Je vous ai déjà parlé de l’armorial d’Hozier n’est-ce pas ? Mais si, il s’agit de cette grande tentative de réunion de toutes les armoiries portées en France, sous Louis XIV, entre 1696 et 1710. Le but de cette entreprise était de réunir les fonds nécessaires à renflouer les caisses de l’état, mises à mal par les coûteuses guerres de la ligue d’Augsbourg (1688 – 1697) puis de succession d’Espagne (1701 – 1714). Comment ? En prélevant des taxes pour chaque armoirie recensée bien sûr ! Cette taxe allait de vingt livres pour les particuliers (entre 350 et 500 euros suivant l’année et l’inflation tout de même) à trois cents livres pour les villes.
Mais bien sûr, tout le monde n’a pas voulu s’acquitter de ce nouvel impôt déguisé. Qu’à cela ne tienne ! La famille d’Hozier, en charge de l’armorial, demande aux commis de créer des armes dites « d’office » aux réfractaires. Environ la moitié de l’armorial sera alors rempli d’armoiries de ce type à partir de 1699. Si jusqu’en 1701, les commis pouvaient laisser libre cours à leur imagination en attribuant de simples armes parlantes ou des combinaisons moqueuses, leur apport est ensuite régulé et ils n’utilisent alors que des combinaisons mécaniques de pièces, meubles et couleurs. Ce qui est à mon avis nettement moins drôle.
Cette brève (deux ans seulement) période de l’histoire de l’héraldique française donne encore aujourd’hui de sacrés fous rires aux chercheurs en héraldique qui feuillettent le fameux armorial (accessible en ligne sur Gallica). Laissez-moi donc vous en présenter deux ou trois parmi les plus croustillants.
Joyeux Noël :
Certains Messieurs Noël, comme ici à Paris, se sont vus affublés d’un enfant Jésus sur leurs armes. Mais pour l’instant, rien de bien méchant quoique ce soit tout à fait ridicule.
Le lièvre et la tortue :
C’est ici que l’on commence à se moquer, car c’est sans doute contre son gré que le Lyonnais Claude Tardif se retrouve avec des armes d’argent à une tortue de sinople accompagnée de trois escargots d’azur. De nombreux autres Tardif se sont retrouvés comme lui avec des tortues sur leur blason.
De l’art d’envoyer paître … :
De même, en Bourbonnais, Jean Doyard se voit attribuer des armes parlantes de toutes beauté avec ce magnifique doigt d’honneur, sans doute lancé à la face du récalcitrant porteur.
… et de celui d’envoyer chier :
Il semble que les commis du Bourbonnais étaient en grande forme, car René Grandchier, curé de Saint-Quentin, se retrouve l’heureux porteur de ce qui sont sans conteste les armoiries les plus poétiques de la création : De gueules à un clystère d’argent. Le clystère était à l’époque utilisé pour faciliter le transit intestinal … Hum !
Sur ces quelques exemples, je vous laisse. Mais prenez garde : personne ne sait ce que le futur retiendra de vous !
Raphaël Vaubourdolle