La laideur dans l’art

De la beauté à la laideur : subjectivité et différences culturelles

Beauté et laideur. Voici deux termes vus comme contraires mais souvent associés l’un à l’autre à cause de leur antinomie. En effet, la laideur est le total inverse de la beauté pour l’opinion commune. Bien que l’on trouve beaucoup de définitions de la beauté dans la littérature et dans l’art, les idées esthétiques étant appréciées, on retrouve, à l’inverse, très peu d’essais ou de textes sur la laideur. Il n’y a pas d’histoire de la laideur. Pourtant, celle-ci est bien plus que le simple antonyme de la beauté.

Visage sculpté dans le bois.

Cimier Boki, premier tiers du XXe siècle, prov. Cross River (Nigéria), bois, H. 39 cm, vendu par la Galerie Eve Begalli

Les notions de beau et laid ne se retrouvent quasiment que dans les civilisations occidentales. En effet, on retrouve très peu de textes théoriques sur ce sujet dans les sociétés extra-occidentales. Malgré ça, une idée du plaisant et du répugnant existe chez chacun d’entre nous. Mais ces notions diffèrent selon les civilisations, les époques et leur contexte historique. Ainsi, la culture, le goût, l’éducation, ou encore les critères politiques et sociaux, rendent le beau et le laid subjectifs pour chaque personne. Les canons antiques ne sont pas les critères de beauté du XIXe siècle, ni ceux que nous connaissons aujourd’hui. La beauté en Europe n’est pas celle en Asie. Ainsi, une œuvre peut être considérée comme belle pour une civilisation, et ne pas plaire à une autre. Par exemple, pour un Occidental, un masque rituel africain peut être perçu comme effrayant, mais représenter pour les autochtones une divinité bienveillante.

La Tentation de saint Antoine, détail du retable d’Issenheim, Matthias Grünewald, 1515, Colmar, Musée Unterlinden

Mais que dire de la laideur ? Que dire de ce terme si négatif ? Pour Nietzsche dans Le Cas Wagner, la laideur est « symbole de dégénérescence ». Ce sont la maladie, la vieillesse, le handicap, la souffrance, la mort qui reçoivent ce jugement de « laid ». La laideur est quelque chose d’anormal ou quelqu’un d’anormal. Le philosophe définit comme hideux un corps où il manque quelque chose, ou lorsque quelque chose est de trop. Quand c’est trop petit, quand c’est trop grand, trop gros, trop mince : pour lui, les erreurs sont laides. Karl Rosenkranz suit cette idée dans son essai Esthétique du laid : il s’agit de la première et la plus accomplie des œuvres sur le sujet. Il affirme que, tout comme la beauté est la représentation du bien et du bon, la laideur est le mal, l’enfer. Mais cette fois-ci, le philosophe allemand va plus loin : pour lui, la laideur est bien plus riche et complexe que ce genre d’affirmations manichéennes. Il y a trop de formes de laideurs pour dire que le laid n’est que le contraire du beau.

C’est ainsi qu’on distingue deux types de laideur : la laideur en soi, c’est-à-dire tout ce qui est hideux à la vue (les excréments, les cadavres, la chair en putréfaction), et la laideur formelle. Cette dernière correspond à un déséquilibre dans les choses qui provoquent l’hideux.

De cette façon, beauté et laideur ne sont pas si différentes l’une de l’autre. Une belle représentation de la laideur peut devenir beauté : la beauté de la laideur peut ressortir grâce au talent de l’artiste. Par exemple, au Moyen-Age, une image du diable peut être belle visuellement si elle est bien représentée, même si elle provoque angoisse et terreur pour les fidèles.

Un personnage masculin et un personnage féminin se tiennent debout de face, émaciés, chétifs, maladifs.

Les Amants Trépassés, le Maître du Livre de la Raison, vers 1457, Strasbourg, Musée de l’Œuvre Notre-Dame

La mort et le martyr, des images omniprésentes

Chez les chrétiens, la Mort est un sujet omniprésent, notamment par le biais de l’Enfer et du Paradis, des pécheurs et des saints. Dans l’art, on retrouve de nombreuses images de la Mort qui, à l’époque, et même encore aujourd’hui, servent à effrayer les fidèles. Dans l’ouvrage Histoire de la laideur, écrit sous la direction de Umberto Eco, il est mentionné l’expression « cultiver la terreur ». Ainsi, la Mort et l’Enfer deviennent des images horrifiques, laides, qui amènent les croyants à se repentir de leurs actes mauvais et à ne plus en commettre, pour éviter cette Mort hideuse qui les attend.

Ce thème revient régulièrement au Moyen Âge, une période marquée par la famine, la guerre, la maladie, avec par exemple l’épidémie de Peste Noire, au XIVe siècle, en Europe, ayant fait plus de vingt-cinq millions de victimes. Ainsi, nombreuses sont les fresques où la Mort apparaît comme sujet, qui montrent cadavres et squelettes. Par exemple, cette peinture du Maître du Livre de la Raison, Les Amants Trépassés, réalisée en 1457, reprend très bien le thème de la Mort avec deux personnages ressemblant à des cadavres en décomposition, mangés par les vers et les insectes ; les corps sont squelettiques, la peau jaunâtre. Leur visage est crispé, leurs dents sont manquantes, leurs cheveux très rares. Ils semblent être quelque part entre la vie et la mort, maladifs. Cette image, volontairement laide, est censée provoquer répugnance et angoisse chez les vivants, face au destin inévitable qu’est la mort, à travers une description terrifiante de la putréfaction du corps. La laideur domine cette œuvre.

Danse Macabre du Triomphe de la Mort, 1485, façade de l’Oratorium des Disciples, Clusone

De plus, le thème de la danse macabre est récurrent dans l’art médiéval : il s’agit de la représentation de squelettes exécutant des chorégraphies sur le thème de la laideur du monde à cette époque, notamment les guerres et les famines qui font des milliers de victimes. Le triomphe de la Mort sur nous, humains, est retrouvé dans l’œuvre Danse Macabre du Triomphe de la Mort, avec des squelettes dansant autour d’un mort, encadrés de personnages agenouillés, servant des offrandes au défunt, et à la Mort en particulier.

La littérature reprend aussi souvent le thème de la Mort. Baudelaire, au XIXe siècle, dans Les Fleurs du Mal, décrit régulièrement des charognes, des corps en putréfaction. Le triomphe de la Mort sur nos vies, si courtes, se ressent dans l’œuvre du poète – une œuvre qui a fait scandale à l’époque tant la description de l’ignoble, de l’épouvantable et de l’indécent était précise et réaliste.

Finalement, toutes ces représentations de la Mort permettent une sorte de familiarisation avec notre destin inévitable, prématuré au Moyen Âge, pour en avoir moins peur. Mais à cette époque, et dans les siècles suivants, le thème du martyr est tout aussi récurrent et la laideur se retrouve dans les nombreuses peintures de la Crucifixion du Christ.

Le Christ est suspendu à la Croix, encadré de part et d'autre par la Vierge et saint Jean.

Crucifixion, Hugo Van der Goes, 15e siècle, Musée des Beaux-Arts d’Anvers, Belgique

« Le Christ battu de verges, couronné d’épines, cloué à la croix, mourant d’une mort lente et douloureuse, d’une mort de martyr, tout cela ne se laisse pas représenter sous les formes de la beauté grecque » Hegel, Esthétique, 1835

Dans de nombreuses peintures, sculptures ou même représentations cinématographiques, la mort du Christ sur la croix est montrée de manière épouvantable, dans le sang, la saleté et la souffrance. Le visage du Christ est tordu par la douleur, le sang dégoulinant sur son visage à cause de sa couronne d’épines. Son corps est torturé, maigre, recouvert de plaies et d’hémoglobine. Cependant, cette laideur laisse surtout présager la beauté intérieure du Christ par son sacrifice, et sa gloire dans la mort, étant le Messie des chrétiens.

Au Moyen-Age et au début de la Renaissance, les images de crucifixion sont brusquement réalistes, avec le sang, la chair, la saleté, la douleur, les larmes : cette laideur visuelle permet surtout de montrer la dure réalité de ce qu’a vécu Jésus Christ lors de son sacrifice. Nous pouvons retrouver ces détails sur le tableau de Hugo Van der Goes, un peintre flamand, réalisé au XVe siècle. Ici, le corps maigre du Christ est couvert de blessures, et son visage mort conserve encore toute sa souffrance. Les deux personnages autour de lui sont accablés. Les images du martyr sont souvent épouvantables à regarder, mais il n’est pas rare non plus qu’on retrouve des scènes de crucifixions idéalisées.

Le comique et l’obscène

Dans les sociétés humaines, que ce soit pendant la Grèce Antique, au XVIIe siècle de notre ère ou encore aujourd’hui, la question des limites a toujours été récurrente, qu’il s’agisse des normes du corps ou de celles du comportement en société. Les Hommes ont toujours imposé des limites : ne pas parler de sexe, d’excréments, ne pas décrire des corps malformés, c’est-à-dire des choses qui seraient désagréables à regarder. Mais un registre, se retrouvant dans toute forme d’art, permet de se débarrasser de ces normes et de parler des choses laides en public : il s’agit du registre comique, et plus précisément du comique burlesque. Ce dernier va traiter de sujets nobles, touchant la bienséance, pour rentrer dans les normes, mais avec des personnages vulgaires et un style bas, en passant par le rire. Ainsi, les artistes peuvent se moquer, dénoncer toutes ces « normes » qui empêchent l’être humain de parler des choses laides de son quotidien, qui, bien que désagréable à aborder, sont importantes. Les artistes utilisant le burlesque renversent les canons de beauté pour que l’on ne blâme plus la laideur, mais qu’on en fasse l’éloge.

C’est le cas en poésie. Par exemple, Francesco Berni, un poète italien du XVe siècle, dans les poèmes qu’il adresse à sa bien-aimée, emploie des termes burlesques liés à la nature, tel que le mot « tronc », pour la décrire. Cette femme, étant obèse, serait « laide » pour les canons de l’époque. Mais le poète la décrit tout de même de manière élogieuse, en énumérant ce qui était considéré comme « laid » chez elle, et en la montrant dans toute sa beauté à travers le champ lexical de la nature.

De plus, les sujets tabous comme le sexe ou les excréments sont utilisés par les artistes, et notamment les metteurs en scène et dramaturges, pour exprimer la laideur telle qu’elle est, sans jamais omettre son caractère répugnant. Cela, ils le réalisent grâce au registre du comique burlesque, avec des scènes exagérées qui se moquent de la haute société. Par exemple, dans Le Malade Imaginaire, Molière n’hésite pas à parler de maladies et de leurs détails répugnants à travers l’hypocondrie d’Argan. Il ne cesse d’avoir des visites médicales pour ses « maladies », ou va même jusqu’à demander à sa domestique, Toinette, d’étudier ses excréments.. En bref, parler de la laideur permet non seulement de se moquer, mais aussi de l’embellir. Ce processus se retrouve aussi dans d’autres domaines.

Caricature d’un groupe, John Hamilton Mortimer, vers 1776, huile sur toile, 83.8 x 106.7 cm, Yale Center for British Art

Nous pouvons nous attarder sur le type de satire qu’est la caricature. Il s’agit d’une forme de comique qui date du XIXe siècle, et encore très fréquente aujourd’hui. Utilisée le plus souvent dans la presse, elle permet de se moquer, d’humilier ou de rendre odieuses des cibles, en les rendant laides. Le dessin exagère une ou plusieurs parties du corps, ce qui permet d’enlaidir le sujet en grossissant ses traits. La caricature est née comme instrument de polémique, dirigée contre quelqu’un ou une classe sociale.

Mais au-delà de cet aspect moqueur, grossir les traits d’un individu peut aussi mettre en valeur une caractéristique physique ou morale, voire les deux. Ainsi, les caricatures peuvent non seulement permettre la moquerie en enlaidissant un personnage, mais peuvent aussi être d’une grande finesse psychologique, rendant visible le caractère de quelqu’un, ou la « caractéristique » propre d’une classe sociale ou d’un groupe de personnes. Pour reprendre Rosenkranz, la caricature serait la « rédemption esthétique du laid » : ainsi, elle ne se contente pas de grossir les traits, elle peut aussi être une belle représentation qui use de la déformation. Une bonne caricature met ainsi en avant la beauté de la laideur.

La laideur des femmes dans l’art : une forme de misogynie ou la mise en valeur des attributs féminins ?

Groupe de personnages festoyant de manière débridée.

Joyeuse compagnie, Bartolomeo Passarotti, 1550, huile sur toile, Stockholm National Museum, Suède

Pendant longtemps, la laideur des femmes se trouvait dans leur pouvoir de séduction, qui était soi-disant néfaste pour les hommes. Évidemment, les auteurs de ces propos sont masculins. Que ce soit Horace, Catulle ou Martial, ils avaient tendance, dans leurs écrits, à brosser des portraits de femmes très peu valorisants, en accentuant la laideur de leur corps et de leur âme. Ces femmes cacheraient, selon eux, ces défauts physiques et moraux grâce à des artifices, comme le maquillage, les vêtements, les bijoux, ou encore un caractère séducteur, qui tromperaient les hommes, pris au piège par ces viles créatures. Ces satires de femmes étaient une forme de misogynie parmi tant d’autres.

Pourtant, certains auteurs, bien qu’anciens, comme Ovide, un poète de la Rome Antique, font des descriptions plus élogieuses des femmes malgré ladite laideur physique de certaines. Par exemple, l’auteur du célèbre recueil de poèmes Les Métamorphoses écrit que les femmes sont embellies par leur vertu malgré les défauts physiques qu’elles peuvent avoir.

Ainsi, dans son ouvrage The Ugly Woman, Patrizia Bella distingue trois phases de développement de la laideur de la femme, dans la période allant du Moyen-Âge au Baroque. Dans un premier temps, au Moyen-Âge, elle parle de la représentation du corps féminin comme mauvais, mais aussi de l’image fréquente de la vieillesse qu’on retrouve dans l’art, vue comme une décadence physique, en contradiction avec la jeunesse plaisante, qui est agréable à regarder. Puis viens la Renaissance : à cette période, la laideur de la femme devient une sorte de divertissement burlesque, une source de moquerie, où l’on fait des « louanges » ironiques aux femmes jugées comme laides. Pour finir, Patrizia Bella évoque la période baroque, où l’on retrouve la valorisation positive des imperfections féminines.

Vieille femme très laide vue de face, la poitrine compressée dans un corset, sur un fond vert clair.

Vieille femme grotesque, Quentin Metsys, vers 1513, huile sur panneau, 62.4 x 45.5 cm, Londres, National Gallery

Pour évoquer la période médiévale, nous allons prendre l’exemple du célèbre poète, écrivain et penseur italien, Dante Alighieri (1265-1321). Dans l’ouvrage Purgatoire, deuxième partie de son œuvre La Divine Comédie, Dante aborde régulièrement le thème de la femme « vieille ». En effet, il en fait des portraits abjects, en prenant en compte, par exemple, une légende urbaine selon laquelle une vieille femme empoisonnerait les bébés d’un simple regard. Il reprend ce que disait ses prédécesseurs latins : la vieille femme, laide, se couvrirait d’artifices pour tromper les hommes, pour les attirer dans leur lit, et ces hommes ne découvriraient sa laideur que le lendemain au réveil. Un autre auteur italien, Boccace (1313-1375), ajoute une suite à ce discours avec les mots suivants : « Cette couleur rosée qui avait la nuance d’un lever de soleil te semblait, à toi, et à beaucoup d’autres, tout à fait naturelle, pourtant s’il vous avait été permis, insensés, de surprendre cette femme au saut du lit, vous auriez facilement reconnu votre erreur » (Il Corbaccio). Avec l’usage de la deuxième personne du singulier, l’auteur s’adresse directement aux hommes pour les mettre en garde au sujet de ces femmes « avec un visage jaune-verdâtre, ridé, dur et amaigri » qui cachent leur laideur grâce à des artifices pour les tromper.

Femme vêtue de blanc et de bleu, le regard perdu vers les cieux, les mains jointes, assise sur un rocher, devant un grand ciel nuageux, à côté d'un crane et d'une bouteille en verre translucide.

Sainte Marie Madeleine pénitente, Le Greco, vers 1584, huile sur toile, 108 x 101,3 cm, Worcester Art Museum

De plus en plus, ces ignobles portraits de femmes, tout à fait misogynes, deviennent ironiques. On se moque de la laideur, qui se transforme en un divertissement plutôt qu’en une critique négative. A partir de ce moment s’amorce une période de transition, accompagnée d’une sorte de « pré-féminisme », comme le dit l’ouvrage L’Histoire de la Laideur, qui se fait une place avec la poète italienne Lucrezia Marinella. Au XVIIe siècle, elle met en avant la beauté de la femme par rapport à la laideur des hommes dans son texte « La Noblesse ».

Cette période de transition nous amène donc à l’époque du maniérisme. Apparu au XVIe siècle, ce style artistique marque un tournant dans l’Histoire de la laideur féminine : « expressivité » est le mot d’ordre de ce mouvement, et avec cela, la difformité du visage et du corps se fait de plus en plus fréquente. Le maniérisme refuse la plate imitation de la réalité et les règles imposées par la Renaissance. Par exemple, Le Greco, un peintre espagnol important du XVIe siècle, a réalisé de nombreuses peintures à figures déformées, dont certaines sont féminines. Le tableau de Sainte Marie Madeleine pénitente en est un très bon exemple. La difformité de son visage et de son corps donne une impression de distension, ce qui lui agrandit les yeux.

La Vierge Marie tenant l'Enfant Jésus est accompagnée d'un groupe de personnages, dont un très petit dans le coin inférieur droit, devant une draperie et un arrière-plan avec une série de colonnes en trompe-l'oeil

La Vierge au long cou, Parmigianino, vers 1534-1535, huile sur bois, 216 x 132 cm, Florence, Galerie des Offices

Nous pouvons aussi prendre l’exemple d’un autre tableau bien connu, intitulé La Vierge au long cou, attribué au peintre italien Parmigianino. Cette œuvre est très représentative du maniérisme, du fait de la difformité du corps de la Vierge, dont le cou est beaucoup trop long par rapport à la réalité. Ainsi, les défauts physiques des femmes sont mis en valeur dans la peinture, au lieu d’être dénoncés dans des portraits péjoratifs qui dévalorisent ces dernières.

De cette façon, les artistes maniéristes font le choix du difforme, de l’extravagance et de l’expressivité, contrastant ainsi avec la beauté classique de la Renaissance. En mettant en valeur la laideur, les peintres de ce courant se distinguent de leurs contemporains.

Plus tard, au XVIIe siècle, c’est au tour du Baroque de s’opposer au Classicisme, avec un goût particulier pour l’extraordinaire, mais aussi pour l’exploration du monde des morts et de la violence. Le poète allemand Gryphius, bien que ses poèmes soient très classiques par la forme, évoque des thèmes jugés laids, qu’on préfère éviter : par exemple, dans le recueil Les larmes de la patrie, la guerre est invoquée. Dans la même idée, les imperfections des femmes deviennent des sources d’intérêts. Montaigne fait l’éloge de femmes boiteuses. D’autres poésies baroques voient le jour et font l’apologie des femmes naines, des femmes bègues, des femmes bossues, des grêlées. Aussi, la pâleur extrême de certaines femmes, perçue comme celle d’un teint maladif, est mise en valeur par des auteurs comme Le Cavalier Marin, qui fait l’éloge de sa bien-aimée à la peau très blanche, presque translucide. Plus tard, au XIXe siècle, c’est au tour de Charles Baudelaire de faire des portraits hideux de femmes charognes, qui mettent en valeur leurs défauts physiques.

En général, on retrouve beaucoup d’éloges de personnes considérées comme laides dès le XVIe siècle, hommes ou femmes, afin d’expliquer que certaines personnes peuvent être mauvaises à cause d’un physique trop souvent moqué et critiqué. Ainsi, Shakespeare met en scène la souffrance de Caliban dans La Tempête en suggérant que ce sont les regards haineux sur leur apparence qui l’ont rendu cruel.

 

VALENTINE BARTHOMEUF

 

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