1982, le post-disco bat son plein. Un des tubes interplanétaires de cette année-là est bien Just an Illusion, du groupe Imagination, mené par Leee John (oui avec trois « e »…), Ashley Ingram et Errol Kennedy. Tel Desireless, dont nous avions parlé dans notre dernier Clip mania, ce groupe a eu une carrière un peu éclair. Malgré plusieurs années d’activité (1981-1992) et quelques hit-singles, Imagination est surtout connu grâce à ce titre, qui est le seul – me semble-t-il – a être passé à la postérité.
La signature sonore du groupe, un rythme au synthé simple et efficace (comprendre « entêtant »), se fait entendre dès les premières secondes du morceau. Côté vidéo, l’ambiance est posée : Leee John regardant autour de lui, les yeux inquiets, ainsi que la brume épaisse nous indiquent une atmosphère un peu glauque, entre réalité et illusion. Heureusement, les trois beaux mâles qui ne savent pas faire semblant de courir, les effets spéciaux cheap et les costumes shiny-glossy-toomuch nous ancrent bien dans la réalité des années 80. Après une séquence d’introduction avec quatre fois le mot « illusion » et un plan un peu long sur le château (hanté, vous vous en doutez, et dont l’intérieur va servir de décor à la suite du clip), entrent enfin les basses et les nappes typiques de l’époque : on croirait presque à du Kool and the Gang des meilleures années.
La confusion s’arrête quand le chanteur entame le premier couplet, et la chorégraphie qui va avec, bien sûr. Vous apprécierez au passage le fard à paupières et le gloss subtils. À travers les images et les paroles, le cadre est d’autant plus planté : la maison hantée, les squelettes qui dansent, les toiles d’araignées, « another place, another time », pour résumer. On peut alors enfin faire du playback car le refrain arrive, annoncé par ces célèbres « ooh ooh ooh ooh ah ah » ! Et avec lui, des apparitions en fondu d’une famille semblant sortir d’un autre temps (ah, vous voyez que les paroles et le clip sont raccords !). Leee se balade donc gaiement dans cette maison, l’inquiétude ayant complètement disparu de son visage… Normal, il sait que c’est juste une illusion (et en profite pour nous le réasséner une bonne demi-douzaine de fois d’ailleurs). Profitons du refrain pour nous plonger dans les paroles et dissiper le doute une bonne fois pour toutes : les « coudoubedouda » sont, en réalité « Could it be that » et « Putting me back ». Ne vous en voulez pas, toute personne sensée est déstabilisée par ce passage absolument incompréhensible pour les oreilles mais aussi pour les yeux : le combo chorégraphie / nœud lavallière en satin, le tout rehaussé par un petit filtre flou gaussien, me laisse sans voix.
Et là, c’est le coup de grâce : on ne comprend plus rien, entre les enfants qui sont, au choix, traumatisés ou traumatisants, les jouets qui dansent… Le reste du clip n’est plus qu’un vaste pot-pourri de tous les filtres de Photoshop 1980 et se conclut sur une scène un peu déstabilisante dans la salle à manger. On croirait à une séquence « making-of » qu’ils ont oublié de couper au montage où l’on voit les figurants s’éponger le front, la maquilleuse s’occuper du chanteur et le chef plateau décider du prochain cadrage. Est-ce pour nous rassurer sur le fait que le château n’était pas vraiment hanté, pour nous montrer que tout cela n’était qu’une vaste illusion ? Peut-être est-ce cela, ce petit côté what the fuck, qui rend les années 80 si savoureuses pour nous, plus de trente ans plus tard. On en viendrait même à espérer de ne jamais se lasser de ces mélodies et costumes si vintage.