Une histoire du Haka Maori

Nous voici au cœur de l’automne, l’hiver ne va pas tarder à pointer le bout de son nez (d’ailleurs, vous ne trouvez pas qu’il fait vraiment froid ? Ça sent la neige !) et je vois déjà des pulls en laine aux couleurs de Noël débarquer dans la cafet’. 

Et si nous allions nous réchauffer un peu en Océanie ? 

Direction la Nouvelle-Zélande ! D’accord, la température n’y est pas si élevée et il y a beaucoup de moutons à la laine bien fournie, mais je vous assure que vous allez avoir chaud en lisant cet article ! 

Aujourd’hui, parlons un peu de sport. Nous allons faire du rugby ! En fait, nous allons peut-être nous arrêter juste avant que le match commence. Regardons les équipes du Pacifique se préparer !

Pour ceux qui ont déjà assisté à un avant-match de rugby opposant une équipe océanienne contre toute autre nation, vous avez certainement déjà vu un “haka”. 

Le haka, quésaco ?

Ce mot désigne une danse rituelle pratiquée par le peuple Maori, vivant en Nouvelle-Zélande. Elle intervient lors de conflits, de manifestations, de protestations, de cérémonies ou de compétitions amicales (comme le rugby). Cette danse, accompagnée par des chants, sert à impressionner, déstabiliser les adversaires des Maoris.

Si le haka est si célèbre aujourd’hui, c’est notamment grâce à l’équipe de rugby à XV de Nouvelle-Zélande, les All Blacks, qui l’a montré au monde en 1905. Depuis 1987, ils performent un haka avant chaque match.

D’où ça vient ?

Pour comprendre l’origine de cette danse guerrière, il faut se plonger dans la mythologie māorie. Ne vous faites pas de bile, vous allez vite comprendre ! Le dieu soleil Tama-nui-to-ra a eu un enfant avec la dame de l’été, Hine-raumati : Tane-rore. Descendant du soleil et de la chaleur, ce dernier représente le tremblement de l’air que l’on voit lors des journées chaudes d’été. Il serait à l’origine du haka. Les Maoris le représentent donc en faisant trembler leurs mains lors de la danse. Ce geste est appelé wiri wiri.

En māori, le mot haka signifie “faire”. Il désigne toutes les danses māories et pas uniquement les danses guerrières. Ce type de danse est pratiqué dans toute la Polynésie, c’est pourquoi les rugbymen d’Australie, de Fidji ou de Samoa font aussi un haka avant les matchs. Les équipes de basket et de rugby à XIII ainsi que les Wheel Blacks, l’équipe néo-zélandaise de rugby en fauteuil roulant, font aussi un haka avant leurs matchs, il n’est pas réservé aux All Blacks ! 

Qu’est-ce que ça veut dire ? 

Il y a différents types de haka. Le haka le plus célèbre est le “Ka mate”. Il a été créé en 1820, à partir d’une légende : un chef maori, fuyant ses ennemis, se serait écrié “ka mate” (“je suis mort”), puis, en les voyant s’éloigner, il se serait réjoui et aurait chanté “ka ora” (“je suis vivant”).

Le chant complet est : « Ringa Pakia Uma Tiraha Turi whatia Hope whai ake Waeuwae takahia kia kino ! Ka mate ! Ka mate ! Ka ora ! Ka ora ! Tenei te tangata puhuruhuru Nana nei i tiki mai, whakawhiti te ra A hupane ! A kaupane ! A hupane ! A kaupane ! Whiti te ra ! Hi ! »

Et la traduction : « Frappez des mains sur les cuisses 

Que vos poitrines soufflent 

Pliez les genoux 

Laissez vos hanches suivre le rythme 

Tapez des pieds aussi fort que vous pouvez ! 

C’est la mort ! C’est la mort ! C’est la vie ! C’est la vie !

Voici l’homme poilu Qui est allé chercher le soleil, et l’a fait briller de nouveau 

Faites face ! Faites face en rang ! Faites face ! Faites face en rang ! 

Soyez solides et rapides devant le soleil qui brille ! »

Le haka “Kapa o Pango” est une version plus violente : son geste final imite un égorgement. Il arrive aussi que les paroles comportent des insultes. 

Le haka peut être performé lors de guerres, mais pas seulement. On peut voir des personnes faire un haka dans les lycées, les universités, dans l’armée. Lors du défilé du 14 juillet 2011, à Paris, des militaires de la zone Pacifique ont effectué un haka devant la tribune présidentielle. Pensez-vous que les Français ont été effrayés ? 

Le haka n’est pas réservé à la guerre : il existe aussi des haka pour souhaiter la bienvenue à quelqu’un. 

En 2008, des étudiants de la région du Waikato (au nord de l’île du nord de la Nouvelle-Zélande) ont écrit un haka pour mettre en garde contre les ravages de l’alcool.

Le haka peut aussi survenir lors de réunions politiques. Hana-Rawhiti Maipi-Clarke, députée du Parti maori, a exécuté un haka en plein milieu du Parlement néo-zélandais pour manifester son désaccord face à la modification du traité de Waitangi, qui régit les liens entre les colons et les autochtones. Son intervention a été filmée et vue des millions de fois sur les réseaux sociaux. Elle a été suspendue de ses fonctions temporairement. 

Le 9 octobre 2025, une autre députée maorie, Oriini Kaipara, a elle aussi fait un haka lors d’une séance du Parlement. Gerry Brownlee, le président de la Chambre, a suspendu la séance, exaspéré.

 

Du côté européen…

Le haka a été remarqué par certains voyageurs, ethnologues ou missionnaires chargés d’évangéliser les populations autochtones. 

Abel Tasman est l’un des premiers navigateurs à décrire le haka, en 1642. Il n’est pas le seul à voir un tel spectacle : le voyageur russe Ivan Mikhaïlovitch Simonov le relate dans son journal de bord en 1819-1821, tout comme Louis-Auguste de Sainson, dessinateur et géographe pour l’expédition de Jules Dumont d’Urville en 1826-1829. Le haka n’est pas très apprécié par les nouveaux venus, qui ne voient que des “sauvages”. Ils se disent tout de même “bouleversés” par ce à quoi ils ont assisté.

Au milieu du XIXe siècle, le haka fut adapté au tourisme anglais. La Nouvelle-Zélande devait devenir “le dernier joyau de la Couronne d’Angleterre”, et pour favoriser le tourisme, des “concert parties” (“troupes de danses”) furent créées. En plus de voir les paysages néo-zélandais, les touristes étaient amenés à assister à des spectacles mêlant des mélodies occidentales, du jazz et du blues. Les maoris n’y chantaient pas réellement leur chants traditionnels, et les haka performés résonnaient avec l’idée du “féroce Maori” que se faisaient les Occidentaux. Les femmes maories, considérées comme de “belles indigènes” délicates, furent écartées du haka. Cela est pourtant absurde : les femmes apportaient un puissant appui vocal aux hommes en se plaçant sur l’arrière et sur les côtés. Elles assuraient aussi la protection magique du groupe, grâce à leurs organes sexuels, considérés comme sacrés. Le haka, utilisé comme outil touristique, n’était plus vraiment fidèle à lui-même.

Aujourd’hui, si le haka est surtout courant sur le terrain de rugby, les Maoris ne sont plus les seuls à l’exécuter. Lors de la coupe du monde de rugby en 2015, l’équipe anglaise a répondu au haka néo-zélandais par une parodie. Ils ont effectué un “Hakarena”, inspiré de la chanson Macarena de Los del Río. 

Les Maoris ne considèrent pas la réponse au haka comme un manque de respect, et cela s’est confirmé : Kevin Mealamu, talonneur de l’équipe maorie de rugby, a trouvé cette parodie “plutôt drôle”. Elle n’aura pas réussi à effrayer les All Blacks, qui ont même gagné la coupe du monde sur le territoire anglais cette année-là.

En bref

Le haka est une danse qui exprime les émotions et la passion du peuple māori. C’est un coutume très importante, qui engage aussi la réputation des tribus selon leur habileté à le performer. Le haka est aujourd’hui connu dans le monde entier. 

Cela peut aussi poser problème : la création de parodies de cette danse est parfois dénoncée par les Maoris, qui les considèrent comme de l’appropriation culturelle.

Charlotte Le Louarne

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