Love, sorti en cette belle année de 2015, est le dernier film de l’atypique réalisateur Gaspar Noé, avec Karl Glusman, Aomi Muyock et Klara Kristin. Il raconte l’histoire d’amour houleuse entre Murphy et Electra, deux jeunes personnes étrangères qui tentent de faire vivre et survivre leur amour dans la capitale française.
Love est un bon film, avec certes des défauts, mais qui marque par cette image soignée et magnifiée propre au cinéma de Noé. L’image est d’une rare qualité, un véritable effort a été fait sur la photographie. L’image est très fixe, propice à la contemplation. Et quelle contemplation ! Beaucoup de scènes d’ébats sont parfaitement magnifiées, malgré une frontalité qui peut surprendre de prime abord. C’est notamment au niveau de la lumière qu’un travail de perfection a été fait : elles sont choisies soigneusement, les contrastes sont marqués et les ombres profondes. Cela se voit très bien dans une scène où le couple que l’on suit est allongé dans son lit après avoir fait l’amour, épuisé et sous substances : la composition du cadre et les ombres incroyablement marquées subliment les drapés de la literie où nos protagonistes sont étendus, renvoyant clairement aux plus belles toiles de maîtres.
Par ailleurs, l’aspect extrêmement direct du film dans son visuel sert autant le film qu’il le dessert au final. En effet, si au début du film cela fonctionne relativement bien, aussi bien par l’aspect de surprise que cela représente (le film s’ouvre tout de même sur une vision de notre couple se masturbant mutuellement – et vous l’aurez compris, on voit tout) que par la certaine sublimation des scènes de sexe, avec un grand soin porté à l’image. Mais malheureusement, cela ne dure pas et le film tourne rapidement vers une certaine vulgarité, à cause de la gratuité de certaines scènes. Certes le film ne se renie pas ainsi, mais on perd parfois la pâte artistique dans une frontalité un peu inutile. Ce moment du film où le pénis du personnage principal éjacule en face du spectateur est en soi une scène totalement gratuite, sulfureuse pour être sulfureuse, sans réflexion derrière, si ce n’est d’uniquement choquer.
Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le film choque ce public qui se pense sulfureux en allant voir ce long-métrage et qui pourtant ne peut se retenir de rire comme des adolescents attardés juste parce qu’il voit sur grand écran ce que tous ont vu au travers de leur écran d’ordinateur. Cela est finalement assez représentatif de la manière dont le sexe et la sexualité sont considérés encore dans notre société, soi-disant sans tabous, et pourtant nombre de gens sont finalement gênés dès que le thème des fesses arrive. Et les nombreux bruits et interjections de dégoût quand la vision du corps d’un transsexuel est apparu (soupir) sont là aussi une bonne démonstration de la « tolérance » de notre société.
Et c’est finalement là l’image du personnage principal, notre Murphy qui sort des discours à sa copine sur son côté libéré et sa volonté de tester de nouvelles pratiques, et qui lorsqu’il se retrouve face à ses paroles, face à ce qu’il soit-disant désirait, se dégonfle et réagit comme bien des gens, fuyant de dégoût, la queue entre les jambes. Murphy est un véritable archétype stéréotypé de l’hétérosexuel, dont le fantasme, à savoir faire un plan à 3 avec deux femmes, est d’un banal sans nom. Et comme tout le film, l’histoire, est de son point de vue, cela peut sembler, de prime abord, comme extrêmement hétéro-centré, mais ce serait passer à côté de la vision que le film donne de cette vie hétérosexuelle stéréotypée : quelque chose qui s’essouffle vite, où l’amour, la profondeur des sentiments, manque cruellement.
Les personnages, désireux de vivre une grande histoire d’amour, se retrouvent face à leurs propres contradictions, où leurs actes ne répondent pas à leur volonté. Car ils ne savent pas ce que c’est de réellement aimer, ils ne savent pas où le trouver, où le chercher. L’amour est loin, introuvable. L’amour est perdu.