– Sortez vos athanors et vos aludels : aujourd’hui, interro d’alchimie ! Je vois à vos grands yeux écarquillés que n’avez pas ouvert vos vieux grimoires poussiéreux
de tout l’été… Et bien, nous allons reprendre un peu les bases de l’alchimie médiévale ensemble, si vous le voulez bien, afin d’en mieux cerner la quintessence !
- Dépoussiérons un peu ce terme équivoque d’ “alchimie”
L’alchimie est une discipline qui s’inscrit dans l’histoire des sciences et qui a laissé des traces dans la médecine traditionnelle occidentale jusqu’au XIXème siècle. Non seulement des traités comme le Rosarium philosophorum (XIVe siècle) écrit par le pseudo-Arnaud de Villeneuve continuent alors d’être traduits et diffusés, mais en outre, on utilise encore certains remèdes alchimiques comme l’extrait de saturne – ou acétate de plomb – pour soigner les chevaux par exemple.
– Mais… mais si la discipline se calque sur la médecine, c’est pas d’la magie alors ?!
– Minute papillon ! Je vais y venir.
D’où ça vient ?
L’alchimie est une discipline dont l’étymologie montre à quel point elle a fait le tour de
l’Orient et de l’Occident ! Le mot serait composé de l’article arabe al et du mot Kimija, qui renvoie à la pierre philosophale. Du monde arabe, on retient d’ailleurs de grands noms en alchimie, comme Avicenne, Averroès… Mais ce mot arabe pourrait lui-même remonter du grec /chumeia/ ( χ υ μ ε ι ́ α) qui signifie “mélange de liquides” ou même du copte chame, qui signifie “noir” et qui désigne les Egyptiens et leurs arts.
-Ok… Mais c’est magique ou paaaas ???
-Mais c’est que tu es têtu, par ma barbe !
-Gloups !
L’alchimie peut être rattachée aux sciences car elle vise, au moyen d’hypothèses et d’expériences, l’acquisition de savoirs. Mais…
-Aha ! Il y a un mais ! donc l’alchimie c’est de la magie en fait !!!
-Oui et non…
-C’est une réponse de Normand, ça !
Laisse-moi donc poursuivre. Là où réside la spécificité de l’alchimie, c’est dans son contenu ésotérique et mystique. L’alchimie ne peut être limitée à la transmutation du plomb en or. En essayant d’égaler la nature en tentant de recréer le matériau le plus parfait, l’or, c’est le chercheur qui cherche également à atteindre la perfection de l’âme. L’approche alchimique est donc radicalement différente de notre conception occidentale actuelle de la science…
-Et c’est pour cela qu’on l’associe à la magie ?
-Pas seulement !
- Les mystères de l’alchimie
Bien qu’admise au sein de la société médiévale sans restriction au début du Moyen-Âge, l’alchimie n’est pas longtemps exempte de critiques et de condamnations (notamment pour fraude, faux-monnayage), et devient la cible de nombreuses rumeurs. Dans ce contexte de contestation, une vision plus élitiste de la discipline émerge, conduisant à la production de discours cryptés. Les substances sont nommées par des noms de dieux grecs/planètes, et les outils, par des noms d’animaux ou de végétaux, ou bien l’alchimiste le plus suspicieux aura recours à des symboles.
-Wahou ! Des idéogrammes !
Enfin, ce sont les Romantiques qui, au XIXe, ont véhiculé cette image du vieux mage à moitié fou perdu au milieu de ses alambiques et parchemins, à la croisée entre romantisme noir et historicisme néo-gothique. Bien sûr, les romans et films du XXe siècle ont perpétré le lieu commun, en témoignent les premières pages de Cent ans de solitude, un monument de la littérature latino-américaine que l’on doit à Gabriel García Márquez :
“Un gros gitan à la barbe broussailleuse et aux mains de moineau, qui répondait au nom de Melquiades, fit en public une truculente démonstration de ce que lui-même appelait la huitième merveille des savants alchimistes de Macédoine. Il passa de maison en maison, traînant après lui deux lingots de métal, et tout le monde fut saisi de terreur à voir les chaudrons, les poêles, les tenailles et les chaufferettes tomber tout seuls de la place où ils étaient, le bois craquer à cause des clous et des vis qui essayaient désespérément de s’en arracher, et même les objets perdus depuis longtemps apparaissaient là où on les avait le plus cherchés, et se traînaient en débandade turbulente derrière les fers magiques de Melquiades. « Les choses ont une vie bien à elles, clamait le gitan avec un accent guttural; il faut
réveiller leur âme, toute la question est là. »”
– Donc en fait, ta barbe, c’est du toc ?
– Du toc ?! Non mais quelle outrecuidance ! Tu vas voir ce que tu vas voir ! « Kzedledjhekhfkeldejeizdhoàç » !!!!
– Aha ! Tu fais moins le malin maintenant !
– Aaaaaaaaaahhhhhhhh !!!!!
- Bibliographie (à potasser pour votre interro qui est reportée au prochain numéro…)
- L’alchimie au Moyen Âge : XIIe-XVe siècles, Antoine Calvet, 2018, éd. Vrin
- Les traductions d’ouvrages d’alchimistes de Marcellin Berthelot (sur Gallica et Google books)
- Les premières pages de Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez (1967)
- dictionnaire en ligne du CNRTL : https://www.cnrtl.fr/definition/alchimie
- Le blog des compagnons de Valerien : http://compagnonsdevalerien.over-blog.com/
- “Art et nature dans l’alchimie médiévale”, Revue d’histoire des sciences, 1996, Barbara OBRIST : https://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_1996_num_49_2_1256
Blandine