Interview avec la Junior entreprise de l’Ecole du Louvre

Au sein de l’École du Louvre, si vous empruntez l’escalier menant aux salles de classe, vous apercevrez sur la droite la vitre du local de la Junior- Entreprise. Nous sommes allées y faire un tour afin d’interviewer deux de ses membres :  Anaelle et Clélie. Nous leur avons posé une série de questions qui vous permettra de mieux comprendre le fonctionnement de la JE et qui peut-être, vous donnera envie d’intégrer l’équipe ou de devenir adhérent ! 

 

Quel poste occupez-vous à la J.E ? 

 

A : Je suis étudiante en troisième année de premier cycle, en spécialité Anthropologie du patrimoine. C’est mon troisième mandat à la JE et cette année je suis la Présidente.

C : Je suis également en troisième année de premier cycle, en spécialité Archéologie du monde romain. C’est mon deuxième mandat et je suis Responsable événementiel.

 

Est-ce que vous pourriez expliquer ce que c’est la Junior- Entreprise ? 

 

C : Nous sommes une association étudiante mais qui fonctionne un peu comme une petite entreprise et qui permet aux élèves de pouvoir se professionnaliser en faisant des missions rétribuées. L’adhésion est gratuite et cette année, on compte entre 120 et 140 adhérents. S’ ils souhaitent faire une de nos missions, les élèves sont sélectionnés lors d’un entretien (après avoir envoyé CV, lettre de motivation), et s’ils sont désignés pour effectuer la mission, ça leur permet d’acquérir des compétences professionnelles. 

A : Pour ceux qui souhaitent faire plus que des missions, ils peuvent rejoindre l’équipe de trente-deux membres qui fonctionne comme une petite entreprise. Chacun occupe un poste au sein des sept différents pôles. Ce sont les pôles présidence, trésorerie, ressources sociales, commercial qui est le plus gros pôle car il gère toutes les missions, qualité, prospection et communication. 

Comment la Junior vous a-t-elle permis de rentrer dans le monde du travail ?

 

C : Pour les membres actifs, un socle de formation nous est dispensé au début de notre mandat, ce qui nous permet d’acquérir des bases en commerce, en marketing, en trésorerie et après on peut se spécialiser dans notre poste qui peut préparer à un futur professionnel. Par exemple, certains alumni ont suivi une formation professionnelle qui correspondait au poste qu’ils occupaient au sein de la Junior. 

A : Je pense que faire partie de la Junior permet de se sentir plus légitime lorsqu’on effectue un stage ou que l’on postule à un emploi. Lors du premier cycle de l’École du Louvre, on acquiert uniquement une formation théorique qui ne nous prépare pas à un avenir professionnel. Grâce à la Junior, on est confronté au monde de la culture potentiellement dès la première année de premier cycle et cela nous donne plus confiance en nos capacités. 

 

Comment arrivez-vous à concilier vie étudiante et vie d’entreprise ? 

 

A : Je rajouterais même vie personnelle aussi. C’est très compliqué, plus on occupe un poste important à la Junior et plus on a du travail. Les chargés de pôles sont mobilisés entre 10 et 15 heures par semaine. Les horaires varient en fonction du poste qu’on occupe et en fonction de la période. Heureusement, il y a un gros réseau d’entraide au sein de la Junior pour se partager les cours. Les alumni sont aussi d’une grande aide et n’hésitent pas à répondre à nos questions. En résumé, la Junior est comme une grande famille. 

C : Des team building sont organisés afin de créer des liens entre les membres et de rencontrer des personnes de l’école qui viennent de différentes promotions. La Junior est l’une des associations de l’école donc, le lien social est aussi très important. 

 

Comment se passe le travail d’équipe, l’organisation et la cohésion du groupe ?

 

C : Nous devons assister à des réunions de pôles au moins une fois par mois ou ça peut être toutes les deux semaines. On communique via un réseau qui s’appelle Slack qui permet de discuter avec tout le monde. Il y a aussi des réunions d’équipes qui se tiennent une fois par mois durant lesquelles chaque pôle aborde les missions qu’il a effectuées  

A : Pour les réunions d’équipe, un thème est choisi et pendant trente minutes, chacun réfléchit et participe pour partager ses idées. Par exemple, nous voulons développer d’autres partenariats professionnels pour proposer de nouvelles opportunités à nos adhérents donc on a abordé la question en réunion d’équipe, Nous organisons aussi des conseils d’administration qui ont lieu toutes les semaines pour traiter des problèmes ou des questionnements précis de la semaine. 

 

Quelles sont les missions qui ont été pour vous les plus importantes ? 

 

C : Je citerai le Forum alumni qui a eu lieu le jeudi 9 novembre. C’était mon deuxième événement en tant que Responsable événementiel. Nous avons proposé aux adhérents de venir passer une soirée avec les alumni afin d’échanger sur leurs métiers et leurs parcours. C’était assez informel et ça permettait un contact direct avec eux. Il y a aussi les missions pro bono qui sont particulières parce que nous rétribuons les intervenants mais le Client  ne paye rien, nous lui offrons la prestation et payons sur nos fonds l’intervenant.

A : En terme de mission à l’échelle personnelle, j’apprécie tout ce qui relève du management. Il s’agit de savoir jongler avec les personnalités, de savoir s’adapter et d’apprendre à déléguer et à faire confiance. Et je rejoins Clélie sur les missions pro bono, notamment celles qui sont destinées à un public empêché. Cette année nous avons eu l’occasion de réaliser dans le cadre de notre mission Pro Bono des médiations sensorielles qui offrent aux intervenants un autre type d’expérience professionnelle et à un public handicapé un accès à la Culture. Par exemple, une des médiations s’intitulait « thé, café, chocolat » et il y avait une dégustation proposée en plus de présentation de peintures et d’objets d’art afin d’expliquer les liens entre histoire de l’art et colonisation. 

 

Quels problèmes pouvez-vous rencontrer au sein de la Junior ? Quelles solutions vous mettez en place pour les régler ?

 

C : Cela dépend beaucoup du poste. Personnellement je n’ai personne à manager, mais par exemple le responsable de communication Zaïm rencontre parfois des problèmes pour coordonner l’équipe. En tant que Responsable événementiel, mon poste peut faire face à des risques budgétaires pour organiser l’événement, ou bien en terme d’exécutif on n’arrive pas à trouver un lieu, l’équipe ne peut pas être forcément motivée, on n’a pas à chaque fois des représentants de chaque pôle… Tout cela sont des risques à prendre en compte qui ne peuvent pas être prévus mais pour le moment il n’y a eu aucun problème de ce genre. Pour éviter que cela puisse arriver, il faut savoir cadrer les choses et prévoir des solutions.

A : Oui, cela dépend beaucoup du poste. Pour les responsables de pôles je dirai qu’il y a vraiment cette question de management. C’est le cas aussi pour l’ensemble des chefs de projets qui gèrent la communication entre les intervenants et les clients. Un des risques majeur qui est valable pour toutes les Junior entreprises c’est que l’on a un cadre légal très stricte et très précis. Nous sommes une association mais nous avons un statut dérogatoire ce qui signifie que l’on peut œuvrer un peu comme une entreprise mais tout en restant une association. Ce statut là est à respecter à tout prix. Pour vous donner un exemple concret, nous sommes les médiateurs entre le client et les intervenants, c’est-à-dire qu’ils ne doivent jamais communiquer ensemble seuls. Ce système permet de protéger nos intervenants, si jamais le client n’est pas satisfait c’est nous qui recevons les critiques et pas l’élève, c’est plus sécurisant pour eux. Mais le soucis, parfois, est que les intervenants communiquent directement avec les clients et cela nous pose des problèmes de gestion, nous sommes prévenus un peu à la dernière minute des changements… Mais heureusement cela n’arrive pas souvent.

 

Parmi tous les événements que la Junior organise, lequel est votre favori?

 

C : Pour les événements qui ont déjà eu lieu, je reviens sur le forum des Alumnis. On avait fait une première session test l’année dernière à la cafétéria et beaucoup d’élèves sont venus discuter donc c’est pour cela que nous avons voulu le reconduire. Cette année encore c’était un succès, les alumnis étaient au rendez-vous, encore plus que l’an passé. Je pense que c’est un événement clé pour la Junior car on regroupe à la fois les alumnis, le mandat actuel de la Junior et les étudiants qui sont intéressés par nos alumnis et aussi sont intéressés par la Junior entreprise. C’est vraiment un moment d’émulation.

A : Je suis d’accord. Et je rajouterai qu’au départ, l’événementiel n’était pas vraiment le cœur de notre travail. Jusqu’à présent on ne le développait pas vraiment car nous n’avions personne qui était dédié à cela. C’est pour ça que le poste de Clélie a été créé et qu’elle est la première à le tester. Donc, nous n’avons pas encore assez de recul pour savoir quel est véritablement notre événement phare. Nous allons tester beaucoup de choses cette année, nous avons envie de faire plus d’événements pour les élèves.

Nous faisons aussi partie de la Confédération Nationale des Juniors-Entreprises de France, qui est le plus grand mouvement étudiant en France, qui regroupe plus de 250 Junior-Entreprises dont beaucoup sont en Ile-de-France. Nous organisons aussi des événements avec les autres Juniors. Je dirais alors que l’événement que je préfère sont nos visites du Louvre lors des nocturnes le vendredi, tous les deux mois, pour les Juniors entreprises d’Ile-de-France. Ce sont seulement des petits groupes de cinq mais les visites sont très appréciées par les membres de ces juniors qui sont souvent ingénieurs, en école de commerce, vétérinaire, de psychologie, etc. donc qui sont très éloignés du milieu de l’histoire de l’art. Ils sont très curieux, on a vraiment cette idée de transmission qui nous permet  en plus de réviser nos cours et en même temps leur apprendre plein de choses. C’est un événement qui fonctionne plutôt bien car à chaque fois on réunit une cinquantaine de personnes avec ces visites.

C : Oui, c’est vraiment très enrichissant pour eux comme pour nous. On revoit souvent les mêmes personnes qui étaient déjà venues et ça fait vraiment plaisir de créer des échanges.

 

En tant que Junior de l’Ecole du Louvre, vous arrivez à bien vous intégrer dans ce mouvement national des Juniors entreprises ? 

 

A : Les différences importent peu car les mandats changent d’années en années dans toutes les Juniors-Entreprises de France, les liens sont à construire chaque année à travers les différents  événements organisés. Nous sommes surtout proches des Juniors d’Ile-de-France car  nous rencontrons celles des autres régions que deux fois par an au cours des congrès nationaux. Il y a au moins un événement par mois en région Ile-de-France, des congrès régionaux, nous organisons nos visites mais les autres organisent aussi d’autres choses, il y a aussi les fêtes de passation lorsqu’on change de mandat…

 

Quels sont les futurs objectifs de la Junior afin d’offrir toujours plus d’opportunités à ses membres ? 

 

A : Pour être tout à fait transparente, nous n’avons en théorie plus besoin de démarcher pour avoir des missions pour les élèves. Mais nous continuons quand même de démarcher  grâce au pôle prospection avec qui nous essayons de revoir un peu nos méthodes. Il est vrai que les élèves aiment beaucoup faire des médiations, il y a aussi celles proposées par l’École mais nous essayons de proposer des formats plus différents comme avec l’exemple précédent des médiations sensorielles. Mais nous avons aussi d’autres domaines de compétences, on aimerait donc cette année proposer aux élèves des missions qui changent et qui leur permettent de découvrir d’autres domaines comme la muséographie, l’étude de public, l’aide au mécénat… On a bien conscience aussi qu’il y a plus de 30 spécialités à l’Ecole du Louvre et elles ne sont pas toutes exploitées par nos missions. Il y a vraiment un enjeu majeur du pôle prospection mais je dirais aussi de créativité car par exemple il est plus facile de trouver des missions pour les spécialités peinture que pour les spécialités en archéologie.

C : Oui c’est vrai, pour ce genre de spécialité on peut leur trouver des médiations mais cela reste compliqué pour des missions qui touchent à d’autres domaines. C’est pour cela qu’il y a beaucoup de travail de recherche à faire de notre côté, de brainstorming pour trouver des solutions.

 

Est-ce que vous avez des statistiques à nous donner, concernant vos adhérents ? 

 

A : Il n’y a pas de spécialité en particulier qui adhère. Par contre, il y a beaucoup plus d’élèves de premier cycle que de master qui adhèrent, en master 2 il n’y a presque pas d’adhérents mais cela se justifie par leurs stages qui occupent presque toute leur année, ils n’ont pas vraiment d’intérêt à faire des missions de la Junior. Aussi cela dépend des périodes de l’année mais globalement on a une majorité de troisièmes années. Cette année, et également l’année dernière, il y a un petit changement car à la rentrée nous avons constaté beaucoup d’adhésion de premières années.

C : Cela s’explique aussi par le fait qu’en premier cycle nous n’avons pas de stage obligatoire. Cela permet aussi une professionnalisation et en troisième année cela permet de découvrir de nouvelles choses notamment en prévision du master. 

 

Quels sont vos projets professionnels ? La Junior a-t-elle eu un impact sur ces projets ?

 

C : J’aimerais bien travailler dans tout ce qui est programmation culturelle et direction de communication dans les institutions donc c’est vraiment en rapport avec la Junior. L’année dernière j’étais chargée de communication ce qui m’a aidé pour cette année avec l’événementiel, les deux se complétant bien. La Junior a vraiment influencé ce choix car il y a deux ans, je ne voulais pas du tout faire ça. J’étais perdue au début et arriver à la Junior ça m’a vraiment permis de découvrir de nouvelles choses que j’aimerais tester. La Junior permet beaucoup d’opportunités et de rencontres, j’ai notamment pu discuter avec des alumnis qui se sont spécialisés dans la communication.

A : Pour moi, ça n’a pas changé ce que je voulais faire à l’origine car j’aimerais travailler dans tout ce qui est politique publique pour la culture. Mais par contre, ça a confirmé certains aspects qui étaient un peu flous, j’apprécie vraiment le côté management, le côté pilotage, avoir des projets et une équipe à gérer. Je sais maintenant que je veux m’orienter dans des postes de management dans une institution publique et de politique publique.

 

 Quels sont les conseils que vous pourriez donner aux étudiants qui veulent entrer en contact avec le monde professionnel de la culture ? 

 

C : Il faut avant tout avoir des expériences, rajouter des lignes sur le CV. Pas forcément en ayant fait des stages mais les missions sont plutôt pratiques pour cela, par exemple on a fait des missions lors des Journées européennes du patrimoine, c’était organisé sur deux jours donc c’était très rapide à faire mais cela permettait d’avoir un contact avec le publique et d’acquérir des compétences. Il faut découvrir de nouvelles choses, avec nos missions de médiation cela permet par exemple de découvrir des publics différents, il faut aller vers les gens. Il ne faut pas hésiter à rentrer dans la Junior en tant que membre actif aussi, comme on le disait tout à l’heure, la Junior permet d’offrir beaucoup d’expériences, cela donne un champ de compétences très élargi et cela permet de se professionnaliser dans un domaine.

A : Les stages sont importants, c’est évident. Je rejoins Clélie sur les missions car au delà du fait de voir pleins de choses, c’est vraiment important dans le sens où, quand on est élève à l’Ecole du Louvre, on a tendance à se replier sur soi-même, on a son travail, ses méthodes, en plus comme on a une seule échéance en fin d’année avec les examens, on n’a presque aucun travail de groupe. Finalement, on travaille beaucoup seul et on se réfère presque qu’à soi-même sauf que dans le monde professionnel, c’est extrêmement rare comme manière de fonctionner. Lorsqu’un intervenant fait une mission, on lui fait énormément de retours, on lui dit tout ce qui va et ce qui ne va pas. C’est intéressant aussi de voir la réaction de nos intervenants où pour certains c’est un peu dur d’accepter la critique, le fait que son travail ne correspond pas aux attentes du client même s’ il y a passé des heures. Et pourtant c’est la réalité du monde professionnel, il faut savoir être dans la bonne perspective. Je pense que c’est un enseignement important à avoir avant de se lancer, savoir confronter son travail aux regards des autres que ce soit par le biais de la Junior ou même que ce soit en faisant des stages. C’est une leçon d’humilité qui est nécessaire quand on sort de l’Ecole du Louvre où nous n’avons aucune expérience professionnelle.

C : Et pour rejoindre ce que vient de dire Anaelle, quand on propose une mission, plusieurs adhérents postulent. On leur demande un CV et une lettre de motivation. On leur fait passer un entretien et à la fin de cet échange, on prend le temps de leur dire ce qui allait et ce qui n’allait pas, on leur fait un retour sur leur CV et leur lettre de motivation, on n’hésite pas à leur donner des conseils.

 

Comment faites-vous ces retours aux élèves pendant vos missions ? 

 

A : Pour faire ces retours, lors des missions, nous avons un double suivi, de l’élève et du client  tout le long de la mission. L’intervenant fournit à chaque fois un travail et plusieurs personnes vont le relire et le conseiller. Ensuite, à chacune des étapes de la mission on fait des retours à l’élève de son travail et en parallèle on a aussi le client qui nous fait des retours sur les points positifs et les choses à changer. A la fin de la mission, nous faisons un gros bilan pour l’élève sur tout ce qu’il a fait de bien comme de moins bien et on donne à tous nos intervenants une attestation de mission qu’ils peuvent utiliser dans leur dossier, pour valoriser leurs expériences. 

 

Encore un grand merci à Clélie et Anaelle d’avoir répondu à nos questions et de nous en avoir appris bien plus sur la Junior et son fonctionnement. 

 

Interview menée par Keridwen Lambert et Coralie Gay

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