Voyage symbolique entre ombre mystique et lumière numérique
Complexe est le chat. Tantôt attachant et exaspérant, tantôt serein et distrayant, mais parfois angoissant et mystérieux, cette petite boule de poils à la fourrure si douce incarne à la fois une figure familière et insaisissable qui ne cesse de fasciner les artistes de tous les âges, de toutes les époques et de tous les styles. En effet, les humains s’adonnent quotidiennement à la représentation graphique de leur environnement physique, mais également à celle de leurs croyances et de leurs mythes. Personnage du quotidien, le chat s’observe dans tous ces aspects de la vie de l’homme et les œuvres qui le figurent manifestent cette connexion entre l’homme et son environnement. L’intérêt pour le félin, traduit par ses nombreuses effigies, pourrait refléter les qualités que l’homme aspire à posséder.
Ainsi, le chat avec sa nature mystérieuse et énigmatique, sa robe élégante, son extrême indépendance, sa malveillance sporadique et son intelligence patiente peut en fasciner et en questionner un bon nombre. Il devient alors divinité, symbole mystique, voire diabolique ou encore simple compagnon domestique. Il inspire et se dresse comme un témoin silencieux de l’évolution des sensibilités artistiques. De l’Égypte antique à l’art contemporain, le chat, bien malgré lui, se charge en symboles. Quoi de mieux que cette saison automnale annuellement emplie de récits surnaturels pour explorer et interroger l’évolution des représentations de cette icône du mystère à travers les âges et les médiums de l’art.
Le chat, de créature sacrée à figure ambivalente aux origines antiques et mythologiques
Il y a environ deux mille ans avant notre ère en Égypte, les chats étaient vénérés. Considérés comme des créatures sacrées, ils ont été domestiqués et parés des rôles de gardiens, guides spirituels et protecteurs de l’âme du défunt dans l’au-delà.
Associés principalement à la déesse Bastet, symbole de féminité, beauté, fertilité et maternité, certaines représentations les associent toutefois au dieu Ré, divinité solaire. En effet, leurs yeux réfléchissant dans la nuit symbolisaient la lumière de Ré tandis que leurs talents de chasseurs contre les serpents et les rongeurs faisaient d’eux les alliés appropriés contre Apophis, le serpent incarnant le mal.
Le culte de ces dieux égyptiens se manifeste par la momification de ces félins, preuve de la haute estime que les Égyptiens leur portaient, puisqu’ils bénéficient des mêmes soins funéraires que les humains. Les effigies retrouvées, comme les statuettes de bronze figurant des chattes assises sur leur postérieur, les pattes droites dans une posture élégante, leurs yeux perçants en amande, les oreilles dressées, portant un collier, témoignent d’une esthétique raffinée et d’une grande précision naturaliste.
La plus connue de ces œuvres est le Chat Gayer-Anderson, datant de la Basse-Epoque autour de 600 av. J.-C, associé à Bastet et exposé au British Museum.
La figure du chat apparaît également sur des statuettes en faïence, des amulettes, des alabastres, mais aussi sur des stèles et des fresques funéraires, située sous la chaise de son ou sa maîtresse, soulignant leur rôle protecteur dans l’au-delà.
Cependant, au fil du temps et avec l’évolution des civilisations, l’image sacrée du chat issue de cette déification égyptienne s’estompe. Les Grecs, par exemple, ne le représentent que peu et arborent une vision plutôt négative l’associant à la chasse aux oiseaux et à la débauche sexuelle. La civilisation romaine ne le représente que par association avec la déesse de la chasse et de la liberté, Diane.
Dans la mythologie celte, le chat conserve une dimension mystique, mais est perçu de manière ambivalente. Le Cat Sidhe, un grand chat noir, qui serait en réalité une sorcière ayant la capacité de se métamorphoser neuf fois en félin, était craint pour sa capacité supposée à voler les âmes des défunts avant que les dieux n’aient le temps de les emporter. Suivant cette croyance, les Celtes avaient pris l’habitude de veiller sur leurs défunts pour repousser tout chat qui s’en approcherait.
Dans la mythologie chinoise, le chat est lié au mythe de la création du monde. En premier lieu, chargé par les dieux de contrôler la création de la terre, il aurait préféré jouer et dormir ; les dieux se seraient alors tournés vers les humains, leur accordant la parole. Le chat aurait alors dans un second temps hérité de la tâche de surveiller le temps et de contrôler le mouvement du soleil. L’Esprit-chat est un autre mythe suivant lequel le chat, notamment le chat noir, détient le pouvoir de réveiller les morts.
Au Japon, dès l’ère Kamakura vers le XIIIe siècle, un folklore se développe autour des Nekomata, des « chats à la queue fourchue ». Ce seraient de larges créatures, maléfiques, se nourrissant de chair humaine.
La mythologie nordique en revanche, appréhende le chat de manière plus positive. Le chat est associé à Freyja, la déesse guerrière de la féminité, de l’amour et de la magie. Elle est souvent représentée debout sur un char tiré par des chats colossaux lui permettant de traverser les cieux.
Ainsi, le chat intègre de nombreux récits tournant majoritairement autour du divin au début des civilisations.
Le chat, animal maléfique des temps médiévaux
Le Moyen Âge en Europe marque une rupture radicale dans l’image du chat. Sous l’influence du christianisme, le chat est perçu comme l’incarnation du mal. Le pape Grégoire IX dans une bulle papale, Vox in Rama, de 1233, fait de lui le symbole de Satan, du monde de l’occulte, le propagateur de la Peste et le fidèle familier des sorcières, voire la sorcière elle-même du fait de ses activités nocturnes. Le chat noir, tout particulièrement, est destiné au bûcher ; cette couleur symbolisant les ténèbres, la mort, la malchance et le diable. Ironiquement, alors que les chats aidaient à contrôler les populations de rats porteurs de la peste, ils étaient accusés de propager cette même maladie.
De plus, l’iconographie chrétienne accentue encore cette vision négative en l’associant à la tentation et à la féminité perverse. Les manuscrits enluminés, les bas-reliefs des cathédrales gothiques et les scènes des triptyques chrétiens représentent le chat comme une créature monstrueuse, rusée et maléfique, opposée à l’ordre divin.
Dans le célèbre Bestiaire d’Ashmole, conservé à la Bibliothèque Bodléienne d’Oxford, le chat est décrit comme indépendant et traître, des qualités jugées incompatibles avec l’imaginaire chrétien de l’époque qui prône la soumission à Dieu.
Alors que le Moyen Âge plonge le chat dans les ténèbres symboliques, l’associant à Satan et à la sorcellerie, un lent processus de réhabilitation s’amorce avec l’arrivée de la Renaissance.
Le chat, animal à la popularité réhabilitée à partir de la Renaissance
La Renaissance permet à l’image du chat de connaître un renouveau progressif. La pensée humaniste, une curiosité scientifique accrue et l’intérêt croissant pour la nature ouvrent la voie à une redécouverte du félin, cette fois-ci sous un jour plus favorable avec une reconnaissance pour ses compétences de chasseur. Le félin apparaît dans les intérieurs bourgeois comme compagnon domestique et objet d’affection.
Les artistes commencent à étudier l’animal avec un regard plus objectif. Léonard de Vinci glisse dans ses carnets d’étude quelques esquisses du félin, observant son agilité et la fluidité de ses mouvements. Véronèse dans les Noces de Cana conservé au musée du Louvre place un chat joueur au premier plan se rapprochant alors d’une représentation picturale plus réaliste de l’animal.
Au XVIIe siècle, le chat acquiert un rôle dans les natures mortes et les scènes de genre. Souvent représenté en interaction avec des éléments symboliques, il joue avec des proies ou des objets du quotidien, illustrant ainsi la domesticité et la fragilité de la vie. Parfois, il devient même un moyen de critique sociale.
Dans le tableau Salon de coiffure avec singes et chats de 1648 conservé au Kunsthistorisches Museum à Vienne, Abraham Teniers utilise des animaux anthropomorphiques pour critiquer la vanité humaine : les singes, à la manière des hommes, coiffent des chats ; ces derniers, au pelage strié, assis nonchalamment, s’observent avec vanité dans un miroir, évoquant ainsi la frivolité humaine.
Le chat, compagnon élégant de l’âme dans l’art moderne
L’époque moderne voit un changement radical dans la perception artistique du chat. Ses représentations sont multipliées, notamment celles du chat noir, qui conservent cette ambivalence entre douceur domestique et mystère occulte. Plus qu’un simple objet esthétique, le chat devient un reflet des relations intimes entre l’artiste et l’animal, un miroir des émotions. Réintégrant les foyers, surtout bourgeois, pour ses qualités de chasseur, le chat est parallèlement perçu comme un moyen de développer l’instinct maternel des jeunes filles et devient ainsi un sujet récurrent dans les compositions modernes.
En effet, les portraits de jeunes filles tenant des chats dans leurs bras fleurissent dans les carnets de commandes des peintres, comme en témoigne l’œuvre Julie Manet ou L’Enfant au chat de Pierre-Auguste Renoir de 1887, exposée au musée d’Orsay à Paris. Renoir usant de lignes courbes sur les silhouettes, de couleurs claires et de tons rosés dans l’arrière-plan associe alors la douceur féminine et enfantine de la fille de Berthe Morisot et d’Eugène Manet à celle du petit félin.
Si le chat incarne ici un symbole de tendresse et une évocation astucieuse de l’éducation féminine de l’époque, il peut également impliquer une double symbolique et être ainsi une référence subtile à la revendication de liberté et d’indépendance féminine. C’est par ailleurs l’interprétation que l’on retient de la présence du chat noir aux pieds de la courtisane nue dans Olympia d’Edouard Manet en 1863, celui-ci symbolisant la sensualité, la liberté et la provocation.
La popularité du chat à cette époque va encore plus loin lorsque des artistes parviennent à le placer au rang de sujet unique et principal de compositions artistiques. La peintre animalière Henriette Ronner-Knip, une des premières à leur accorder autant d’attention, consacre plusieurs de ses toiles au félin, le libérant de toute connotation symbolique ou morale. Seules ses émotions transparaissent. Son tableau Contentement de 1900 illustre ainsi parfaitement la tendance avec une chatte à la robe isabelle allongée sur un tissu vert et entourée de ses chatons. Les détails minutieux et l’expression tendre de leur regard capturent une scène d’affection, suscitant l’empathie du spectateur.
Un autre exemple illustrant parfaitement l’engouement que génère le chat mérite d’être évoqué ; il s’agit du tableau Les amours de ma femme de 1891 de Carl Kahler. Commandée par une riche Américaine pour immortaliser ses nombreux compagnons, la toile est monumentale, mesurant 1,8 m de haut par 2,6 m de large. L’œuvre offre un réalisme saisissant, chaque robe et fourrure est fidèlement représentée, les postures des chats capturent des moments familiers que les chats arborent encore aujourd’hui dans nos salons : l’un fait ses griffes sur un tissu, d’autres ronronnent paisiblement côte à côte tandis que quelques-uns sont intrigués par un papillon et que d’autres se prélassent sur les banquettes.
Ainsi, l’image du chat dans l’art moderne s’émancipe des symboles anciens qu’ils soient divins, malchanceux ou diaboliques. De compagnon domestique à symbole d’indépendance, le chat acquiert une place privilégiée dans l’imaginaire artistique et social.
Le chat, icône populaire et ambiguë de l’ère contemporaine
Au XXe siècle, le chat devient un véritable caméléon culturel, endossant des rôles variés à travers d’innombrables représentations. Les artistes puisent dans les figurations anciennes tout en créant de nouvelles symboliques. C’est notamment le grand retour des récits de sorcières où celles-ci se métamorphosent en chat.
En 1920, Arthur Rackham réalise Le jour où elle s’est transformée en chat, inspiré à la fois des estampes japonaises et de l’illustration européenne. Il y dépeint de manière frontale et hiératique, un chat noir à l’air maussade perché sur une branche lui donnant via cette posture et expression une dimension surnaturelle, voire une connotation maléfique.
Le chat devient également un symbole de solitude et de tranquillité, tout en continuant d’apparaître dans des portraits comme compagnon domestique. Un exemple célèbre est Mr and Mrs Clark and Percy (1971) de David Hockney, exposé au Tate Modern à Londres. Cette œuvre, représentant un couple marié, renouvelle le genre en inversant les rôles traditionnels : l’homme est assis, la femme debout. Le chat, au centre de la composition, peut symboliser à la fois la liberté et la luxure, ajoutant une touche d’ambiguïté à la scène. Cependant, la peinture n’est pas le seul médium à faire du chat un compagnon emblématique.
Les contes, les affiches ainsi que les arts visuels, notamment les dessins animés, les films et les séries, reprennent ce motif, le transformant en une icône intemporelle de la culture populaire oscillant entre le bien et le mal. Un exemple incontournable de cette popularité est la mythique lithographie Prochainement Tournée du Chat noir de Rodolphe Salis (1896) de Théophile Steinlen, devenue l’emblème de Montmartre. Steinlen figure un chat noir au regard perçant reprenant ainsi ce symbolisme du félin espiègle et insaisissable pour incarner à la fois l’esprit bohème et l’aura mystérieuse et subversive du lieu, Le Chat Noir. De cet espace alternatif, d’expérimentation et d’anti-académisme fréquenté par les figures emblématiques de Camille Pissarro, Paul Verlaine, Erik Satie, Maupassant et bien d’autres encore se dessine l’esprit chatnoiresque.
Dans les livres pour enfants, contes, séries et films, le chat est souvent un compagnon fidèle, voire même une figure centrale de la narration. Parfois, la présence d’un chat noir éveille des soupçons sur son propriétaire, laissant entendre que celui-ci pourrait être une sorcière ou que l’animal lui-même possède des pouvoirs surnaturels.
On peut ainsi évoquer Salem, chat noir parlant au ton sarcastique, autrefois un sorcier de la série Sabrina l’apprentie sorcière ou Patterond, chat roux protecteur de Hermione dans la saga Harry Potter ou encore le chat noir du film Coraline de Neil Gaiman qui, doté d’une intelligence, agit comme contrepoids aux forces maléfiques cherchant à piéger l’héroïne, guide la jeune fille dans un univers parallèle. Dans Le Chat Potté (2011) des studios d’animation Dreamworks, adaptant l’histoire du Chat Botté de Charles Perrault, le félin devient un personnage à part entière. Doté d’un esprit aventureux et malicieux, incarnant des qualités stéréotypées du chat comme l’agilité, la ruse et l’indépendance, son rôle ambivalent permet à Perrault de jouer sur les frontières entre le bien et le mal, faisant du chat un personnage espiègle et stratège.
Dans le monde de l’animation, le chat trouve aussi diverses représentations. Il y a, originellement, Félix le Chat, une icône muette animée créée en 1919, puis Julius, un chat noir créé en 1922 par Walt Disney. C’est le premier animal anthropomorphe développé par Disney, bien avant Mickey Mouse.
Mais celui dont des générations se souviennent reste Tom de Tom et Jerry, créé en 1940, qui poursuit sans relâche la souris Jerry devenant l’emblème du slapstick, genre cinématographique humoristique basé sur des actions physiques très exagérées, parfois absurdes et des gags visuels.
Toujours dans l’univers Disney, il n’est pas dur de se souvenir de Lucifer dans Cendrillon (1950) comme l’allié machiavélique de la marâtre ; malicieux et paresseux, il sème le chaos, harcèle les souris et s’oppose aux efforts de Cendrillon. On retrouve le même schéma narratif pour les chats siamois Si et Am dans La Belle et le Clochard (1955).
Pour contrebalancer son symbole d’antagoniste, Disney consacre des films à des chats plus sympathiques. Dans Les Aristochats (1970), Duchesse et ses trois chatons sont des héros attachants, charismatiques et individualisés. Thomas O’Malley, chat de gouttière au grand cœur, incarne l’archétype du bon vivant indépendant, devenant un père adoptif aimant pour les chatons. Chafouin, chat mystérieux d’Alice au pays des merveilles (1951), marque aussi l’histoire d’animation en tant que personnage loufoque capable de disparaître et réapparaître, guidant Alice avec des conseils ambigus, renforçant l’image du chat comme une créature insaisissable.
L’animation fait ainsi du chat un personnage clé, lui donnant des rôles ambivalents : parfois dépeint comme fidèle compagnon, figure héroïque, il est souvent plein d’humour et d’espièglerie ; cependant sa représentation la plus fréquente reste celle d’un félin antagoniste sournois et manipulateur, renforçant l’ambiguïté culturelle de cet animal dans l’imaginaire collectif.
Le chat, une lumière numérique divertissante au XXIe siècle
Le XXIe siècle, siècle de l’hyper-connexion et de la saturation d’images en tout genre, emploie abondamment la figure du chat et permet ainsi de la revisiter. Entre la reproduction de masse, le développement de nouvelles techniques de création et l’utilisation de nouveaux supports artistiques, le motif du chat se déploie et les artistes expérimentent.
On peut ainsi observer l’œuvre Ink (2015) de Endre Penovác qui, pratiquant la peinture à l’encre, parvient grâce à quelques coups de pinceau et une utilisation habile du papier absorbant, à donner vie à la représentation d’un chat. Cette approche expérimentale incarne l’évolution des techniques classiques vers une interprétation plus abstraite, tout en conservant le charme mystérieux du chat.
Le chat trouve également sa place dans le street art à travers la figure cartoonesque de M. Chat, un chat jaune et joyeux souriant qui élit domicile sur les façades des villes du monde entier. Le félin incarne alors la vitalité et l’optimisme dans l’espace urbain, voire propose peut-être une réflexion sur la liberté d’expression et l’appropriation de l’espace public.
Les innombrables possibilités créatives offertes par les nouvelles technologies ont également fait du chat une star du monde numérique. Des artistes comme Susan Herbert ont revisité des œuvres classiques en y intégrant des chats, comme sa Mona Lisa à tête de chat, qui est rapidement devenue virale sur internet.
Il existe aussi de nombreux comptes Instagram qui transforment les chats en véritables célébrités digitales. Le compte @fatcatart par exemple propose régulièrement des images de son large chat roux intégré dans des œuvres classiques permettant ainsi à un large public de voyager et redécouvrir virtuellement les manifestations des différents mouvements artistiques sous l’angle de la quête de la différence avec l’œuvre originale. Ainsi, pour l’œuvre Le Baiser de Gustav Klimt, dans la version de @fatcatart, l’homme n’enlace plus une femme mais un gros chat roux.
Également, le compte @nala_cat, qui propose des images suivant le quotidien d’une petite chatte grise, comptabilise plus de 4 millions de followers et captive les internautes. Ces images, ces photographies, ces représentations deviennent des icônes culturelles mondiales.
À la croisée entre phénomènes de masse et stars de la culture digitale, ces chats incarnent le rôle hybride de l’animal dans notre société, oscillant entre créature domestique réelle et produit de l’économie numérique. La lumière bleue leur réussit et ils deviennent même un sujet prédominant de ces arts numériques. On les retrouve dans les GIFs animés et dans les memes. On peut ainsi se référer au célèbre Nyan Cat ou aux milliers de memes impliquant l’expression d’un chat qui fusionnent humour et technologie. La figure du chat au XXIe semble ainsi brouiller la frontière entre art et banalité tout en étant un point d’ancrage nostalgique dans un monde numérique.
Du côté du cinéma et des films qui émettent des hypothèses sur les sociétés futures, récemment Blade Runner 2049 ou Matrix Resurrections (2021) reprennent la figure du chat, non plus comme un simple compagnon domestique, mais comme une métaphore de l’intelligence artificielle et de la répétition d’évènements dans des réalités simulées. Dans The Matrix, le chat noir symbolise un déjà-vu, c’est-à-dire un moment où la matrice se reprogramme, remettant en question la nature de la réalité elle-même et questionnant ainsi les artifices des réalités numériques.
Ce n’est pas la seule fois où la figure du chat permet la réflexion et le questionnement : on retrouve ce motif également dans le film Le Chat du Rabbin (2011) de Joann Sfar. Ce chat gris, très stylisé et expressif, devient alors une figure de narration obtenant la parole, il critique intelligemment les dogmes religieux et remet en cause les certitudes humaines. Cela place cette œuvre dans une continuité historique de la représentation du chat comme symbole d’insoumission, d’indépendance et de mystère. Ce dernier exemple de représentation de chat dans l’art contemporain au sens large présente ainsi la vision selon laquelle le chat n’est plus seulement une figure de mystère mais devient un penseur à part entière.
Ainsi, la figure du chat dans l’art contemporain et futuriste n’est plus simplement un symbole de mystère et de sensualité comme aux siècles précédents, mais une entité hybride, souvent numérique, qui évolue avec l’avènement des technologies et continue de jouer un rôle protéiforme.
La figure du chat dans l’art incarne un véritable voyage symbolique, à la fois plurielle et éclectique, sa représentation mêle ombre et lumière, reflétant des traits félins et humains dans une fascinante ambiguïté. De sacré à domestique, de mystique à ordinaire, le chat traverse les époques et les mouvements artistiques, incarnant tour à tour l’intimité et la distance, le familier et l’insaisissable, il se révèle dans toute sa polyvalence artistique, s’adaptant aux nouvelles réalités technologiques sans jamais perdre cette essence mystérieuse qui le caractérise depuis des millénaires.
Plus qu’un simple symbole d’élégance ou de mystère, le chat reste un sujet d’inspiration inépuisable pour les artistes et devient une métaphore des relations de plus en plus floues entre nature et technologie, réalité et fiction. À travers son rôle de muse, le chat continue de fasciner, transcendant les cultures et les âges pour s’imposer comme une constante incontournable dans l’histoire de l’art.
Solène LE MENN
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