Aux grands maux, les verts remèdes

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John William Waterhouse, La sorcière, 1913, collection particulière. Crédits : Wikimedia Commons

L’automne et l’hiver commencent à pointer leur nez. Certains d’entre vous ont peut-être déjà établi un budget de dépenses spécial hiver. Car oui, les allers et retours chez le médecin et le pharmacien ont un coût que notre porte-monnaie d’étudiant ne se lasse pas de nous rappeler. Alors en cette heure « halloweenesque », je vous propose une immersion dans le potager d’une sorcière. En effet on oublie souvent qu’avant de prendre du paracétamol ou de l’ibuprofène, nos ancêtres utilisaient un tout autre type de médicaments !

 

Pour soigner vos maux divers (ou d’hiver, excusez-moi ce jeu de mots facile), il existe une grande variété de plantes aux merveilles thérapeutiques utilisées parfois depuis l’Antiquité, à découvrir aux détours des chemins de forêts (ou à disposer sous vos fenêtres). Tout cela à moindre coût évidemment. Escroquerie, magie, véritable « science » ? Les textes antiques et moyenâgeux peuvent nous mettre sur la voie. Il semblerait que certaines des plantes les plus communes à nos campagnes soient des indispensables du potager, des païens comme des sorcières.

Réputée pour être une panacée, et ce depuis des siècles, tous se devaient de cultiver la sauge. Un proverbe illustre parfaitement les avantages de cette plante de la famille des Lamiacées : « Qui a de la sauge en son jardin n’a pas besoin de médecin ». Et effectivement, cette dernière détient des vertus digestives, antiseptiques et bien d’autres. Utile dans le froid de l’hiver, une infusion de sauge accompagnée de miel aiderait à faire passer le rhume, tout comme un gargarisme de sauge infusée calmerait les maux de gorge.

Pour la toux, cette petite plante aux pétales roses et violets est tout aussi efficace. La mauve a également d’autres vertus, comme apaiser les piqûres de moustique grâce au suc de sa feuille froissée. Et si d’aventures, une migraine venait à vous rendre visite après avoir trop plissé les yeux face au cours d’archéologie orientale, des arts de l’islam et autres, il est dit que l’eau déposée par la rosée sur un pétale de mauve, cueilli au mois de mai peu avant l’aube, fera disparaître votre mal de tête aussi vite qu’il est arrivé.

Pour les plus touchés par la puberté et les problèmes de peau, cultiver un pot de joubarbe fera des merveilles à votre teint grâce à ses feuilles. Et pour un bouton disgracieux que vous désirez anéantir pour avoir eu le culot de venir s’installer sur votre visage ? Appliquer une feuille de sauge dessus, côté supérieur et votre ennemi déguerpira bien vite !

Vous n’arrêtez pas de vous gratter, les démangeaisons vous envahissent ? Le bouillon-blanc ou cierge de Notre-Dame peut vous aider à les faire disparaître. Et tout comme la sauge, notre indispensable n°1, cette plante aide à lutter contre les extinctions de voix (après une soirée bien arrosée à chanter et à crier…).

Pour ces demoiselles indisposées tous les mois, l’armoise et l’alchémille apaisent les crampes en général tout en favorisant l’appétit (personnellement ce n’est pas ce dont j’aurais besoin en même temps qu’avoir mes règles. Je mange pour deux pendant cette période !).

À la suite des fêtes de Noël, ou à une orgie de bonbons à l’occasion d’Halloween, des maux de ventre et des troubles digestifs pourraient venir vous indisposer. Utiliser du fenouil, facile à trouver en supermarché, est une astuce connue depuis très longtemps. Et avouons-le, il est facile de faire d’une pierre deux coups avec cette plante là car elle rentre aussi dans la composition du pastis…

Si vous vous retournez encore et encore dans votre lit sans réussir à trouver le sommeil, que vous faites des cauchemars, que les angoisses vous agressent constamment sous la pression des cours ou de la vie tout simplement, la valériane est la fleur à faire pousser sur votre balcon ! En infusion et tisane, elle aide à diminuer le stress, l’anxiété et même la dépression, tout en améliorant votre sommeil. Son jumeau, le millepertuis est une jolie plante jaune et solaire qui éloigne les mauvaises pensées dont on voudrait se débarrasser mais qui reviennent toujours à la charge, la mélancolie ou la nervosité dues aux examens ou oraux de TDO.

Et pour bien terminer votre cure de bien-être, consommez un peu de lierre terrestre qui vous donnera un bon coup de pouce énergétique car il est plein de vitamine C ! (Et pour les fumeurs, vous ferez du bien à vos bronches en le consommant en infusion avec une pointe de miel pour adoucir le goût.)

Enfin pour bien réussir votre année, je vous conseille d’aller cueillir trois plantes bien particulières qui devraient vous aider dans vos examens. Tout d’abord, la bourrache est la plante du bonheur et vous apportera le sourire lorsque la pluie viendra frapper vos fenêtres. Cependant, un rameau porté dans sa veste ou sa poche vous soutiendra avec hardiesse lors du passage d’un obstacle ou… d’un examen justement. Ensuite la potentille, portée sur soi, vous apportera du calme et un discours posé et toujours éloquent dans une situation stressante, encore plus si votre potentille a sept feuilles !

Et pour finir en beauté cet article, je vous invite à poser un rameau de lierre terrestre (le voilà de retour celui-là) sur votre bureau ou votre table d’examens. Lié aux arts, ce petit bout de plante vous apportera l’inspiration si une panne inopportune se fait sentir…

Même si vous êtes sceptique à la fin de votre lecture, je vous invite tout de même à aller vous promener dans la campagne en périphérie de Paris, pour vous aérer l’esprit, vous reconnecter à vous-même et admirer la nature et son éternel cycle de floraison.

 

Cassandre BRETAUDEAU

 

Source : Secrets des plantes sorcières, Richard Ely, édition Au bord des continents.

Histoi’Art – Un bretzel ou un sort ! Les sorcières en Alsace !

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Dessin par notre illustratrice Éloïse Briand

Ah l’Alsace, ses bretzels, sa cathédrale, ses bredala, ses cigognes… Qui n’est jamais tombé sous le charme sublime de cette région enchanteresse ? Si sa magie blanche entoure constamment les  touristes qui actuellement assiègent les marchés de Noël des villages de mon enfance, il y a des sortilèges et rites beaucoup plus sombres dans notre passé que vous ne connaissez sans doute pas ! Yésses Gott ne faites pas cette tête, elles ne sévissent plus chez nous aujourd’hui si tant est qu’elles aient réellement existé les pauvres. Oui, je parle des sorcières ! Si vous avez un peu peur avant de lire cet article, rien de mieux qu’un bon coup de schnaps avant de commencer. Hopla Geis ! Tous sur vos balais !

 

 

Gravure des Pendus de Hésingue, musée de Huningue

Gravure des Pendus de Hésingue pendant la Guerre de Trente Ans, musée de Huningue

On s’imagine souvent que l’âge d’or de la sorcellerie en France date du Moyen Âge mais les Historiens ayant recensé les procès sont d’accord pour affirmer qu’il s’agit en réalité des XVIème et XVIIème. L’Alsace est une des régions alors la plus touchée par la croyance et les jugements de sorcières… Cela s’explique avant tout par le fort contexte de famine, de maladies (peste et ergotisme) et de guerres lors de la Guerre de Trente Ans (1618-1648). Au début du XVIIème siècle, l’Alsace est un ensemble de mosaïques d’états et de villes libres. Mulhouse, ma ville de naissance, est quand même la plus vieille république de France si on y songe : 1347-1798  (bon d’accord à l’époque nous étions Allemands mais c’est un léger détail, de toute façon on se rattache à la France seulement quand la tout jeune première République est née, pas de roi chez nous pendant très longtemps donc !) Toutefois, cette guerre, qui prend place en plein petit âge glaciaire tombe très mal pour les populations paysannes qui sont les premières touchées par la recherche assidue de coupables à ces maux. La suspicion des voisins et des ennemis va bon train et amènent à de terribles accusations. Entre le XVème et le XVIème siècle, 80% des personnes visées par ses dénonciations sont des femmes. Cela ne vous étonne pas n’est-ce pas ? Qu’à cela ne tienne entre 1480 et 1520, la première vague de chasse à la sorcière alsacienne est organisée par l’Inquisition.

 

 

INSTITORIS et SPRANGER, Malleus Maleficarum, édition lyonnaise de 1669

INSTITORIS et SPRANGER, Malleus Maleficarum, édition lyonnaise de 1669

Comment retrouver ces perfides mégères qui sèment troubles et chaos dans la paisible plaine d’Alsace ? Cette histoire trouve ses origines bien avant la Guerre de Trente Ans… Qu’à cela ne tienne, le pape Innocent VIII rédige une bulle le 5 décembre 1484 intitulée Summis Desiderantes Affectibus. Celle-ci octroie à deux hommes de Sélestat, au centre de l’Alsace, le droit de mener les premiers féminicides au nom de l’éradication de la sorcellerie. Le nom de ces  deux crapules ? Heinrich Kramer et Jakob Spranger. Ceux-ci prennent très à cœur leur tâche au point que Spranger aidé d’Institoris, écrit entre 1484 et 1487 un ouvrage édifiant : le Malleus Maleficarum, mieux connu sous le nom de Marteau des Sorcières  qui explicite comment trouver les sorcières, comment les reconnaître, comment les capturer, comment leur faire avouer leurs crimes, comment instruire leur procès et comment s’en débarrasser. Véritable mode d’emploi, le livre va connaître un succès incroyable notamment dans tout le Saint-Empire-Romain-Germanique avec plus d’une trentaine de rééditions en latin et dans tous les formats ! Pour information ce livre est encore édité et publié de nos jours ! Bien évidemment la femme est naturellement accusée ouvertement d’être à l’origine de la sorcellerie puisqu’elle est une créature faible et non intelligente. Il faut bien garder à l’esprit qu’à cette époque la société était encore ultra machiste, patriarcale avec la figure féminine immédiatement rattachée à la faute du péché originel. La loquacité abrutissante de certaines épouses et les fausses-couches régulières font parfois douter de nombreux maris du bienfondé de leur mariage. Les guérisseurs sont ensuite les suivants le plus souvent incriminer. Célébrés en période de paix et prospérité, ils sont accusés en période de malheur d’avoir retourné leur pouvoir et avoir lancer des malédictions sur leur propre communauté.

 

 

 

WEIDITZ, Nonnes pactisant avec le diable, gravure

WEIDITZ, Nonnes pactisant avec le diable, gravure

Être une sorcière induit forcément une rencontre avec le Malin qu’on appelle souvent en Alsace Hemmerlin ou encore Peterlin. Toutes les classes de la société peuvent être accusées d’acoquinement avec le Diable, même si c’est quand même majoritairement le cas des paysans et surtout des personnes très marginales et fragiles. Dans tous les procès, certaines mentions sont récurrentes : Satan vient toujours visiter son futur serviteur à son domicilie ou directement sur son lieu de travail. Il donne alors lui-même un nouveau nom à ses recrues, ce qui donne lieu à des trouvailles très humoristiques pour les Historiens. Un procès incrime ainsi une jeune femme qui aurait reçu le prénom de Krauterdorschen par le Diable. Comprenez « Morue aux herbes » aujourd’hui en français. Tout le monde a toujours rêvé de se faire appeler Morue, surtout avec un tips cuisine aux aromatiques ! Le pacte signé entre la sorcière et Satan est ensuite effectif à partir du moment où les noces diaboliques ont été célébrées. Là aussi les registres de procès regorgent de détails. Elles sont célébrées la nuit dans un lieu sauvage isolée le soir du sabbat. Le scellement de l’union avec le Malin se concrétise une fois que l’appelée renie sa foi, ses parents et accepte sa damnation éternelle. Elle signe alors le serment de son propre sang. De grandes festivités sont ensuite organisées avec les autres sorcières, aux comportements lubriques et arrosés dignes des plus grandes bacchantes. Grand festin, danse magique toute la nuit sans être épuisé, tout est à l’heure de la fête. Enfin, alors la nuit se termine, le Diable clôt alors les noces en apposant sa fameuse marque sur sa nouvelle vassale. Ces faits nous sont parvenus via des témoignages avancés devant l’Inquisition. Un homme de Rouffach (ville considérée comme le plus haut lieu de sorcellerie dans le Haut-Rhin) assure qu’au retour d’une promenade à minuit, il aurait vu tout un cortège diabolique  dans un grand palais lumineux sur la colline du Bollenberg (haut lieu de rassemblement de sorcières qui revient dans de nombreux écrits, ancien lieu de rituels magiques celtes dédiés au dieu du feu Belen). D’autres procès n’hésitent pas à aggraver largement les faits reprochés en mentionnant même parfois des sacrifices d’enfant, des cadavres de bambins déterrés et démembrés, la cervelle de mort-nés récupérée pour faire des potions. Seuls les enfants non baptisés étaient visés. D’où l’empressement des parents, à chaque naissance, pour faire rentrer son nourrisson dans l’ordre de Dieu dès les premières heures de sa vie.

 

 

Mais qu’est-ce qui inquiète tant chez les sorcières ? Poudres magiques à base de cerveau, de peaux, d’écorces seraient utilisées pour détruire les récoltes. Des baguettes magiques seraient frottées avec des onguents. Parfois, on a même des accusations qui parlent de sorts jetés rien que par la parole, un geste bref ou même pire, uniquement un regard ! Certains témoins affirment même avoir vu des femmes se métamorphoser en créatures maléfiques planant la nuit au-dessus de leur village et voilant la lumière de la lune. Alors, pour se protéger, on a créé un autre mode d’emploi best-seller : le Geistlishe Schild (« le bouclier spirituel »). Ce livre de protection était même à force considéré comme un grimoire et certaines églises alsaciennes du Sundgau (partie extrême sud de l’Alsace avant les trois frontières) avaient des compartiments cachés en-dessous où le prêtre pouvait cacher son exemplaire des yeux des soricères pour ainsi protéger sa paroisse. Le format était de poche pour être discret.

La-Tentation-de-Saint-Antoine_Martin-Schongauer

SCHONGAUER, Tentation de Saint-Antoine, 1470-1475, gravure, H: 31 cm, NYC, the MET

Comment se passait alors les procès une fois les confessions des sorcières obtenues, souvent par la torture d’ailleurs ? Au XVIIème siècle, les juges étaient tous des religieux. Par la suite, au siècle suivant, les juges sont des laïcs. Chaque village a alors son Malefizgerich (tribunal de vingt-quatre juges). Dans 90% des cas pourtant pas d’illusion ! Les accusés finissent quasiment tous brûlés vifs. Heureusement pour nous aujourd’hui, les seules choses qu’on aime faire flamber en Alsace désormais, ce sont nos tartes !

Laureen Gressé-Denois

 

 

 

 

 

Si le sujet vous intéresse, je vous recommande vivement de faire un tour dans cette brève documentation :