En 2025, la ville d’Aix-en-Provence a décidé de célébrer Paul Cézanne (1839-1906).
Le « père de l’art moderne » est mis à l’honneur par sa ville natale autour de différents sites ayant marqué son art : la demeure familiale du Jas de Bouffan, les carrières de Bibémus et son atelier des Lauves. En parallèle, le musée Granet organise une exposition exceptionnelle dédiée à l’artiste.
Pour explorer ces sites (hormis le musée) la visite guidée est obligatoire. Les places sont donc rares et l’anticipation est de mise, anticipation que je n’ai eue qu’à moitié. C’est pourquoi cet article se concentre sur l’atelier des Lauves et l’exposition du musée.

Paul Cézanne dans son atelier des Lauves / ©Marie-Charlotte Mille, 2025
L’atelier des Lauves
L’atelier des Lauves est l’ultime atelier de Paul Cézanne. Il y travaille entre 1901 et 1906 et y réalise une dizaine d’œuvres dont de célèbres natures mortes et sa dernière version des Grandes Baigneuses. C’est une petite bâtisse à deux niveaux, construite par Cézanne lui-même pour que chaque détail serve sa création. Le rez-de-chaussée est composé de pièces de vie et est actuellement en rénovation. La visite se limite donc au premier étage, son atelier.

Intérieur de l’atelier des Lauves, mobilier et objets d’origine / ©Marie-Charlotte Mille, 2025
Au sommet de l’escalier en tomettes, c’est une immense verrière qui nous accueille. Orientée plein nord, elle permet à Cézanne de bénéficier de la meilleure des lumières. Les murs sont peints en gris clair, teinte que l’artiste a préférée à un blanc trop brillant. Contrairement à la tradition provençale, le sol n’est pas en pierre mais en parquet, afin d’éviter là encore les reflets déplaisants. L’ingéniosité de l’artiste est telle qu’il fait installer une fenêtre spéciale, étroite et très haute, lui permettant de faire entrer et sortir ses plus grandes toiles. Au fond de l’atelier reposent le mobilier et les objets ayant servi de modèles à ses œuvres les plus connues : pot à gingembre, pot à olives, crânes, un Amour en plâtre. Tout est d’origine. C’est assez impressionnant de pouvoir les voir en trois dimensions.
La visite dure une heure sans compter le temps passé à flâner dans le jardin, à l’ombre des pins et des oliviers.

Pot de Gingembre, Huile sur toile, Prêt de The Phillips collection, Washington DC, USA / ©Marie-Charlotte Mille, 2025
Le musée Granet
Le musée Granet d’Aix-en-Provence propose une exposition internationale rassemblant de nombreuses œuvres provenant notamment de Paris, New York, Tokyo ou encore Londres. Il s’agit de créations réalisées par Cézanne durant les 40 années qu’il passe dans la demeure familiale du Jas de Bouffan.
À travers un parcours thématique sont exposées une centaine d’œuvres réalisées entre 1860 et 1899.

Reconstitution d’un mur peint, Huile sur plâtre montée sur toile, Collection particulière / ©Marie-Charlotte Mille, 2025
Le début de la visite met en lumière le premier atelier de Cézanne : le grand salon au rez-de-chaussée de la demeure. Les fragments exposés, notamment ceux découverts durant les travaux de restauration en 2023, révèlent un Cézanne peintre de grand décor, naviguant entre la peinture religieuse et les paysages de Claude Lorrain.
Le parcours se poursuit par un ensemble de peintures assez sombres et tourmentées, issues de sa période « couillarde » (terme choisi par l’artiste lui-même). Parmi les nombreux portraits réalisés au Jas de Bouffan se trouve l’unique œuvre de Cézanne acceptée au Salon de 1882, Louis-Auguste Cézanne, père de l’artiste, lisant l’ Évènement.

Louis-Auguste Cézanne, père de l’artiste, lisant l’Évènement, Huile sur toile, Prêt de la National Gallery of Art, Washington DC, USA / ©Marie-Charlotte Mille, 2025
Viennent ensuite de nombreuses natures mortes. Les œuvres exposées mettent en avant ses recherches : échelles, perspectives… Cézanne bouleverse déjà la tradition. Un espace est ensuite réservé aux nus de l’artiste. On sait par le témoignage d’un critique d’art de l’époque que Cézanne réalise au Jas de Bouffan une de ses fameuses Grandes Baigneuses.

Baigneurs au repos, Huile sur toile, prêt du Musée d’Art et d’Histoire, Genève, Suisse / ©Marie-Charlotte Mille, 2025
Vient ensuite une figure longtemps absente du parcours : Hortense Fiquet, l’épouse de Cézanne. Craignant le rejet de son père et la perte de sa pension, il cache longtemps son existence ainsi que celle de son fils. Ce n’est qu’en 1886 que Hortense s’installe au Jas de Bouffan. Elle est la figure féminine principale de l’œuvre de Cézanne qui loue sa capacité à poser « telle une pomme ».

Les Joueurs de cartes, Huile sur toile, prêt du Musée d’Orsay, Paris / ©Marie-Charlotte Mille, 2025
L’avant-dernière salle présente l’attachement de l’artiste aux paysans peuplant sa Provence. Au Jas de Bouffan, Cézanne entame une série de tableaux représentant des joueurs de cartes. Parmi les œuvres exposées se trouve une représentation similaire, Les Joueurs de cartes, attribuée à Mathieu Le Nain. L’œuvre a très probablement inspiré Cézanne.
Finalement, la visite se termine par plusieurs représentations des environs de la demeure. Les paysages, si présents dans l’œuvre de Cézanne, nous montrent ici des maisons et toitures géométriques, une touche hachurée, des teintes ocres et chaudes. Cette salle offre en quelque sorte une synthèse de l’héritage artistique de Cézanne.
Marie-Charlotte MILLE

Maison et ferme du Jas de Bouffan, Huile sur toile, National Gallery, Prague, République Tchèque / ©Marie-Charlotte Mille, 2025
L’atelier de Lauves, Aix-en-Provence. Jusqu’au 2 novembre 2025 Cézanne au Jas de Bouffan, Musée Granet Aix-en-Provence. Jusqu’au 12 octobre 2025 Réservation et infos : www.cezanne2025.com
