Ce qu’il en est des « witch marks » anglaises : réalité spirituelle

Comme la sorcellerie nous attire, et surtout en ce mois d’octobre (…qui nous pousse tout de même au pumpkin latte et aux photos de feuilles mortes) certains ne seront donc pas étonnés de voir le titre de ce billet !

Par ailleurs, vous avez sûrement déjà croisé un de ces motifs : effacé ou reproduit sur un bâtiment historique. [Si par hasard vous êtes déjà allés à Norfolk en Angleterre, où ont commencé les premières enquêtes/ études]. 

Et si ce n’est pas le cas, belle découverte à vous ! ouvrez l’œil (de la providence).

Oeil de la Providence, crédit Naïs Ollivier

En réalité, ce qui est regroupé sous le terme « witch marks » ne sont rien d’autre que des graffitis médiévaux et post médiévaux. Ces symboles intrigants, regroupés par familles, sont explicités par des hypothèses assez larges.

Le motif de rosette à 6 pétales par exemple est un des plus fréquemment rencontrés au cours des regroupements. Ce dessin exécuté au compas, avant d’être gravé la plupart du temps, a encore la côte parmi les plus jeunes qui s’ennuient en cours (hum). Il nous est familier, cependant on lui attribue plutôt à l’époque des vertus apotropaïques/de protection, un signe qui repousserait le démon, un peu comme une alternative païenne à la croix.

« Witch mark ». Crédit @Historic England

Certains sont sûrement sceptiques sur la tolérance de ces marques, à forte charge spirituelle, en contexte chrétien. En effet ce sont majoritairement – ironiquement- des murs d’églises qui accueillent ces motifs, présents par dizaines. Et pour cause, certains pensent qu’ils redoublent les protections chrétiennes. Une fois la peur de la sorcellerie estompée : ces graffitis sont considérés comme apportant chance et protection, et autonomes. Selon l’état des recherches, on les retrouve plus en contexte domestique à partir de la fin du Moyen Âge : sur des coffrets, occasionnellement, et près des ouvertures (fenêtres, cheminées), jugées plus vulnérables.

Anges et démons sont représentés dans l’église dans une forme de dichotomie moralisatrice : certains graffitis comme ici à Beachamwell dans le Norfolk, sont des contre-sorts, grotesques ou comiques, qui me rappellent l’esprit du sort « Riddikulus » de Rowling.

Crédit Naïs Ollivier

Cette autre forme de croyance est l’écho des voix populaires que ne relatent pas les textes, pour cause d’analphabétisme. Or le tracé de ces dessins informels n’implique pas la connaissance d’un alphabet. Ils pouvaient aussi bien être de la main d’un clerc que d’un marchand ou paysan. Bien évidemment on ne connaît pas tous les détails de la raison du placement et si quelqu’un était réellement missionné, mais on peut imaginer ce raisonnement-là ! Ils permettent historiquement de mieux comprendre l’ambiance et les mœurs de la société la plus populaire, dont les graffitis rituels sont nourris de ses peurs et convictions les plus fortes. Les motifs et leurs significations semblent par ailleurs évoluer en même temps que sa société.

Cela comble les limites archéologiques que l’on peut rencontrer, n’ayant pas tout cet aspect traditionnel du quotidien.

Pour aller plus loin, sachez que ces marques sont assez endémiques d’un territoire, de certaines églises, et qu’il en existe une variété immense : tout un bestiaire animal également, assez mythologique, ou bien lié à l’agriculture. On retrouve aussi beaucoup de bateaux, qui peuvent être très symbolique dans le passage d’un état à un autre, comme le souhait qu’un des leurs soit en sécurité sur les mers. Entre autres aspirations transcrites. Ces graffitis sont des prières rendues solides dans la pierre, qui permettent une intercession directe personnelle avec le monde supérieur, sans avoir à passer par des membres de la hiérarchie comme un évêque ou le pape.

 

Cet article est basé sur les recherches de Medieval Graffiti: The Lost Voices of England’s Churches (2015), De Matthew champion

Point historiographie : ces marques, à distinguer de celles plus explicites dites « marques de tâcherons », intéressent les chercheurs depuis des décennies, mais un des précurseurs reste Ralph Merrifield, dans les années 80.

Naïs