Le chat dans l’art

Voyage symbolique entre ombre mystique et lumière numérique

 

Complexe est le chat. Tantôt attachant et exaspérant, tantôt serein et distrayant, mais parfois angoissant et mystérieux, cette petite boule de poils à la fourrure si douce incarne à la fois une figure familière et insaisissable qui ne cesse de fasciner les artistes de tous les âges, de toutes les époques et de tous les styles. En effet, les humains s’adonnent quotidiennement à la représentation graphique de leur environnement physique, mais également à celle de leurs croyances et de leurs mythes. Personnage du quotidien, le chat s’observe dans tous ces aspects de la vie de l’homme et les œuvres qui le figurent manifestent cette connexion entre l’homme et son environnement. L’intérêt pour le félin, traduit par ses nombreuses effigies, pourrait refléter les qualités que l’homme aspire à posséder.

Ainsi, le chat avec sa nature mystérieuse et énigmatique, sa robe élégante, son extrême indépendance, sa malveillance sporadique et son intelligence patiente peut en fasciner et en questionner un bon nombre. Il devient alors divinité, symbole mystique, voire diabolique ou encore simple compagnon domestique. Il inspire et se dresse comme un témoin silencieux de l’évolution des sensibilités artistiques. De l’Égypte antique à l’art contemporain, le chat, bien malgré lui, se charge en symboles. Quoi de mieux que cette saison automnale annuellement emplie de récits surnaturels pour explorer et interroger l’évolution des représentations de cette icône du mystère à travers les âges et les médiums de l’art. Continuer la lecture

Les chats vont-ils dominer le monde ?

Il n’est pas facile d’imaginer ce que le futur nous réserve surtout face aux évènements actuels mais si certains ne semblent pas avoir été atteints par cette crise, ce sont bien les chats. Dotés d’un flegme bien supérieur à celui des Britanniques, les chats ont continué leur vie et ont gagné du territoire face à notre absence. « Quand le chat n’est pas là, les souris dansent » est devenu « Quand les gens ne sont pas là, les chats dansent » ou un truc comme ça. Les chats ont su prendre leurs droits dans des rues vidées de leurs passants. C’est ainsi que le site désert de Pompéi a vu de nouveaux habitants à quatre pattes emménager au milieu des archéologues. Le seul problème, c’est qu’une fois que les chats sont là, ils ne bougent plus. Ceci m’amène à la première règle à savoir sur les chats : il n’habite pas chez vous, vous habitez chez lui. Laisser entrer un chat chez vous, c’est pire qu’un vampire : IL NE PARTIRA PLUS JAMAIS !

Comme pour beaucoup de domaines, regarder vers le passé permet de réfléchir sur les possibilités du futur et ici plus spécifiquement d’une nouvelle domination du monde par les chats. Je parle bien de nouvelle domination mondiale des chats car, bon, on ne va pas se mentir mais la fascination des Egyptiens pour les chats ça ressemble quand même beaucoup à une bonne domination sur une période quand même assez importante. Les chats y étaient notamment considérés comme l’incarnation sur terre de la déesse Bastet, cette dernière est la déesse de la joie du foyer, de la chaleur du soleil mais surtout protectrice des femmes enceintes et des enfants. Le chat est donc perçu de manière positive et très souvent représenté dans l’art égyptien probablement pour sa valeur protectrice. Le chat était donc respecté de tous et vivait pépère dans l’Egypte antique mais est-ce que cela a vraiment changé ? Le contrôle du monde par les chats a-t-il cessé un jour ? Actuellement, 30% des foyers français possèdent un chat contre seulement 20% pour les chiens (soi-disant le meilleur ami de l’homme). Les chats ont su s’imposer chez nous en nombre sans que nous ne le remarquions, subtilité et discrétion sont ses maîtres-mots.

Pour arriver à leurs fins, ils profitent d’une disposition de l’instinct humain. En effet, nous sommes plus enclins à trouver mignon ce qui est plus petit que nous. Cet attrait s’accentue à mesure que l’être concerné ressemble à un bébé. A quelques exceptions près, le chat fait le poids d’un bébé (entre trois et quatre kilos en moyenne) et sa taille lui permet alors d’être porté comme un nouveau-né, ce qui est vraiment beaucoup trop mignon quand même. Le chat se sert de cette disposition humaine pour obtenir tout ce qu’il veut. On parle quand même du seul animal qui a un endroit précis pour faire ses besoins, espace souvent muni d’un couvercle et d’une porte pour plus d’intimité. Et si vous pensez que les gens allergiques aux chats sont protégés contre cette domination, ils ne le sont pas ! Il existe aujourd’hui des chats dits « hypoallergéniques ». Non, je ne parle pas des Sphinx mais de chats bien poilus qui ne causent aucunes réactions allergiques. Parce que oui, les poils du chat sont une arme essentielle de sa domination. L’humain comme beaucoup de primates est rassuré quand il peut caresser les poils de ses congénères mais plus la surface est douce plus ça marche. Donc autant vous dire que les pitits poils trop meugnon du tout pitit matou, c’est vraiment top mais je m’égare.

Le chat a su développer son intelligence pour s’immiscer dans nos foyers et copier notre savoir pour un jour pouvoir prendre le contrôle du monde. Tous les complotistes n’ont rien compris, on parle de vraie théorie ici. Vous pensez que votre chat vient s’allonger sur votre ordinateur parce qu’il veut votre attention ? Que nenni ! Plusieurs options sont possibles ici, 1) il essaie d’écouter votre cours en même temps que vous pour accumuler du savoir (et prendre le contrôle des musées dans notre cas), 2) il essaie de vous empêcher de travailler pour s’affirmer comme le seul à pouvoir subvenir aux besoins de votre foyer. Effectivement, tous les cadeaux qu’il vous fait d’animaux morts ou de jouets (ça dépend de ses ressources) sont un moyen pour lui de participer à la vie de son foyer. Vous trouvez ça mignon tout plein ? Encore une fois, vous ne devriez pas ! Il fait tout ça pour que vous le trouviez encore plus mignon et que vous soyez à sa merci.

Pour preuve, abordons maintenant le cas du seul, de l’unique, du Jack. Oui, il s’agit de mon chat mais je saurai rester objective. Pour le bien de l’humanité, je vous le promets. Ce chat est la preuve ultime qu’une domination féline mondiale se prépare. Bon certes il a pas inventé le fil à couper le beurre comme on dit chez moi (ou il a pas l’électricité à tous les étages, bref vous avez compris) mais il sait se montrer féroce malgré sa dent en moins. Il a su ces dernières années mettre au point des plans infaillibles qui laissent entendre qu’il est peut-être beaucoup plus malin qu’il ne le laisse paraître. En effet, Jack (ou Jacko pour les intimes) a une passion inexpliquée pour les éponges. Afin qu’il ne s’empoisonne pas avec et qu’il ne ruine pas toutes nos éponges, nous avons décidé de les ranger sous l’évier. Ce que nous n’avions pas pu prévoir, c’est que durant les deux années suivantes Jack travaillerait d’arrache-pied entre deux siestes à ouvrir la porte de l’évier et il y est parvenu (on a dû mettre un bloque-bébé, c’est pas une blague). Bref, si même mon chat est capable de mettre en place des plans si complexes, vous devriez vous inquiéter !

Je tenais tout de même à accréditer mon modèle photo pour l’illustration de cet article : Jack Le Roux, probablement encore en train de faire une sieste ou en train de m’empêcher de dormir avec ses ronrons. Ah oui, méfiez-vous de la ronronthérapie aussi, c’est louche cette histoire.

P.S. : Oui, je change mes draps régulièrement. Ne vous inquiétez pas.

Tyfenn Le Roux

My Wife’s lovers : quarante-deux amants à moustache

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Article de Lou Gellé

Ah, les chats !

Ils suscitent tant d’engouement de nos jours. Combien d’entre nous peuvent passer des heures à s’extasier devant vidéos de chats tentant acrobaties ou galipettes en tous genres et photos de chatons si adorablement mignons qu’on en miaulerait ? Eh bien figurez-vous que cette obsession féline concernait déjà nos ancêtres ! Et par « nos ancêtres », je veux bien sûr parler de Kate Birdsall Johnson, comme l’aviez sans doute deviné. Si nous nous contentons de câliner ces petites boules de poils et de soupirer extatiquement devant leurs photos, cette charmante dame du XIXe siècle, elle, en possédait des dizaines, et parfois même des centaines.

« Boule de poils »

Ce n’est d’ailleurs pas le terme le plus approprié, d’une part parce qu’il est de notoriété publique que les chats sont des créatures supérieures, mais aussi parce que certains de ses chats (exclusivement des angoras ou des persans) lui avaient coûté plusieurs milliers de dollars ; notamment son chat favori, du charmant nom de Sultan, acheté à Paris pour 5000$. Madame Johnson savait trouver les noms appropriés pour ses princes félins, comme nous le prouve un compagnon coûteux de Sultan qui, après avoir allégé le porte-monnaie de sa maîtresse de 3000$, reçut le doux nom de Royal Norton.

« Quel rapport avec l’art ? »

Laissez-moi dans un premier temps m’offusquer face à votre incompréhension de la dimension artistique du nom « Royal Norton » et passons maintenant aux événements tragiques de 1889. C’est cette année que Kate Johnson perd son mari, dont la fortune minière lui avait permis de loger des dizaines de chats persans dans une villa secondaire et d’employer des servants pour les amuser avec divers aquariums et oiseaux exotiques. Moins d’un an plus tard, en 1890, sa fille unique meurt elle aussi, de la tuberculose.

Plongée dans la tragédie, notre « ancêtre » cherche le réconfort dans ses chats puis rencontre en 1891 le peintre autrichien Carl Kahler, et lui demande alors d’immortaliser ses chats en peinture. Mais malgré les nombreux voyages de celui-ci et sa réputation de « génie erratique » d’après les critiques, il lui avoue ne jamais avoir peint de chat. Cela n’arrête cependant pas madame Johnson, qui lui offre une importante somme d’argent et lui laisse le temps de se familiariser avec ses compagnons. Il reste ainsi pendant deux ans avec sa cliente, prenant le temps d’étudier chaque chat individuellement.

Se succèdent ainsi croquis et esquisses, dans lesquelles Kahler tente de saisir le caractère de chacun de ses modèles à longs poils, résultant parfois en de petits tableaux indépendants. Il semblerait qu’il ait réussi, puisqu’au centre du tableau final, posant fièrement au milieu de ses sujets dans l’attitude caractéristique du chat persan souverain, le regard vif établissant clairement sa supériorité, se trouve Sultan. Derrière lui, les plis d’une longue robe satinée cascadent sur l’emmarchement, qu’il proclame explicitement être son territoire par son port altier et autour de lui, les quarante-et-un autres favoris de Kate Johnson. Certains semblent intrigués par un papillon au pied de l’escalier, d’autres s’observent, se surveillent avec méfiance, taquinent leurs voisins d’un coup de patte. Une portée de chatons aussi blancs que des oeufs en neige s’amuse dans le drapé satiné et miaule autour de leur mère. Le tableau est si attendrissant…

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Carl Kahler, My Wife’s Lovers, 1891, Collection Privée

Les amants de ma femme ?

Ce à quoi on ne s’attend pas vraiment avec un titre pareil, My Wife’s Lovers, mais c’est pour le mieux car qui serait assez fou pour préférer deux éphèbes dénudés à quarante-deux adorables chats et chatons ? Un titre que l’on voudrait attribuer à M. Johnson, en toute logique et selon divers articles, le décrivant alors comme un personnage sympathique et plein d’humour. Difficile cependant pour lui de faire preuve de tant de verve alors qu’il était mort depuis plus de quatre ans…

Des dimensions colo-chat-les !

Mais ce qui rend ce tableau encore plus attrayant aux yeux du public, ce sont ses dimensions. Au bout de deux ans passés entouré de chats, Carl Kahler nous a laissé une toile d’1,80m sur 2,60m (et de 103kg !), le plus grand tableau de chats à ce jour connu. Ce titre, digne d’apparaître dans la prochaine édition du livre des records, combiné à l’amour fasciné que même les plus riches d’entre nous semblent porter aux chats, lui a permis d’être récemment vendu aux enchères à un particulier et ce, pour 826 000$. Soit environ 165 Sultan(s) ou 275 Royal Norton(s) !

Je suis, bien sûr, totalement consciente du fait que Royal Norton était un chat unique, et ne fais qu’émettre des hypothèses.