Nous l’avons tous vue, que ce soit par les partages sur les réseaux sociaux ou par le mail de Claire Barbillon, cette tribune du 13 mars 2019 dans Libération « Climat : après nous, pas de déluge », par le Réseau étudiant pour un patrimoine bleu – Margot Rousset, Gabrielle Carron et Romane Gorce, qui incitait tous les élèves en histoire de l’art et archéologie à aller manifester pour le climat lors de la marche des étudiants qui s’est déroulée vendredi 15 mars.
Pourtant, ce que nous voyons sur les grands médias, tels que FranceInfo et Le Monde par exemple, ce sont des articles et des images des incendies et des violences qui se sont déroulés en marge des cortèges, particulièrement lors de la marche du samedi 16 mars, où l’action des Gilets Jaunes rejoignait celle de la lutte pour le climat. Lorsque les marches pour le climat sont évoquées, c’est pour nous faire part de la panoplie des pancartes toutes aussi percutantes et humoristiques les unes que les autres, dans un diaporama bon enfant, ou quelques chiffres en titre d’un article.
Loin de vouloir casser du sucre sur le dos de tout le monde, ce que je voudrais, dans cet article, c’est vous raconter un peu comment cela s’est passé. Tout d’abord, il y a eu la manifestation de vendredi, une marche spéciale pour les étudiants. Une grève générale internationale et, d’abord, scolaire initiée par Greta Thunberg, une jeune suédoise de 16 ans. On a beau critiquer les 2000, cette femme qui avait commencé à faire la grève scolaire aux mois d’août et septembre 2018 devant le parlement suédois pour remuer les élections législatives, est devenue, comme nous le savons, l’icône des jeunes engagés pour la sauvegarde de la planète souhaitant que les dirigeants prennent des actions concrètes et immédiates pour empêcher le réchauffement climatique. Parce que nous, étudiants, jeunesse mondiale, nous avons besoin que ceux qui sont en charge de notre avenir voient plus loin que le bout de leur nez, qu’ils prévoient au-delà de leur quinquennat et qu’on prenne, une bonne fois pour toutes, la vie au sérieux.
De cette façon, à Paris, les étudiants se sont rejoints à 13h au Panthéon, afin de marcher ensemble pour réveiller les consciences endormies par leur désir de profit. Afin de faire entendre que la planète n’est pas un emballage que l’on jette après usage et que, surtout, il n’y en n’a pas d’autre (non, vraiment, même si des milliers d’exoplanètes ont été trouvées, nous n’avons pas les moyens de les atteindre avec notre technologie actuelle et il est très peu probable qu’on y arrive un jour, tout simplement aussi parce qu’il faudrait plus d’une vie pour les rejoindre : donc pour nous c’est déjà cuit et non, on n’a pas encore réussi à réveiller quelqu’un d’une cryogénie), le cortège s’est déplacé de Panthéon à Montparnasse, pour enfin rejoindre les Invalides ; en prenant soin d’éviter le Palais du Luxembourg, siège du Sénat français.
En exclusivité, le ressenti de Déborah Philippe, membre du Louvr’Boîte qui a participé à la marche des étudiants le vendredi 15 :
L.T. : “Qu’est-ce que ça fait de participer à une marche d’étudiants ?”
D.P. : “On a l’impression d’appartenir à un groupe uni pour une cause importante… Même si ce n’est pas quelque chose dont on a l’habitude, je conseille fortement d’y participer au moins une fois. Ce sont les petites choses qui forment les grandes !”
L.T. : “Comment l’après-midi s’est-elle déroulée ?”
D.P. : “Tout a commencé au Panthéon avec des « Et 1, et 2, et 3 degrés, c’est un crime contre l’humanité ! » pendant trois quarts d’heure (oui, les étudiants de l’école étaient trèèès en retard), slogan qui va rythmer toute la marche avec une joyeuse fanfare de cuivres, en passant par Montparnasse avant de se terminer aux Invalides”.
L.T. : “As-tu eu l’impression que les élèves d’histoire de l’art et d’archéologie avaient leur place au sein de cette marche / ont-ils été particulièrement visibles ?”
D.P. : “Évidemment qu’ils ont leur place dans cette marche ! Tout le monde est concerné. Malheureusement il n’y avait qu’une poignée d’étudiants de l’EDL, environ une vingtaine… Très vite dispersée.”
L.T. : “Y a-t-il eu des discours à la fin de la manifestation ?”
D.P. : “Malheureusement, non.”
L.T. : “Quelle sera la prochaine action des étudiants pour le climat ?”
D.P. : “Chaque vendredi, on attend du monde !”
L.T. : “Quelle a été la pancarte/la punchline qui t’a le plus marquée ?”
D.P. : “Une pancarte assez triste sur Ariel, la petite sirène, étouffée par le plastique (âmes sensibles s’abstenir). Quant à la punchline, rien de mieux que le fameux « J’ai pas la thune pour aller vivre sur la lune ».
Concernant la marche de samedi : la tension planait au-dessus de nos têtes. Bien que la marche soit, somme toute, agréable et joyeuse, comme plusieurs de vos camarades du Louvr’Boîte l’ont ressenti, je ne cessais, personnellement, de me faire harceler de notifications FranceInfo sur les incendies des restaurants et boutiques de luxe. Toutefois, il était souvent écrit au dos des Gilets Jaunes « manifestation non violente » et nombreux étaient ceux qui brandissaient leurs écriteaux : « fin du monde, fin du mois, même combat ». Des intervenants des GJ comme on les surnomme, se sont présentés sur la scène, vers 17h sur la Place de la République, afin de rappeler que cette journée, encore une fois, était dédiée à la vie, qu’il s’agisse de la nôtre, de ceux dans le besoin, ou de ceux dont l’État pense encore trop souvent que leur vie ne compte pas, comme l’a rappelé avec émotion la sœur d’Adama Traoré (victime de violences policières en 2016, jugé comme un non-lieu).
Le cortège de ce samedi pour la Marche du Siècle s’est rassemblé entre 14h et 15h Place de l’Opéra et a tracé son chemin jusqu’à la Place de la République. Bien que de nombreuses branches se soient éparpillées dans les rues voisines, c’est à cet endroit que tous se sont rejoints, chantant, dansant, brandissant les punchlines plus ou moins raffinées. « Moi j’y suis arrivée vers 14h. D’abord je suis sortie du métro à Opéra, la rame de métro entière est sortie à cette station. Ensuite, la place était tellement bondée qu’on avait du mal à monter les marches de la bouche de métro », nous rapporte Salomé Moulain, membre du triumvirat du Louvr’Boîte. Malheureusement, ni elle ni moi n’avons pu retrouver les membres de l’EDL partis en crew depuis l’école ; une équipée rassemblée par le club de Mens Sana avait également organisé un atelier de création de pancartes. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne fallait pas être agoraphobe : à République, la foule se rassemblait autour des stands de nourriture, mis en place par les bénévoles des diverses associations organisant la marche et devant la scène où, vers 17h les prises de paroles se sont succédées ; laissant place à des GJ, à des représentants d’associations engagées pour le climat (Les Amis de la Terre), quatre jeunes engagés pour cette marche qui avaient préparé un beau texte sur leurs revendications et les solutions à mettre en place, dont la rhétorique était bien rodée. Enfin, bien sûr, les membres des quatre associations (Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France) qui avaient décidé d’attaquer l’État français en justice face à son inaction pour le climat avec la campagne et la pétition « L’Affaire du siècle », qui ont déposé un « recours en plein contentieux » devant le Tribunal Administratif de Paris en ce mois de mars 2019. Nous avons essayé tant bien que mal de faire un « clap » pour le climat sans s’assommer les uns les autres et de sauter sur place, requinqués par les concerts offerts à la communauté.
On nous a rappelé que les actions continueraient les prochains vendredis pour la marche des étudiants et qu’une autre grève générale, une « action de désobéissance civile non violente » était prévue pour le 19 avril, sans que l’on sache vraiment ce que cela signifie : il faut remplir un formulaire pour bénéficier de futures informations.
Camarades de classe, professeurs, professionnels, on espère que ces actions vous font prendre conscience de l’ampleur de la crise pour le climat, que nous, étudiants en histoire de l’art et archéologie, nous essayons de connaître et de comprendre les cultures afin, non pas de nous cultiver nous-mêmes, mais de les partager, non seulement avec nos contemporains, mais aussi de les transmettre à nos successeurs sur cette planète : car disons-le « Un et deux et trois degrés / C’est un crime / Contre l’humanité ».
Lise THIÉRION