Dans le monde des créatures magiques et légendaires, où règnent les dragons, les basilics, les phœnix et autres joyeux lurons à la Harry Potter… Voici le bonnacon ! Non, personne ne connaît, hormis les amateurs des bestiaires médiévaux et des enluminures douteuses. Il mérite cependant à être l’une des créatures les plus loufoques !
Cet animal au corps de bœuf, à la crinière de cheval et aux cornes recourbées en arrière juste au dessus de son crâne, n’a en soi, rien d’extraordinaire sur son apparence. Il apparaît dans l’Histoire Naturelle de Pline (VIII, XVII, 1) et viendrait de Péonie entre Macédoine et Bulgarie, l’auteur montre son incapacité de combattre ce qui l’a poussé à développer un système de défense tout particulier. Le bonnacon fuit, mais attention, il fuit en projetant une fiente jusqu’à 75 ares soit environ trois mètres* (nouveau record du monde) ! De plus, sa projection a la propriété de s’enflammer sur tout ce qu’elle touche, arbres, lacs, hommes, même votre chaton préféré… Quel est le chasseur qui a eu la brillante idée d’allumer une allumette près d’une flatulence d’un bœuf ?
La légende a ensuite été reprise dans les Bestiaires, d’après les sources que donnent Pline et Solin, à une différence près, notre bovidé pétomane viendrait d’Asie. Au Moyen Âge, sa représentation est toujours la même, elle dépeint le moment fatidique où le bonnacon lâche ses excréments sur les chasseurs qui le poursuivent, tentant de se protéger tant bien que mal avec un bouclier. Pourquoi le représenter ainsi ? Il n’y a qu’une unique hypothèse chez Thomas de Cantimpré (Liber de natura rerum, VI, 11) pour qui l’animal représente les bons dignitaires de haut rang de l’Église qui s’infligent une vie d’austérité comme s’ils avaient des cornes du bonnacon qui leur meurtrissaient ses chairs. Tout en l’imposant à ceux qui sont placés sous son autorité, sans autant les blesser, pour montrer leur propre acceptation d’ascèse et d’assurer leur Salut. Cette interprétation est alambiquée, ce cher Thomas a dû un peu forcer sur le vin ou la bière pour ne retenir que la caractéristique la moins gênante…
Une chose est sûre, le bonnacon serait parfait pour revenir sur le devant de la scène dans le monde fantastique des bizarreries médiatiques d’un griffon ou d’une manticore aussi agréables à voir que la facture de votre dernière soirée. Un peu d’humour fait du bien.
* pour d’autre il s’agirait de 600 mètres, mais ne vous fiez pas à Wikipédia, sinon ce serait une bête de compétition qui concurrencerait les snipers
Déborah Philippe