour laquelle il a beaucoup d’ambition : il souhaite qu’elle contribue entièrement, au même titre que l’architecture renaissante en plein essor, à magnifier la figure royale. Il aura ainsi ces mots : « Je te veux bâtir une ode, / La maçonnant à la mode / De tes palais honorés ». Il aime tellement son roi qu’il vient à peine d’être lui-même couronné par l’Académie des Jeux floraux de Toulouse en recevant une Minerve en argent massif d’une grande valeur, qu’il s’empresse déjà d’offrir celle-ci à Henri II. Sous sa plume, toute la famille royale est portée aux nues : Catherine de Médicis, François II, Charles IX, Henri III, la princesse Marguerite et la jeune reine d’Écosse Marie Stuart (mariée à François II). Chaque bataille gagnée est également un prétexte pour déposer des lauriers sur la tête souveraine. Ainsi, quand Boulogne-sur-Mer est reprise aux perfides mains anglaises en 1544, Ronsard s’adresse directement à Henri, encore prince alors, ainsi : « Quand entrent les Césars j’aperçois ton image / Découvrant tout le front de lauriers revêtu, / Voyez ce, dis-je alors, combien peut la vertu / Qui fait d’un jeune roi un César avant l’âge ». Or,

Henri II par François Clouet, 1559, huile sur bois, Musée du Louvre - Wikimedia Commons

Henri II par François Clouet, 1559, huile sur bois, Musée du Louvre – Wikimedia Commons

Pierre va encore plus loin quelques années plus tard en rédigeant sa Franciade, restée inachevée. Véritable œuvre à la gloire des Valois, elle conte leur légendaire ascendance avec Francus, fils d’Hector. L’ouvrage devait compter vingt-quatre chants mais la mort de Charles IX stoppa le projet de Ronsard qui, découragé par le décès d’un souverain qu’il avait énormément aimé, se retira au prieuré de Saint-Cosme. Les peintres aussi avaient à cœur de rendre hommage à Henri II. François Clouet livre ainsi en 1559 un beau portrait d’Henri II, conservé au Louvre. Loin des portraits pimpants de sacre dans le reste de l’Europe, le Tourangeau livre ici sur un portrait où le visage du roi éclaire le fond. Le regard soutenu, autoritaire dans une attitude calme et stable montre le souverain dans toute sa superbe. Le choix d’un cadrage serré avec un fond uni est un clin d’œil au grand portraitiste Holbein. Toutefois, cachée derrière cette simplicité de mise en scène, Clouet insiste sur la richesse des habits du roi : plumes vaporeuses, soieries et passementeries du col, collier aux pierres raffinées… Tout est présent pour faire vibrer sur le panneau de bois la splendeur du roi. Cette formule originale instaurée par Clouet a d’ailleurs un grand succès de propagande puisqu’il va être très copié. On compte plus d’une cinquantaine de cet original de par l’Europe : au palais Pitti à Florence, au château de Chantilly en France.

Toutefois, avec le temps, les souverains vont aussi être représentés dans leurs moments les plus sombres, bien malgré eux… Cependant, certains artistes vont rendre ces visions sublimes au sens étymologique du terme (latin sublimis = « qui va en s’élevant »). La grandeur d’âme et la noblesse n’en sont alors que plus exacerbées. Prenons le cas de Napoléon Ier, malheureux exilé de Sainte-Hélène, à la fin de sa vie… Évincé du pouvoir, il est contraint de rester injustement sur une île loin des Français qu’il a tant aimés (il a eu ses travers, comme tout Homme, mais cela n’enlève rien à l’indéniable et profonde affection qui était sienne pour notre pays). Pierre-Antoine Lebrun va même jusqu’à déclarer en 1844 que Napoléon est « la muse la plus féconde des poètes » ! Lamartine ne déroge pas à ce constat, même si avec le temps est-il devenu un républicain convaincu. En effet, dans sa jeunesse, il a été un grand admirateur de cet homme quasi légendaire. Dans un poème de 1823 intitulé « Bonaparte » (recueil Nouvelles Méditations Poétiques), il imagine ce que peut ressentir l’Empereur en errant seul sur les hauts promontoires rocheux de Sainte-Hélène. En voici un court extrait qui, à la lecture, permet immédiatement d’imaginer une scène très vivante :

« Tel qu’un pasteur debout sur la rive profonde
Voit son ombre de loin se prolonger sur l’onde
Et du fleuve orageux suivre en flottant le cours ;
Tel du sommet désert de ta grandeur suprême,
Dans l’ombre du passé te recherchant toi-même,
Tu rappelais tes anciens jours !

Ils passaient devant toi comme des flots sublimes
Dont l’œil voit sur les mers étinceler les cimes,
Ton oreille écoutait leur bruit harmonieux !
Et, d’un reflet de gloire éclairant ton visage,
Chaque flot t’apportait une brillante image
Que tu suivais longtemps des yeux ! »

Napoléon à Sainte Hélène, gravure de Pierre-Eugène Aubert, 1840, eau-forte et burin, BNF - Photo personnelle

Napoléon à Sainte Hélène, gravure de Pierre-Eugène Aubert, 1840, eau-forte et burin, BNF – Photo personnelle

Les Romantiques se sont bien évidemment emparés également de la légende. Le destin tragique – mais ô combien vibrant de gloire – du général Bonaparte en fait un sujet idéal. Ainsi, Pierre-Eugène Aubert livre en 1840 sa vision de l’Empereur déchu sur l’île de son exil. Sur une estampe au burin et à l’eau-forte dont le tirage original est conservé à la Bibliothèque Nationale de France, l’artiste met en scène debout, le regard baissé vers les flots tumultueux qui lèchent les roches acérées du promontoire, Napoléon Bonaparte, le bicorne abandonné au sol et la redingote volant dans les airs sous un fort vent. Le paysage état d’âme est très net ici, avec un souverain déchiré mais encore debout, qui se détache sur une partie de ciel éclaircie dont la lumière le baigne, contrairement aux éléments minéraux et aqueux qui se déchaînent dans une violence inouïe. Cette branche d’arbre qui qui s’accroche, qui lutte au premier plan à droite n’est-elle d’ailleurs pas un écho de l’Empereur ? Toutefois, elle appartient déjà à un tronc complètement desséché : doit-on y voir le symbole proleptique de la mort prochaine du général ? Ce dernier aura d’ailleurs ces mots sur son lit d’agonie : « Quand je serai mort […] vous reverrez, les uns vos parents, les autres vos amis, et moi je retrouverai mes braves aux Champs Élysées »

Comment conclure autrement notre royal Ek°Phra°Sis si ce n’est par le modèle recherché de Napoléon, pas un empereur mais bien un roi conquérant qui était parti à l’assaut du monde antique ? Alexandre le Grand, qui va inspirer de nombreux poètes et peintres pour représenter à travers le temps des souverains sous ses traits, est la cerise sur la couronne pour cet article. Voici une nouvelle proposition d’ekphrasis, basée sur le très beau portrait en clair-obscur d’Alexandre dans l’armure d’Athéna peint par Rembrandt en 1659 (exposé au musée Gulbenkian au Portugal, certains Historiens de l’Art y voient plutôt directement la déesse mais aucune théorie ne peut être confirmée par les archives). Quoi de mieux que des alexandrins pour cela ?

 

Alexandre le Grand, par Rembrandt, 1655 - Licence CC Creative Commons

Alexandre le Grand, par Rembrandt, 1655 – Licence CC Creative Commons

Ô léonin regard aux feux impérieux
Les lauriers du monde à tes pieds te saluent !
De la Perse à l’Indus, noble épée vers les nues
D’un futur glorieux, entends le regard des dieux !

À tes cuivreuses boucles s’épingle un sourire,
Celui d’une Roxane que mon âme honnit.
Ne puis-je, Grand Roi, avoir ton cœur par ma lyre ?
Ou dois-je toujours loin de tes preux pas mourir ?

Si ta phalange peint l’appel de ton destin
Si tes peintres défendent l’Apelle à ta gloire,
Sois le Soleil chassant le soir, clarté demain !

 

Laureen Gressé-Denois, Anastolé, 23 octobre 2019