Eva Jospin, sculptrice de paysages sylvestres

Eva Jospin Panorama

Eva Jospin, Panorama, Cour Carrée du Louvre, 2016. Crédit : Fred Romero via Flickr, licence CC BY 2.0

Ce mois-ci, la forêt cartonne ! C’est le cas de le dire car l’artiste dont nous parlons aujourd’hui, en ce mois de mars, travaille cette matière cannelée faite à base de papier. Le CARTON.

Ayant une vingtaine d’années de création derrière elle, Eva Jospin est une femme artiste sortie diplômée des Beaux-Arts de Paris. Elle crée très tôt ces paysages sylvestres, creusés et orfévrés. Ces forêts faites de carton, matière brute transformée par un travail délicat et patient, envahissent les cartes blanches et invitations, de la Cour Carrée du Louvre à Giverny. Ces mondes universels offerts au regard sont le résultat d’un long jeu de découpage et d’assemblage en amont.

Elle crée des œuvres qu’on pourrait qualifier de monochromes, des toiles à plusieurs plans, à multiples fonds, et pourtant mises en installation en connivence avec le spectateur dans un espace. On ressent la densité et en même temps la familiarité d’un lieu forestier, qui interpelle par ses strates, qui ont été fouillées par l’artiste et qui nous propose cette fois-ci d’y entrer.

Une densité qui laisse pourtant la part belle à la rêverie et au voyage. Selon elle, c’est un voyage mental qui s’opère, une sorte de porte ouverte vers un monde plus personnel qu’il reste à expérimenter durant la contemplation de ces panneaux en haut-relief.

L’œuvre d’Eva Jospin, de manière plus pragmatique, constitue un doux rappel du patrimoine fragile et pourtant vital de la nature. Elle dit vouloir dans un sens « redonner vie à ce qui a été détruit » lors d’une interview dans le Figaro en 2013. La forme de l’arbre la fascine et révèle une belle métonymie au sein de ses productions : de l’arbre qui donne lui-même le papier que l’on transforme en carton et avec lequel l’artiste recrée des troncs touffus.

C’est un beau moyen de mettre en avant un pan de la nature que l’on a tendance à omettre : la forêt mise sous vitrine au Beaupassage de Paris renvoie à nos considérations humaines. Aux côtés de nos biais de consommation surproductifs et de nos modes de vie impropres à la préservation, la forêt demeure. Certains l’ignorent totalement, d’autres la considèrent comme ressourçante, réel antidote au brouhaha citadin. La sylve conserve une forme de mystère, une forme de réseau d’intelligence que nous avons encore peine à pleinement comprendre et respecter.

Eva Jospin procède par lenteur et par répétition du geste manuel. « Je coupe, j’écrase avec le pied, je gratte, je ponce, je taille, je colle, je superpose. Avec les cannelures du carton, je reproduis l’écorce. Il y a une forme de patience et d’aliénation à la fois. ». Selon moi, c’est comme si elle se laissait séduire par le rythme plus lent et ancestral des forêts, et qu’elle l’adoptait. Les cernes des troncs et cannelures de papier nous font voyager dans un temps d’élaboration, de construction.

–  Si son travail vous plaît, allez donc la voir au Carreau du Temple qui l’accueille du 10 au 12 mars pour l’exposition baptisée « Promenades en champagne ».

–   Ou encore au Beaupassage de la rue Mazarine, cité plus haut !

 

Naïs

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