Bienvenue au monde des rêves !
Rêver est quelque chose de merveilleux n’est-ce pas ? Pendant quelques minutes, quelques heures, vous embarquez dans une autre réalité, ou devenez quelqu’un d’autre. Si seulement nous pouvions passer des journées entières à contempler des œuvres emplies de rêves… quoique certaines tournent rapidement au cauchemar ! Peindre l’immatériel, l’irréel, plus qu’un sujet c’est le cœur de l’œuvre de Johann Heinrich Füssli. Ce peintre suisse naturalisé britannique n’a eu de cesse de sublimer le monde onirique dans sa douceur et son enchantement.
Il faut dire que le sujet est vaste tant les possibilités sont nombreuses. Représenter le rêve débute tout d’abord par la représentation du sommeil et le calme qui l’accompagne. Il vous suffit d’observer le Lycidas de Füssli peint entre 1796-1799 avec son jeune berger détaché de nous, déjà dans un autre monde au cœur d’une nuit bleue paisible. Le motif du berger endormi n’est d’ailleurs pas sans rappeler une autre œuvre, celle du Songe du berger, peinte vers 1793. Mais cette fois-ci nous entrons dans le rêve de ce-dernier entouré de fées dansantes et virevoltantes au-dessus de lui, le tout dans un jeu de clair-obscur et de courbes accentuant le caractère envoutant du tableau.
Si seulement tous les rêves pouvaient lui ressembler…
Le cauchemar, le grand chef-d’œuvre de Füssli
Le Cauchemar, Johann Heinrich Füssli, 1781, Detroit Institute of Arts
Il s’agit sans doute de l’œuvre la plus célèbre de notre peintre fantastique. Elle a d’ailleurs eu bien des versions sans compter tous les artistes qu’elle a inspirés.
Y figure une jeune femme vêtue de blanc, étendue de tout son long sur son lit, le buste tombant avec une sensualité morbide. Sur sa poitrine siège une créature effroyable issue du folklore germanique, un kobold le regard tourné vers nous de façon provocante. Cette scène représenterait au-delà d’un simple cauchemar, un viol et la paralysie de la jeune femme qui s’ensuit. En arrière-plan se trouve un spectre quelque peu étonnant, à savoir une tête de cheval ou de jument traversant le rideau entourant le lit. Il renforce cette apparition fantastique liée au cauchemar en apportant le caractère fantomatique plutôt effrayant. On peut aussi y voir un jeu de mots de l’artiste avec nightmare signifiant cauchemar et mare signifiant jument en anglais.
Cette scène effroyable du Cauchemar a inspiré bien des artistes qui ont repris la composition pour leurs propres cauchemars. On peut notamment citer le sculpteur Eugène Thivier à la fin du XIXe siècle utilisant également cette formule de la jeune femme allongée avec un monstre grimpant sur elle pendant son sommeil. C’est également le cas de James Whale dans son adaptation cinématographique de Frankenstein en 1931 où une jeune femme en blanc est étendue sur son lit alors que le monstre s’apprête à entrer dans la chambre.
En effet, les rêves et les mondes fantastiques se retrouvent lorsque nous sommes bien réveillés, notamment dans la fiction.
« Rêver éveillé » : le rôle de la fiction
S’extraire de la réalité n’est pas exclusif aux rêves ; l’imaginaire a également pour objectif de nous faire rêver ou bien peur, parfois dans l’objectif de nous enseigner quelque chose. Etroitement lié à la littérature de par ses fréquentations d’hommes et de femmes lettrés, Füssli est notamment célèbre pour avoir peint de nombreuses scènes des pièces de William Shakespeare. On peut par exemple évoquer sa Lady Macbeth somnambule conservée au musée du Louvre semblant horrifiée ; plutôt effroyable non ?
Thor luttant contre le serpent de Midgard, Johann Heinrich Füssli, 1790, Royal Academy of Arts, Londres
Au-delà de la littérature anglaise, Füssli s’est attaché à représenter bien des personnages fantastiques, dont certains sont issus de la mythologie scandinave. Un que vous connaissez certainement grâce au cinéma est Thor. Il est en effet présent dans Thor luttant contre le serpent de Midgard. Ce dernier aussi appelé Jörmungand entoure la terre avec sa queue, menaçant de déclencher la fin des temps, Ragnarök, ici empêché par un Thor triomphant avec sa musculature exacerbée.
L’onirisme et Füssli sont donc profondément liés aussi bien dans sa poésie que dans l’épouvante qui peut être représentée. A vous dorénavant de découvrir lesquelles de ses œuvres vous feront le plus rêver !
Raphaëlle Billerot – – Mauduit
